Suppression de la taxe professionnelle : les sénateurs se rebiffent
[ Article Sud Ouest du 02 /11/09 ]
Jean-Pierre Raffarin est le troisième ancien Premier ministre à clamer haut et fort son opposition à la suppression de la taxe professionnelle (TP) telle qu’envisagée par le gouvernement. « C’est se foutre du monde », avait tonné ainsi Alain Juppé, maire UMP de Bordeaux, avant de regretter la tonalité de ses propos.
Et mercredi, Édouard Balladur avait critiqué le calendrier retenu par le gouvernement, à savoir le couplage de la réforme territoriale et de la suppression de la TP. « On ne peut pas faire une véritable réforme fiscale avant de savoir quelles sont les compétences de chacun des niveaux de collectivités territoriales, Département, Commune, Région. Il faut d’abord fixer la règle du jeu entre elles, avant de savoir comment on va leur affecter ce qui va remplacer la taxe professionnelle », avait jugé l’ancien Premier ministre.
Bras de fer à l’Assemblée
Un argument repris avec force dans la tribune publiée dans « Le Journal du Dimanche » par 24 sénateurs UMP, dont Jean-Pierre Raffarin. Quelques jours auparavant, le sénateur de la Vienne avait prévenu qu’il n’y avait « pas de majorité » au Sénat pour voter la réforme.
Si tous, à droite comme à gauche, considèrent, à l’instar du président Nicolas Sarkozy, que la TP est un « impôt imbécile », une large majorité des parlementaires critiquent le texte du gouvernement qui met en danger, selon eux, le financement des collectivités locales. L’Assemblée nationale ne l’a d’ailleurs voté la semaine dernière qu’au terme d’un long bras de fer entre le gouvernement et sa majorité UMP et d’une réécriture complète du projet initial.
La réforme de la TP prévoit la suppression de la taxation des investissements des entreprises, ce qui représente un manque à gagner pour les collectivités locales de quelque 11 milliards d’euros. Le projet prévoit donc une compensation, avec une nouvelle contribution payée par les entreprises à partir de 500 000 euros de chiffre d’affaires. Si en 2010, les pertes pour les collectivités seront compensées, à partir de 2011, les choses sont plus incertaines. D’où l’inquiétude de l’ensemble des élus face à la perspective de devoir augmenter les impôts locaux payés par les ménages.
Le porte-parole du PS Benoît Hamon s’est réjoui de voir Jean-Pierre Raffarin rejoindre la position des socialistes et a demandé à Nicolas Sarkozy de renoncer à cette réforme. De son côté, le président du PRG Jean-Michel Baylet a loué le « courage » de M. Raffarin.
Risque réel pour la réforme
Le secrétaire général de l’UMP, Xavier Bertrand, a quant à lui minimisé la fronde des sénateurs. Pour lui, elle signifie seulement qu’il y a « une demande de précisions supplémentaires pour les collectivités au Sénat ». « Le débat est tout à fait souhaitable au Sénat », a-t-il souligné, en assurant qu’il permettrait d’« apporter les clarifications ». Même tonalité à Bercy, où l’on a assuré que Christine Lagarde « sera à l’écoute » des sénateurs et travaillera avec eux à l’élaboration d’un texte qui leur convienne.
La situation pour le gouvernement peut en effet être périlleuse. En effet, l’UMP ne dispose plus que d’une majorité relative au Sénat. Et si les 24 sénateurs UMP frondeurs persistent, le risque que la réforme soit repoussée est bien réel. En outre, même si le dernier mot appartient à l’Assemblée nationale, un tel résultat au Sénat pourrait inciter les députés UMP à être plus combatifs.