Mission pesticides au Sénat : Les industriels sommés de jouer cartes sur table
[ Article Le Quotidien du Médecin du 23/10/12 ]
Mission pesticides au Sénat : Les industriels sommés de jouer cartes sur table
Évaluations et transparence. Tels sont les maîtres mots de la mission d’information du Sénat sur les pesticides et leur impact sanitaire dans son rapport présenté mardi. Parmi la centaine de recommandations adoptée à l’unanimité par les sénateurs de tous bords politiques composant la mission, plusieurs mesures prônent une remise à plat des méthodes d’évaluation des risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. La mission recommande notamment de « réaliser des études de suivi des pesticides, indépendantes et financées par les industriels au moyen d’un fonds non géré par eux » et de mener des « études relatives à la santé sur la vie entière des mammifères testés ».
Dans l’ère du temps
Deux orientations qui vont dans le sens de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) appelant lundi à la « mobilisation de financements publics nationaux ou européens dédiés à la réalisation d’études et de recherches d’envergure » ou du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) prônant le même jour une « étude de long terme, indépendante et contradictoire sous l’égide des pouvoirs publics », à la suite de « la médiatisation à outrance des travaux » du Pr Séralini. « Notre mission est tout à fait dans l’ère du temps », reconnaît volontiers la rapporteuse socialiste Nicole Bonnefoy. « Le secret industriel ne peut plus être mis en avant » pour refuser la publication des études analyses relatives à la santé, « notamment celles précédant une AMM », estime la sénatrice.
En écho au gouvernement qui a plaidé lundi pour une « remise à plat du dispositif européen d’évaluation, d’autorisation et de contrôle des OGM et des pesticides », la mission sénatoriale suggère de revoir le statut de l’expertise pour en améliorer la « crédibilité ». En France, dans le domaine des pesticides, « l’ANSES n’a pas les moyens de mener les investigations nécessaires en toute indépendance », considère le sénateur écologiste Joël Labbé. Pour inverser la tendance, des sénateurs proposeront durant l’examen du projet de loi
de finances pour 2013 de « faire sauter le plafond d’emploi au sein de l’ANSES afin de recruter davantage d’experts au sein de l’agence », indique la sénatrice UMP Sophie Prima et présidente de la mission.
Des dangers pour la santé sous-évalués
L’intitulé de ce nouveau pavé parlementaire de plus de 600 pages en deux tomes – « pesticides : vers le risque zéro » – donne un ton ambitieux à la démarche au regard des principaux constats dressés par la mission : « les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués » ; « le suivi des produits après leur mise sur le marché n’est qu’imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels et l’effet des perturbateurs endocriniens est mal pris en compte » ; « les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques » ; « les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles n’intègrent pas suffisamment la préoccupation de l’innocuité pour la santé du recours aux pesticides ».
Quant au plan Ecophyto 2018 lancé lors du Grenelle de l’environnement, beaucoup reste à faire. Alors que ce plan prévoyait une réduction de 50 % de la quantité de pesticides utilisée en France, « en 2011, c’est au contraire une augmentation de 1,3 % qui a été constatée », indique Joël Labbé. Avec 60 000 tonnes de pesticides utilisées chaque année, la France demeure le premier consommateur européen et le quatrième au niveau mondial.
« Nous allons faire vivre ce rapport », assure Nicole Bonnefoy qui évoque des suites possibles dans le cadre de projets de loi, d’amendement et autres questions au gouvernement. Ce rapport et sa centaine de propositions feront par ailleurs l’objet d’un débat en séance plénière à la Haute Assemblée en janvier prochain. […] Article le Quotidien du Médecin