Le Département en guerre contre le frelon asiatique
09/03/12 | Article Charente Libre
Le Département en guerre contre le frelon asiatique
Le frelon asiatique est l’ennemi en Charente Le conseil général propose de prendre en charge les frais de destruction des nids et incite au piégeage. Cette dernière mesure ne fait pas l’unanimité.
«C’est l’ennemi de trop. Cela ne peut plus durer!» Cela sonne comme une déclaration de guerre. Michel Boutant, le président du conseil général de la Charente, vient de déclarer une lutte sans merci au frelon asiatique, le fameux vespa velutina, qui semble se plaire en Charente depuis plus de deux ans. Le Département a décidé de consacrer, dans un premier temps, 75 000 euros à la lutte contre la bestiole «pour prendre en charge les frais de destruction des nids, qui représentent de 80 à 200 euros selon la taille et la hauteur du nid». Avec un appel du pied lancé aux municipalités pour qu’elles participent. Jean-Michel Bolvin, le président de l’Association des maires de Charente, l’a assuré à Michel Boutant. Il n’est pas contre.
Le patron du conseil général justifie: «Chaque année, on est confronté à des demandes de gens qui vivent à proximité de nids, qui n’ont pas toujours les moyens de les faire détruire ou qui sont menacés par des colonies installées chez un voisin que cela ne gêne pas.» On a ainsi vu des communes inquiètes, comme à Saint-Simon, parce qu’un nid s’était développé à proximité d’un cimetière.
«Si c’est un animal paisible, il est tout de même dangereux», commente Olivier Pucek. Le directeur de cabinet de Michel Boutant est aussi apiculteur amateur éclairé et sait que les abeilles sont les premières victimes. Il a aussi vu les ruches, sur le toit du conseil général, se faire attaquer, décapiter et dévorer par le frelon. «Ça ne leur prend que deux secondes, confirme Philippe Piton, le spécialiste du conseil général. Surtout, il occupe une niche de plus en plus importante de la biodiversité.»
Philippe Piton défend l’autre volet de la lutte contre le frelon, controversé: le piégeage. Une bouteille, un appât. «L’objectif, c’est d’attirer les « fondatrices », les reines qui sortent tout juste d’hibernation et qui sont en train de chercher de la nourriture et de la matière pour construire les nids.» Mais c’est maintenant et jusqu’à la fin avril seulement. «Ensuite, c’est inutile. Les reines ne sortent plus, se contentent de laisser faire les ouvrières et de pondre.»
Impossible à éradiquer
Le péril serait bien là, de les laisser se développer. Nicole Bonnefoy, la sénatrice socialiste, connaît par coeur le comportement des frelons asiatiques. Elle a déposé un projet de loi au Sénat pour une prise en compte au niveau national. «Face à ce qui pose un vrai problème aux apiculteurs, on est très désorganisé. Le gouvernement dit qu’il y réfléchit. Les scientifiques du Muséum d’histoire naturelle observent. L’Inra [Institut national de la recherche agronomique, NDLR] cherche à mettre au point un piège sélectif aux phéromones qui n’est pas prêt. Il y a urgence à coordonner la lutte, à classer le frelon asiatique en nuisible. Et si l’on sait désormais qu’il est impossible d’éradiquer l’espèce, on peut contenir son développement.»
Des initiatives variées ont vu le jour un peu partout. En 2011, la Charente-Maritime a dépensé 210 000 euros pour détruire 1 350 nids. C’était cher, mais nécessaire. «On va déterminer et négocier un tarif», corrige Michel Boutant. Le président du conseil général espère qu’ainsi les particuliers n’hésiteront pas à signaler leurs observations pour que les mairies puissent établir un recensement précis et intervenir.
Piéger, détruire, c’est aussi le souci des professionnels. Roland Haulin est apiculteur à Combiers et peste contre les organismes génétiquement modifiés. Il s’inquiète du frelon asiatique, en particulier depuis qu’il a rendu visite à un confrère qui, dans la vallée pyrénéenne du Louron, «se bat avec depuis sept ans». Mais cela coûte cher de faire intervenir les spécialistes «à 150 euros». Il vient alors de proposer au président du syndicat des apiculteurs d’investir dans «du matériel de protection, une perche télescopique et du dioxyde de soufre», pour mutualiser les moyens et agir à proximité des ruches. «Ce n’est qu’un projet», qui pourrait aider la profession.
Si les initiatives fleurissent, Nicole Bonnefoy insiste: «Il y a urgence à mettre en place un plan de lutte coordonnée, aider les chercheurs parce que l’on ne pourra pas limiter l’impact avec les moyens que l’on a aujourd’hui». Urgence, parce que «depuis son introduction dans un lot de poteries en Lot-et-Garonne en 2005, le frelon asiatique progresse de 70 à 100 kilomètres chaque année».
Service public à Magnac-lavalette
Détruire des nids de guêpes, c’était le quotidien des pompiers. Didier Jobit, maire de Magnac-Lavalette et pompier professionnel, a mis ses deux casquettes pour lutter contre le frelon. «J’ai créé un service public il y a un an et demi. Parce qu’il n’est pas facile pour une petite mamie qui vit avec le fonds de solidarité rurale de se payer la destruction d’un nid chez elle.» Didier Jobit a investi dans le matériel, acheté les produits et formé un employé municipal qui intervient dans toute la commune. Et la mairie facture 20 euros, au forfait. «Le gars est formé, tout est fait dans les règles. Il ne grimpe pas à plus de 2,50 mètres de hauteur.» Magnac-Lavalette, c’est un peu la préfiguration de ce que projette le conseil général en ayant, là, recours à des professionnels. Ils sont sept agréés en Charente. «On ne touche pas au nid pour éviter les agressions, précise Didier Jobit. On pulvérise, on revient quand le produit a fait effet et on brûle le nid.» À Magnac-Lavalette, la première saison s’est soldée par la destruction de «moins une dizaine de nids». «Il n’y en a pas tant que ça.» Mais les habitants des communes voisines ont commencé à appeler…
De la bière brune, du vin blanc, un trait de sirop de framboise ou de cassis. Le cocktail, dans une bouteille au goulot coupé et retourné, est censé repousser les abeilles et attirer les reines qui cherchent à se nourrir. Mais le principe est aussi controversé. Il pourrait être «pire que le mal», redoute Gilles Marsat, le président de Charente-Nature. «Il y a beaucoup de risque d’attirer d’autres insectes pollinisateurs. Ce n’est pas un conseil à donner.» «Le risque est limité, se défend Philippe Piton au conseil général. Il ne faut piéger que jusqu’à la fin avril, quand les fondatrices sortent encore.» Il y a même débat sur la période de piégeage, entre le printemps et l’automne. Il n’y a vraiment qu’un terrain d’entente que concède Nicole Bonnefoy: «C’est plus compliqué qu’il n’y paraît.» […] Article Charente Libre