Le Sénat encadre la pratique des sondages politiques

17 février 2011 | Actualités / Sénat

[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy du 17/02/11 ]

Le Sénat encadre la pratique des sondages politiques

SondagesLe 14 février dernier au Sénat, une proposition de loi visant à encadrer la pratique des sondages a été adoptée à l’unanimité des sénateurs, contre l’avis du Gouvernement. Dans le cadre de son examen, je suis intervenue lors de la discussion générale de ce texte au nom du groupe socialiste.

J’ai tenu à apporter mon soutien à cette initiative qui, même si elle ne répondra pas à l’ensemble des problèmes que nous rencontrons actuellement, permettra d’assainir le débat politique et électoral. Le texte doit désormais être examiné par nos collègues députés avec, je l’espère, une issue identique à celle du Sénat.

Cette proposition de loi est l’aboutissement de deux ans de travail. En 2009, la commission des lois du Sénat a décidé de créer en son sein, une mission d’information sur les sondages en matière électorale. Deux co-rapporteurs ont alors été désignés : MM. Hugues Portelli (UMP) et Jean-Pierre Sueur (PS). Leurs conclusions ont été présentées dans un rapport d’information, le 20 octobre 2010, intitulé « Sondages et démocratie : pour une législation plus respectueuse de la sincérité du débat politique ».Les deux rapporteurs formulaient alors une quinzaine de recommandations, partant toutes du constat que la législation actuelle ne garantissait pas la sincérité des sondages. La proposition de loi en constitue donc la traduction législative.

Toutes ces initiatives surviennent dans un contexte de prolifération des sondages en France. Actuellement, plus de 1000 sondages paraissent par an, soit 3 par jour, faisant de la France l’un des plus gros consommateurs au monde. De plus, les sondages sont devenus partie intégrante du jeu médiatique et politique français. Ainsi, il ne se passe plus un jour où le résultat d’un sondage ne vient pas relancer un débat, alimenter une polémique ou évaluer la côte de popularité d’un homme politique.

Or, dans le même temps, la législation encadrant cette pratique n’a pas réellement évolué depuis la loi du 19 juillet 1977, qui apparaît aujourd’hui bien dépassée.

A cette obsolescence juridique, vient s’ajouter un phénomène récent de foisonnement d’enquêtes d’opinion ne respectant aucune règle méthodologique de base, tant dans leur élaboration que dans leur publication, et s’appropriant pourtant, la qualité de sondage.

Il semblait donc urgent que le législateur réagisse en actualisant le droit, afin de le mettre en phase avec notre société actuelle.

Je tiens à vous présenter succinctement les mesures phares de ce texte :

1 | Instaurer une définition officielle du sondage

L’article Ier de cette PPL est fondamental car il comble un vide juridique en établissant dans la loi, une définition du sondage. C’était, bien évidemment, un préalable indispensable pour qu’une loi puisse encadrer cette pratique.

Ainsi, un sondage est désormais définit comme « une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d’une population par l’interrogation d’un échantillon représentatif de celle-ci, qu’il soit constitué selon la méthode des quotas ou selon la méthode aléatoire ».

Cette définition a la qualité d’étendre le champ d’application de la loi de 1977 à l’ensemble des sondages politiques et non plus seulement électoraux. A titre d’exemple, actuellement, un sondage portant sur la popularité d’une réforme n’est pas considéré comme électoral et échappe donc à la législation en vigueur. Cette situation ne peut plus durer car nous savons pertinemment que tous les sondages politiques sont intrinsèquement liés, de prés ou de loin, aux élections.

Il est aussi précisé qu’aucun sondage ne peut faire l’objet d’une gratification de quelque nature que ce soit.

2 | Améliorer l’information auprès de la population et des médias afin de renforcer la sincérité des débats politiques

Cette proposition de loi permet à chaque citoyen d’avoir une meilleure connaissance de tous les maillons de la chaine du sondage. Ainsi, elle prévoit que la première publication ou diffusion d’un sondage devra être accompagnée d’un certain nombre d’informations : la mention du nom et de la qualité du commanditaire du sondage, de la taille de l’échantillon interrogé, du texte intégral des questions posées ainsi que des marges d’erreur des résultats publiés ou diffusés.

De plus, au plus tard vingt quatre heures avant cette publication, l’organisme qui a réalisé le sondage devra procéder au dépôt d’une notice auprès de la commission des sondages. Cette dernière devra comporter toutes les indications précédemment citées ainsi que l’objet du sondage, la méthodologie utilisée, les conditions de réalisation du sondage, le taux de non-réponse aux questions et les critères de redressement des résultats bruts du sondage.

Dès la publication du sondage, toute personne pourra consulter cette notice sur le site internet de la commission des sondages.

3 | Renforcer l’indépendance et la capacité d’expertise de la Commission des sondages

Face à ces objectifs, la Commission des sondages prend, ici, toute son importance. De ce fait, il semblait indispensable d’en renforcer le rôle, l’efficacité et la légitimité.

Ainsi, sa composition a été modifiée. Dorénavant, en plus des magistrats, des personnalités qualifiées en matière de sciences politiques, de droit public, de sciences sociales, de mathématiques et de statistiques siègeront en son sein. La pluralité de l’expertise n’en sera que renforcée, tout comme sa qualité.

De plus, la proposition de loi s’assure de l’indépendance de ses membres. D’une part en ne permettant pas le renouvellement des mandats et, d’autre part, en interdisant formellement chacun de ses membres d’avoir perçu, dans les trois années encadrant son mandat, une rémunération de quelque nature que ce soit, de la part des médias ou des organismes de sondage.

La Commission des sondages voit aussi ses moyens d’actions élargis. Elle reçoit compétence pour présenter, a priori, dans le mois qui précède un scrutin, des observations concernant l’élaboration d’un sondage. Elle peut ordonner à toute personne qui publie un sondage en violation de la loi ou altérant la portée des résultats obtenus, de mentionner les indications obligatoires oubliées ou une mise au point avec une audience équivalente.

4 | Accentuer les sanctions pénales en cas de manquement

La proposition de loi maintient l’interdiction de la publication, de la diffusion et du commentaire de tout sondage la veille et le jour d’un scrutin. Cette interdiction prend fin à la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain.

Le dispositif pénal s’élargit. Une sanction de 75.000 euros est prévue pour :
• toute utilisation abusive du terme de sondage pour des enquêtes ne respectant pas les règles édictées par la présente loi,
• toute entrave à l’action de la Commission des sondages dans l’exercice de sa mission de vérification,
• tout refus de publication de mise au point, demandée par la Commission,
• ainsi que pour le fait de commander, réaliser, publier ou laisser publier, diffuser ou laisser diffuser un sondage en violation de la présente loi.

En conclusion, et comme je l’ai précisé lors de mon intervention dans l’hémicycle, nous pouvons réellement espérer que les avancées de ce texte permettront de rendre le débat politique plus sincère et serein, tout en limitant certaines dérives. Il est impensable que, dans une démocratie moderne comme la nôtre, les sondages prennent autant d’importance dans la vie politique sans qu’ils soient, dans le même temps, encadrés par la loi et soumis à des règles strictes.

En savoir + :

Vidéo : intervention en séance publique sur la proposition de loi relative aux sondages
Proposition de loi n°63 adoptée par le Sénat

Revue de presse :

La proposition de loi sur les sondages, bientôt à l’Assemblée
Communiqué de presse suite au sondage paru dans le journal Le Parisien