De fortes avancées dans la décentralisation et la modernisation de l’action publique territoriale

6 février 2014 | Actualités / Sénat

06/02/14 | Tribune libre de Nicole Bonnefoy

De fortes avancées dans la décentralisation et la modernisation de l’action publique territoriale

Après 8 mois de travail au Sénat et à l’Assemblée nationale, le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a été promulgué fin janvier 2014.

S’inscrivant dans une volonté de réforme de la décentralisation et de l’action publique, cette loi vise à renforcer l’efficacité de la puissance publique, qu’elle soit nationale ou locale, et à améliorer la qualité du service public, en s’appuyant sur les collectivités territoriales et en clarifiant l’exercice de leurs compétences. Pour cela, il s’agit d’identifier clairement les échelons pertinents de l’action publique et d’établir des chefs de file par catégorie de compétences, afin d’accroître la performance de l’ensemble des collectivités publiques. Le texte s’est notamment appuyé sur les Etats généraux de la démocratie territoriale organisés au Sénat en octobre 2012, qui ont recueilli les avis et doléances de nombreux élus locaux sur l’exercice de leurs responsabilités. En voici les principales dispositions.

1. Le rétablissement de la clause de compétence générale et la procédure nouvelle de délégation Etat – collectivités

La clause de compétence générale des départements et des régions, supprimée par la réforme des collectivités territoriales de 2010 (et qui devait entrer en application en 2015) est rétablie. Celle-ci habilite les collectivités territoriales à statuer sur toutes questions d’intérêt public local, au-delà de celles qui lui sont attribuées de plein droit, sur le fondement de son intérêt territorial en la matière, et sous réserve qu’elles ne soient pas dévolues par la loi à l’État ou à d’autres personnes publiques.

En outre, la loi crée une nouvelle procédure qui permet de déléguer par convention à une collectivité ou à un EPCI qui le souhaite l’exercice de certaines de ses compétences. Celles-ci ne doivent concerner aucun intérêt national (libertés publiques, justice, défense, monnaie, etc).

2. La conférence territoriale d’action publique (CTAP) et les conventions territoriales d’exercice concerté des compétences.

Le texte affirme le principe de libre coordination des interventions des collectivités territoriales. Les différentes collectivités présentes sur le territoire de la région sont libres de s’organiser entre elles pour l’exercice des compétences au niveau d’intervention qu’elles estiment le plus pertinent, selon la réalité de chacun des territoires, et ainsi de rationaliser leurs moyens d’actions. Le texte prévoit pour cela l’institution des conférences territoriales de l’action publique (CTAP) et des conventions territoriales d’exercice concerté des compétences. Les CTAP constituent l’espace de discussion de référence au niveau local entre les différentes catégories de collectivités territoriales et entre celles-ci et l’État, afin de renforcer leur coordination.

Chaque CTAP se compose : du président du conseil régional, qui préside la CTAP et en fixe l’ordre du jour ; des présidents de conseils généraux ; des présidents des EPCI à fiscalité propre de plus de 30 000 habitants, sur le territoire régional ; d’un représentant par département des EPCI à fiscalité propre de moins de 30 000 habitants ; d’un représentant par département des communes de plus de 30 000 habitants, des communes de 3 500 à 30 000 habitants, et des communes de moins de 3 500 habitants ; d’un représentant des territoires de montage, le cas échéant ; du préfet dont la présence est obligatoire lorsque la CTAP donne son avis sur une délégation de compétence de l’État, optionnelle à sa demande pour les autres séances.

La CTAP examine les projets de conventions territoriales d’exercice concerté des compétences. Ces projets sont obligatoirement élaborés par les régions et les départements pour chacune des compétences dont ils sont chefs de file. Ils fixent les modalités d’action commune de la compétence et les objectifs de rationalisation. Ils peuvent tenir lieu de schéma départemental ou régional, si la compétence concernée le prévoit. Le bloc communal peut également élaborer un projet de convention d’exercice concerté, pour les compétences dont il est chef de file. Il ne s’agit cependant que d’une faculté.

3. Collectivités chefs de file et compétences partagées

La loi réaffirme les vocations des régions et départements et désigne en conséquence chaque catégorie de collectivités territoriales comme chef de file pour la mise en œuvre de plusieurs catégories de compétences (répartition ci-dessous). Il convient de souligner que le fait d’être chef de file n’a pas pour conséquence la tutelle d’une collectivité sur une autre. S’agissant des compétences partagées (ex : tourisme), chaque collectivité ou EPCI peut formuler des propositions de rationalisation de son exercice, débattues au sein de la CTAP.

Régions

– Aménagement et développement durable du territoire
– Protection de la biodiversité
– Climat, qualité de l’air et énergie
– Développement économique
– Soutien de l’innovation
– Internationalisation des entreprises
– Intermodalité et complémentarité entre les modes de transports
– Soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche

Départements

– Action sociale, développement social et contribution à la résorption de la précarité énergétique
– Autonomie des personnes
– Solidarité des territoires

Bloc communal

– Mobilité durable
– Organisation des services publics de proximité
– Aménagement de l’espace
– Développement local

4. Les pôles ruraux d’équilibre et de solidarité territoriale

Le texte met en place une nouvelle structure de coopération, de développement et d’aménagement entre EPCI à fiscalité propre, destinée spécifiquement aux zones rurales : les pôles ruraux d’équilibre et de solidarité territoriale. Cet outil peut être comparé aux pays, supprimés par la loi de réforme de réforme des collectivités territoriales, auxquels ils pourront se substituer et dont ils recouvriront en partie le périmètre et la forme. Il a pour objectif de fédérer les initiatives locales et d’approfondir les dynamiques territoriales existantes.

Le pôle d’équilibre territorial et rural est un syndicat mixte fermé, composé d’EPCI à fiscalité propre. Sa création (ou la transformation d’un syndicat mixte préexistant en pôle) est décidée par délibérations concordantes des EPCI. Outre le conseil syndical, il est mis en place une conférence des maires et un conseil de développement territorial.

Le conseil syndical élabore un projet de territoire pour la conduite d’actions communes ou de mutualisation dans les domaines de compétences des communautés de commune ou des communautés d’agglomération , « en partenariat » avec les EPCI qui le composent. Le conseil syndical peut également décider d’associer les conseils généraux et régionaux à cette élaboration.

5. Le coefficient de mutualisation des services entre EPCI et communes membres.

Le texte instaure un dispositif visant à favoriser, via une incitation financière à la dotation globale de fonctionnement des EPCI, les territoires pratiquant la mutualisation de services entre EPCI et communes membres. Cette incitation financière déterminerait environ 10% de la dotation d’intercommunalité.

6. Le transfert de la gestion des fonds européens

L’Etat confie la gestion des fonds européens à la Région, soit en tant qu’autorité de gestion, soit en tant que délégataire. Les régions peuvent créer, si elles le souhaitent, à chaque début de programmation, un budget annexe pour ces programmes européens. La loi permet également aux groupements d’intérêts publics (GIP) d’être autorité de gestion. Elle prévoit enfin la possibilité de déléguer aux départements ou aux organismes chargés du pilotage de plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE), tout ou partie des actions relevant du fonds social européen.

7. Le schéma régional de l’intermodalité

A l’initiative du Parlement, la loi instaure le schéma régional de l’intermodalité. Il définit les principes d’organisation et l’articulation entre les différents modes de déplacements et notamment la mise en place de pôles d’échanges. Il organise également l’information des usagers. Il est élaboré, en concertation avec l’État, par la Région, les départements, les autorités organisatrices de la mobilité urbaine et l’ensemble des acteurs du transport présents sur le territoire (syndicats mixtes de transports, établissements publics ou gestionnaires de voirie…).

8. La création des métropoles

La loi crée un nouvel EPCI à fiscalité propre : la métropole. Cette nouvelle catégorie d’établissement public de coopération intercommunale est destiné à regrouper plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave et qui s’associent au sein d’un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité et la cohésion à l’échelle nationale et européenne. Un seuil démographique de 400 000 habitants est retenu pour la création des métropoles. En outre, le projet de loi institue les Métropoles de Paris, Lyon, et Aix-Marseille.

Le seuil de création des communautés urbaines est quant à lui fixé à 250 000 habitants.

En savoir + :

Dossier législatif : Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles