La retraite à 60 ans, c’est fini !

3 novembre 2010 | Actualités / Sénat

[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy du 10/11/10 ]

Réforme des retraites

Le Gouvernement revient sur une des avancées sociales majeures du XXe siècle.

La réforme des retraites a été adoptée définitivement au Sénat le 26 octobre par 177 voix contre 151. Le Conseil Constitutionnel a validé ce texte le mardi 9 novembre, après un recours déposé par le groupe socialiste qui estimait que plusieurs dispositions de cette loi portaient atteinte au principe d’égalité pour certains salariés. Toutefois, les « sages » ont censuré les articles relatifs à la réforme de la médecine du travail qui avaient été ajoutés en cours de débat par voie d’amendement. La réforme a été publiée au Journal Officiel dès le 10 novembre.

Lors de l’examen de cette réforme au Sénat, les débats entre la majorité et l’opposition ont été vifs et parfois tendus. Ils ont donné lieu à plus de 140 heures de discussion en 3 semaines, de jour comme de nuit, du lundi au samedi. C’est un nouveau record de durée depuis 1986. Près de 1200 amendements ont été déposés dont près des trois quart par l’opposition.

Comme vous le savez, le parti socialiste ainsi qu’une majorité des français, ont rejeté fermement cette réforme. Malheureusement, personne n’a été entendu et, malgré de nombreuses propositions formulées lors de l’examen du texte, aucune avancée n’a été obtenue.
Le dialogue semblait même impossible, tant le Gouvernement campait sur ses positions en restant sourd aux revendications des français et aux propositions des sénateurs de gauche. Toutes les procédures possibles pour accélérer les débats ont été utilisés : l’enclenchement de la procédure accélérée qui ne permet qu’une seule lecture par chambre ou encore le recours au vote bloqué, censurant l’opposition en mettant fin à des débats que le Gouvernement trouvait trop long.

Il est aberrant d’avoir balayé de cette manière la retraite à 60 ans qui est pourtant un des acquis sociaux les plus importants du XXe siècle. En amont, il n’y a pas eu de réelles concertations, exceptées de façades, avec  les organisations syndicales, les associations et l’ensemble de la société civile. En aval, il n’y a pas eu de véritable débat au Parlement. Le Gouvernement a fait voter la réforme qu’il souhaitait en réitérant continuellement le même discours : « cette réforme est la seule possible ; à un problème démographique, nous ne pouvons apporter qu’une réponse démographique ».

Or,  l’opposition a démontré à maintes reprises, par le biais de propositions concrètes, que ce n’était pas la seule voix possible, bien au contraire. De plus, il est regrettable que dans la nation des droits de l’Homme, certains  ne voient dans l’espérance de vie qui progresse, qu’un « problème » auquel il faut apporter une solution !

Durant les débats, on nous a vanté les autres systèmes européens notamment allemand ou scandinave, en indiquant que ces pays avaient fait cette réforme et que nous ne pouvions faire autrement. Mais le Gouvernement a omis de préciser que les allemands ont la possibilité de partir à la retraite après 35 ans de cotisation et que les pays scandinaves ont mis plus de 20 ans à réformer leur système (contre 6 mois en France !).

Pourtant, nous sommes tous d’accord pour dire qu’une réforme est indispensable mais pas celle-là. La France produit toujours plus de richesse et cela, toujours au profit d’une minorité. Comment expliquer aux gens que les « caisses sont vides » et que chacun doit faire un effort alors que les plus aisés bénéficient du bouclier fiscal ?! Comment leur expliquer que l’État puisse débloquer des milliards pour venir au secours des marchés financiers et des banques et, dans le même temps, faire une réforme des retraites financée à 85% par les salariés ?!
Je crains qu’avec cette réforme, le Gouvernement ait sciemment ouvert la boite de pandore vers la capitalisation privée.

Je tiens aussi, dans cette tribune libre, à vous présenter les principales mesures de la réforme des retraites, pour que chacun puisse se faire une opinion personnelle.

L’âge légal

Les deux principales mesures de ce texte sont bien évidemment le report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et de l’âge de départ sans décote à 67 ans.
L’âge légal de départ va augmenter progressivement de quatre mois par an à compter du 1er juillet 2011. La première génération concernée est celle de 1951.

Dans ce cadre, le Gouvernement n’a pas fait la différence nécessaire entre l’espérance de vie à la naissance et l’espérance de vie en bonne santé. En effet, nous vivons en moyenne plus longtemps mais, selon les professions, nous sommes plus ou moins usés au moment de la retraite. De ce fait, demander à un ouvrier de travailler jusqu’à 62 ans n’est pas la même chose que de le faire pour un cadre !

La durée de cotisation

Actuellement à 40,5 ans, cette durée de cotisation doit passer à 41 ans en 2012 puis à 41 ans et trois mois à partir de 2013. Le Gouvernement a prévu de renvoyer à des décrets ultérieurs la poursuite de l’allongement de la durée de cotisation.

Les carrières longues

Le dispositif permettant un départ anticipé à la retraite avant l’âge légal sous réserve d’avoir une durée de cotisation de deux ans supérieure à celle requise pour le taux plein, est reconduit. Il est élargi à ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans. L‘âge minimal de départ autorisé passe de 56 à 58 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 14 ans.

Cette réforme pénalise donc fortement les personnes qui ont commencé à travailler avant 17 ans. En effet, dans ces cas-là, certains vont être amenées à cotiser 42, 43 ou 44 ans !

La pénibilité

Nous n’avons pas cessé de dénoncer durant les débats, l’amalgame choquant qui a été fait entre pénibilité et incapacité. En effet, seuls les salariés qui, du fait d’une situation d’usure professionnelle constatée, ont un taux d’incapacité physique supérieur ou égal à 20%,  pourront continuer à partir à la retraite à 60 ans.  Dans certains cas, un seuil de 10% sera retenu : l’assuré devra alors prouver son exposition à des facteurs de risques professionnels et recevoir l’aval d’une commission.

Au total, cette « soi-disant » prise en compte de la pénibilité devrait concerner seulement 30.000 personnes sur les 700.000, partant en retraite chaque année.

Les mesures en faveur des parents et handicapés

L’âge de départ à 65 ans à taux plein est maintenu pour les parents d’enfants lourdement handicapés soignés à domicile ainsi que pour les mères de trois enfants, nées entre 1951 et 1955, ayant arrêté de travailler pour les élever.

Sur ce point, je tiens à préciser que, malgré les effets d’annonce du Gouvernement, ces parents n’ont pas obtenu d’avancées, mais juste le maintien du système existant !

La Fonction publique

Un alignement du taux de cotisation retraite des fonctionnaires sur celui du privé, étalé sur 10 ans, est prévu. La réforme prévoit la fin en 2012 du dispositif qui permet aux fonctionnaires parents de trois enfants avec 15 ans d’activité de partir à la retraite à l’âge de leur choix.

Égalité hommes/femmes

La réforme prévoit que les entreprises d’au moins 50 salariés pourront être sanctionnées financièrement si elles n’ont pas signé d’accord ou de plan destiné à résorber les écarts salariaux hommes-femmes (sanction pouvant aller jusqu’à 1% de la masse salariale).

Les femmes sont les grandes perdantes de cette réforme. Déjà victimes de discriminations tout au long de leur carrière professionnelle, elles ne sont pas épargnées au moment de la retraite en touchant, en moyenne, une pension inférieure de près de 40% à celle des hommes.
En effet, les femmes, de par leurs obligations familiales, connaissent des carrières beaucoup plus fractionnées que leurs homologues masculins. De plus, leurs carrières sont beaucoup plus précaires : elles occupent 83 % des emplois à temps partiel et touchent en moyenne un salaire inférieur de 27 % à celui des hommes. Actuellement, 1 femme sur 2 part à la retraite sans avoir cotisée le nombre d’annuités suffisantes.
La présente réforme va donc aggraver cette situation en obligeant la majorité des mères de familles à travailler, au minimum, jusqu’à 67 ans si elles souhaitent une pension acceptable. Il n’y a donc pas eu d’avancées pour les femmes. Au contraire, cette réforme risque de creuser encore un peu plus les inégalités entre les sexes !

Conclusions

Le Gouvernement a d’ailleurs fait l’aveu que sa réforme n’en était pas une. En effet, la loi prévoit que, dès 2013,  une étude sera lancée pour préparer une « réforme systémique » de notre système de retraite. A noter que le Gouvernement a fait ce choix dans les tous derniers jours de débat au Sénat, alors même que l’opposition le réclamait depuis plusieurs semaines.

Je regrette donc le vote de cette réforme qui va à l’encontre de mes principes, en ouvrant la porte aux assureurs privés.

Une réforme des retraites aurait dû s’accompagner d’une réforme du marché du travail. En effet, nous ne pouvons pas demander à des gens de travailler plus longtemps alors que les 2/3 des 55/65 ans sont aujourd’hui sans emplois et que la moitié des personnes sont au chômage au moment de partir à la retraite. Les carrières pénibles, longues et fractionnées n’ont pas été prises en compte. Les femmes en sont les premières victimes. Les jeunes sont aussi pénalisés par cette réforme : avec l’allongement de la durée d’étude, la précarité des premières années d’emplois et le chômage massif des 18-25 ans.

Je regrette profondément que cette réforme n’ait pas donné lieu à un débat de fond, apaisé,  constructif, fruit d’un dialogue social partagé avec l’ensemble des organisations syndicales et de la société civile.

Ce droit fondamental  qu’est le droit,  pour chacun,  de partir à la retraite après une vie de travail, le méritait !

En savoir + :

Tribune libre : la retraite à 60 ans, c’est fini !
19/10/10 : intervention en séance publique sur l’article 32 du projet de loi portant réforme des retraites
19/10/10 : intervention en séance publique sur l’article 31 du projet de loi portant réforme des retraites
Émotion sur les bancs du Sénat après l’intervention de Pierre Mauroy
06/10/10 : intervention en séance publique sur l’article 1A du projet de loi portant réforme des retraites
Le projet de réforme des retraites du PS
Bulletin spécial retraites : la motion référendaire
Bulletin spécial retraites : les interventions des sénateurs socialistes

Communiqués de presse :

L’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans n’a rien de définitif
La « potion » Sarkozy ne passe pas !
Le Groupe socialiste sera une force de propositions dans le débat sur les retraites