Pesticides : Des progrès, mais encore beaucoup à accomplir

24 septembre 2015 | Actualités / Sénat

09/15 | Tribune de Nicole Bonnefoy dans la Revue du Trombinoscope

Pesticides : Des progrès, mais encore beaucoup à accomplir

En 2012, alertée par des agriculteurs et des riverains de mon département charentais sur les dangers que faisaient peser sur leur santé et l’environnement l’usage intensif de produits pesticides, je demandais la création d’une mission d’information sénatoriale ad hoc.

Le rapport que je rendais, au terme de sept mois de travail et d’une centaine d’auditions (agriculteurs, scientifiques, médecins, industriels…), dressait un tableau assez alarmant de la situation sanitaire. Ses constats essentiels pointaient la sous-évaluation des risques des pesticides pour la santé, le suivi imparfait des produits après leur mise sur le marché, l’insuffisante protection des professionnels comme du reste de la population, la faible prise en compte de la problématique de santé dans les pratiques industrielles, agricoles et commerciales. Des progrès importants ont depuis été accomplis, avec la traduction législative d’un grand nombre de la centaine de recommandations adoptées par les membres de la mission, notamment à l’occasion de la grande loi agricole adoptée en 2014.

Des avancées cruciales ont particulièrement été accomplies en termes de connaissance des risques et de prévention, avec la mise en place d’un suivi des produits après leur mise sur le marché, l’instauration d’un dispositif de surveillance sanitaire et environnementale sur tout le territoire, l’obligation faite aux distributeurs de délivrer un conseil personnalisé lors de la vente des produits, et l’encadrement des épandages à proximité de lieux sensibles.

L’adoption de la proposition de loi de Joël Labbé permettra, quant à elle, de mettre un terme dans les prochaines années à l’utilisation de produits pesticides par les personnes publiques ainsi qu’à leur commercialisation pour un usage non professionnel. Ce fût également une grande satisfaction, lors du dernier budget, que soit créée une taxe sur le chiffre d’affaires généré par la vente de produits phytopharmaceutiques, en vue de renforcer les moyens de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) dans ses missions de sécurité sanitaire. La saisine globale dont celle-ci vient de faire l’objet sur les pesticides de la famille des néonicotinoïdes nous permettra en outre de progresser dans la résolution de cette problématique majeure, qu’il convient d’aborder au niveau européen.

Il reste encore beaucoup à accomplir, aussi bien au niveau de la France qui reste le premier consommateur européen et dont l’utilisation ne diminue pas, qu’à l’échelle européenne où sont autorisées les molécules dont sont dérivés les produits. Il est indispensable que la Commission européenne cesse de retarder, sous la pression avérée des lobbies de l’agrochimie, l’adoption d’une définition communautaire des perturbateurs endocriniens, qui permettrait enfin leur prise en considération au moment de l’évaluation. Il faudra rapidement progresser dans le dépistage et la reconnaissance des maladies professionnelles, tout comme il convient de mettre enfin en place des outils légaux permettant un encadrement, lorsqu’il est nécessaire, des épandages à proximité des habitations.

Les politiques doivent cibler en premier lieu non pas les agriculteurs, captifs des produits et premières victimes de leurs effets, mais bien les industriels, qui ont la responsabilité et la faculté de développer des produits alternatifs, n’opposant plus efficacité des rendements et respect de la santé et de l’environnement.

Dossier :

Dossier : Pesticides et impact sur la santé et l’environnement
Rapport : « Pesticides : Vers le risque zéro »

En savoir + :

Sénat : Mission commune d’information portant sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement
Plateforme contributive : Produisons autrement
Plan Ecophyto
Association Phyto-victimes