Le Sénat appelle à mieux évaluer les risques liés à l’usage des pesticides
[ Article Le Monde du 24/10/12 ]
Le Sénat appelle à mieux évaluer les risques liés à l’usage des pesticides.
Un rapport souligne les faiblesses des études d’épidémiologie et de la procédure d’autorisation de mise sur le marché.
Donner la priorité à la santé. C’est le message-clé du rapport sur les pesticides présenté par la sénatrice (PS) Nicole Bonnefoy, mardi 23 octobre. En février 2012, pour la première fois en France, la société Monsanto était condamnée pour avoir intoxiqué un agriculteur, Paul François, un céréalier charentais de 48 ans. En cause: un herbicide, le Lasso, interdit depuis à la commercialisation. C’est la situation de M.François, président de l’association Phyto-Victimes, qui a alerté la sénatrice Mme Bonnefoy. Elle a alors décidé de créer une mission commune d’information sur «les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement».
Le rapport dresse des constats sévères et fait une centaine de propositions. Il estime que les dangers et les risques présentés par les pesticides sont sous-évalués, tant il est difficile de recenser les cas de pathologies professionnelles.
Pour les rapporteurs, le constat est sans appel, les pesticides sont dangereux. Au-delà des effets allergisants, dermatologiques, respiratoires et de troubles neurologiques,
de nombreux produits phytosanitaires sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens, dont la nocivité est démontrée depuis au moins dix ans.
Les membres de la commission sénatoriale demandent une meilleure organisation de la toxicovigilance. Le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a affirmé qu’un décret était en préparation, visant à placer le réseau de toxicovigilance sous l’égide de l’Institut de veille sanitaire. Les auteurs du rapport demandent de nouvelles études d’épidémiologie et le retrait du marché des produits contenants des perturbateurs endocriniens suspects.
Conflits d’intérêts
Ils affirment également la nécessité d’améliorer la procédure d’autorisation de mise sur le marché des pesticides (AMM), souhaitant aussi que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) joue un rôle-clé dans le choix des laboratoires chargés d’évaluer les risques des produits
sur la santé.
Tout en proposant que les industriels abondent un fonds qui financera ces études, les rapporteurs demandent une loi empêchant les conflits d’intérêts: il s’agit d’abord de mettre fin à la confusion entre prescription et vente de pesticides, puis de s’attaquer au problème de la constitution des groupes d’experts chargés de conseiller les pouvoirs publics, dont les membres sont parfois des représentants des fabricants de pesticides.
Le rapport met ensuite en exergue l’intérêt de mieux cerner les limites des modèles et des pratiques industriels, commerciaux et agricoles, les impératifsde productivité
ayant longtemps pris le pas sur les préoccupations de santé. La France est aujourd’hui le troisième plus gros consommateur de pesticides au monde. Les sénateurs estiment qu’il faut renforcer la formation des agronomes, donner plus de moyens à l’agriculture biologique et aux méthodes alternatives, sans sacrifier les objectifs de production. Mais aussi mieux financer la recherche sur ces sujets.
Ces pistes sont au coeur du plan Ecophyto2018, lancé en 2008 suite au Grenelle de l’environnement. M.Le Foll a annoncé, le 9 octobre, un changement d’approche dans la poursuite de ce plan, qui échoue pour l’instant à atteindre son objectif de diviser par deux l’usage des pesticides d’ici à 2018. Les sénateurs considèrent que, même si l’usage des pesticides a continué d’augmenter depuis, il ne faut pas différer ce plan mais, au contraire, en favoriser la réalisation. […] Article le Monde