Le Sénat amorce la limitation de l’usage des pesticides
30/01/14 | Tribune libre de Nicole Bonnefoy
Le Sénat amorce la limitation de l’usage des pesticides
Le 24 janvier 2014, l’Assemblée nationale a définitivement adopté une proposition de loi du Sénat visant à encadrer l’usage non-agricole des produits phytosanitaires.
Après son adoption à une très large majorité au Sénat (192 voix pour, 4 contre), l’Assemblée nationale a définitivement voté une proposition de loi déposée par Joël Labbé. Celle-ci reprend deux des recommandations émises dans mon rapport « Pesticides : vers le risque zéro », publié en octobre 2012.
Au cours des sept mois de travail de la mission commune d’information consacrée à la problématique, dont j’ai obtenu la création après avoir été alertée par l’association Phyto-Victimes sur les dangers entraînés par les pesticides, cinq constats majeurs ont émergé, conduisant à dresser un tableau assez alarmant de la situation : – Les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués ; – Le suivi des produits pesticides après leur mise sur le marché n’est qu’imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels ; – Les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques ; – Les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles n’intègrent pas suffisamment la préoccupation de l’innocuité pour la santé du recours aux pesticides ; – Les objectifs du plan Ecophyto 2018 ne seront pas atteints en ce qui concerne la réduction de 50 % de la quantité de pesticides utilisés en France à l’horizon 2018. |
La nécessité d’une réaction rapide par rapport à la dangerosité de nombreux produits pesticides ne faisant plus aucun doute, j’ai moi-même déposé en juillet 2013 une proposition de loi visant à encadrer le recours à des produits pesticides présentant un risque pour la santé.
Je me réjouis qu’une partie de ces travaux ait été reprise dans cette proposition de loi, qui constitue une avancée sur deux points majeurs : – A partir de 2020, les personnes publiques (Etat, collectivités locales, établissements publics…), ainsi que les professionnels opérant pour elles, ne pourront plus utiliser de produits phytosanitaires pour l’entretien de leurs espaces verts, forêts et promenades. Les produits de bio-contrôle et à faibles risques ne seront pas concernés par cette interdiction. Des dérogations sont prévues pour la lutte contre la propagation des organismes nuisibles en cas de danger sanitaire, afin de prendre en compte la sécurité publique dans les cas tels que l’entretien des voies ferrées ou des pistes d’aéroport, et enfin dans des espaces publics nécessitant un entretien particulier tels que les cimetières et terrains de sport. – A partir de 2022, sera interdite la commercialisation des produits pesticides et leur détention pour un usage non professionnel. |
La proposition de loi prévoit également que le Gouvernement prépare un rapport identifiant les freins juridiques et économiques au développement des produits de bio-contrôle et à faible risque. Il contribuera à préparer et encourager la transition vers l’utilisation de produits alternatifs, tels que les préparations naturelles peu préoccupantes.
Dans notre département de Charente, nombreuses sont déjà les communes qui se sont volontairement fixées l’objectif « zéro-phyto » de recourir entièrement aux méthodes alternatives aux pesticides. Les communes qui se sont ainsi engagées en signant la charte « Terre saine » seront d’autant plus encouragées dans leur démarche.
Je me félicite des avancées de ce texte et de ces initiatives locales qui démontrent qu’il est d’ores et déjà possible d’engager la transition vers un autre modèle.
Je n’oublie pas cependant que les zones non-agricoles ne représentent que 5 à 10% des utilisations de pesticides. Il sera donc important d’aller plus loin en continuant à transposer dans nos lois les nombreuses recommandations de la mission d’information. J’attacherai une attention toute particulière à la question, cruciale à mes yeux, de l’évaluation des risques et du suivi des autorisations de mise sur le marché. Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt devra notamment être l’une de ces occasions, afin de développer un autre modèle agricole, plus économe en intrants et plus respectueux de l’environnement.