Suppression de la taxe professionnelle : la position des sénateurs socialistes

12 novembre 2009 | Tribune libre

[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy du 12/11/09 ]

Taxe ProfessionnelleDans cette première tribune libre, il m’a paru important de vous faire partager la position des sénateurs socialistes sur la suppression de la taxe professionnelle, proposée dans le projet de loi de finances pour 2010, qui sera examiné au Sénat, à partir du 19 novembre prochain.

Les sénateurs socialistes y sont opposés et ils dénoncent :

L’incohérence de l’agenda puisque les parlementaires devront voter la répartition des ressources entre les collectivités territoriales, alors même que le projet de loi sur la répartition des compétences n’a pas encore été examiné, et que le projet de loi sur le cinquième risque n’est toujours pas déposé.

– L’improvisation du gouvernement et la confusion de la majorité. Au regard de l’enjeu énorme que représente la taxe professionnelle, les socialistes dénoncent l’improvisation du gouvernement et le manque de préparation de cette réforme, qui ne vise qu’à répondre à la promesse de Nicolas Sarkozy faite au MEDEF. De son côté, la majorité UMP est particulièrement divisée et n’arrive pas à s’entendre sur le sort réservé aux collectivités territoriales. La volonté de la majorité de reporter une partie de la réforme relative aux collectivités territoriales au cours de l’année 2010, n’en est que la preuve ultime.

– La perte de près de 15 milliards d’euros de recettes de taxe professionnelle pour les collectivités territoriales. La taxe professionnelle représente une recette d’environ 31 Milliards d’euros en 2009. La nouvelle cotisation économique territoriale ne rapportera qu’environ 16 à 17 milliards d’euros. Cette perte de recettes pour les collectivités territoriales résulte du cadeau fiscal accordé aux entreprises par le gouvernement.

– L’aggravation du déficit de l’État : le cadeau que le gouvernement fait aux entreprises, coûtera à l’État plus de 5 milliards d’euros à compter de 2011 (plus de 11 milliards en 2010). Le déficit sera payé par l’ensemble des français, qui subiront une hausse de leurs impôts.

– La perte d’autonomie fiscale pour les collectivités territoriales : Leur perte de recette est compensée en partie par la création de nouveaux impôts ou le transfert d’impôts d’Etat, pour lesquels les collectivités ne disposent ni du droit de déterminer l’assiette ni du droit de fixer le taux. On assiste donc à un affaiblissement du pouvoir et des libertés locales.

– L’augmentation des dotations budgétaires : le retour de l’État dans le financement des collectivités territoriales : pour combler les pertes de recettes, les collectivités territoriales percevront plus de 7 milliards d’euros de dotation budgétaire. Leur maintien dans les prochaines années n’est pas assuré. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit une baisse de près de 6% des dotations de compensations d’exonérations de fiscalité locale.

– Le basculement de la charge des impôts locaux sur les ménages : Actuellement la répartition de la charge des impôts locaux entre les ménages (49%) et les entreprises (51%), est quasiment 50/50. Après la réforme, les ménages assumeront près de 70% des impôts locaux contre 30% pour les entreprises. De même, les collectivités territoriales bénéficieront de la liberté de vote, quasi uniquement, sur les impôts ménages, entrainant de fait une augmentation de leur charge fiscale.

– L’absence totale de péréquation et de solidarité financière entre les territoires (maintien des inégalités actuelles et gel du montant des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, gel du Fonds de solidarité de la région Ile-de- France). Faute de solutions apportées par le gouvernement et la majorité, la droite sénatoriale propose de reporter le débat à l’année prochaine !

– Les services publics locaux en danger : Face à la diminution de leurs recettes fiscales et à l’insécurité financière, les collectivités territoriales n’auront plus les moyens financiers d’assumer la mise en oeuvre des services publics (transports, logements, école, université, sport, loisirs etc.) et l’aide sociale pour tous les citoyens.

Si l’amendement de suppression proposé par les sénateurs socialistes est rejeté, ils proposeront les amendements suivants :

Augmenter la recette fiscale produite par la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée et perçue par les collectivités territoriales : taux unique de 1,5% dès 152 000€ de chiffre d’affaire

Renforcer l’autonomie fiscale de l’ensemble des collectivités territoriales en leur permettant de moduler le taux de la cotisation complémentaire.

– Renforcer particulièrement l’autonomie fiscale des départements et régions, en maintenant leur part de taxe d’habitation pour les premiers, et de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les secondes.

– Renforcer le lien entre les entreprises et le bloc communal en augmentant la part du nouvel impôt assis sur la valeur ajoutée perçu par les communes et intercommunalités.

– Maintenir une répartition du nouvel impôt assis sur la valeur ajoutée conforme à la répartition actuelle de la taxe professionnelle.

Renforcer la péréquation entre les collectivités territoriales.

Renforcer la cohérence entre les ressources perçues par les départements et leurs compétences principalement sociales, par l’octroi d’une part de la contribution sociale généralisée.

– Améliorer la compensation financière pour l’année 2010, en prenant en compte le taux voté par la collectivité en 2009 (au lieu de 2008).

En savoir + :

Article 76 de la loi de finances pour 2010 instituant les clauses de revoyures
Tribune libre : « Suppression de la TP : quelles conséquences ? »
Tribune libre : « La position des sénateurs socialistes »
Délibération du Conseil Général sur le voeu relatif au projet de réforme de la taxe professionnelle et aux projets de réorganisation territoriale
Les deux sénateurs charentais lancent un appel contre la réforme

Revue de presse :

Communiqué de presse de Nicole Bonnefoy et Michel Boutant : « L’Etat ne tient pas ses engagements »
Les sénateurs et des maires en force contre Sarkozy
La fronde de Raffarin réjouit les sénateurs
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Le Département à l’unisson
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Le PS s’élève contre la suppression de la taxe professionnelle

Communiqués de presse du groupe socialiste :

Restriction des finances des collectivités territoriales : une pièce en trois actes au dénouement malheureux
Le Sénat est aujourd’hui la chambre funéraire des collectivités locales
Le coup fatal aux collectivités locales
La confusion entretenue par la majorité sénatoriale
Sarkozy,le fossoyeur de la décentralisation