Projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

11 octobre 2019 | Actualités / Sénat

11/10/19 | Tribune libre de Nicole Bonnefoy

Projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

Le 27 septembre, le Sénat a terminé l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Le texte a été adopté à l’unanimité moins une voix.

Toutefois, cette quasi-unanimité ne saurait cacher les manques criants du projet de loi initial proposé par le Gouvernement. Si nous pouvions partager la philosophie générale du texte, à savoir la promotion de l’économie circulaire, cette réforme ne procédait finalement qu’à des aménagements bien éloignés d’une grande réforme. Pire, il ne comportait aucune remise en cause de notre modèle de production et de consommation, notamment le « tout plastique » et ne reprenait presque aucune des propositions concrètes de la Feuille de route pour l’économie circulaire de 2018.

C’est pourquoi, malgré les oppositions systématiques du Gouvernement, le projet de loi a été très largement enrichi au Sénat en passant de 13 à 77 articles. Le Sénat, notamment grâce aux amendements du groupe socialiste, a ainsi donné du contenu et de la hauteur à ce projet de loi qui en manquait cruellement.

Un titre consacré exclusivement à la réduction des déchets et à la lutte contre le tout plastique a ainsi été intégré ; objectifs totalement absents du projet de loi initial alors qu’ils auraient dû en occuper le cœur.

Dans ce cadre, les sénateurs socialistes ont tenu à inscrire dans la loi, un principe général selon lequel toutes les politiques publiques devront désormais fixer des actions à mettre en œuvre pour lutter contre la pollution des plastiques dans l’environnement et réduire l’exposition des populations aux particules de plastique. Ces actions passeront notamment par la Recherche mais aussi par l’accompagnement des entreprises en reconversion car il se n’agit pas, ici, de laisser des salariés sur le bord de la route.

Nous avons également fait adopter des amendements visant à élargir la gouvernance des éco-organismes, aujourd’hui exclusivement contrôlés par les producteurs, afin d’y intégrer la société civile et les élus pour lutter contre l’opacité qui y règne.

Le groupe socialiste a également porté de nombreux amendements visant à lutter contre l’obsolescence programmées, à renforcer l’information des consommateurs ou encore à encourager l’économie sociale et solidaire.

Nous avons notamment inscrit dans la loi :
– l’obligation d’installation d’un compteur d’usage sur les équipements électriques et électroniques,
– la création d’une filière à responsabilité élargie des producteurs (RREP) pour l’ensemble des produits non recyclables, afin que les producteurs les plus polluants participent également à la gestion des déchets qu’ils génèrent.
– la création d’un Fonds national pour le réemploi solidaire
– ou encore l’encouragement à la réparation et la réutilisation du matériel médical

Par ailleurs, les sénateurs socialistes se sont opposés fermement au projet de consigne pour recyclage, tel que proposé par le Gouvernement.

Soyons clairs, cette consigne – souhaitée par les industriels – est un non-sens écologique et nous tenons ici à vous en expliquer les raisons.

Tout d’abord, vous avez été témoin de la campagne de publicité – voire de propagande – que le Gouvernement a mené ces derniers mois sur ce sujet. L’idée de cette campagne était simple : jouer sur l’ambiguïté en faisant croire qu’il s’agissait de rétablir la consigne pour réemploi – pour le verre notamment – comme elle existait autrefois et ringardiser en amont des débats toute personne qui oserait en contester le bien-fondé.

Or, le projet du Gouvernement vise uniquement à mettre en place une consigne pour recyclage pour les bouteilles en plastiques, comme l’a reconnu la Secrétaire d’Etat, soit un gisement potentiel de quelques 100.000 tonnes sur les 325 millions de tonne de déchets en France. Le Gouvernement argue que cette consigne serait le seul moyen d’atteindre l’objectif de 90 % de collecte pour recyclage de ces produits d’ici 2029, comme prévu par la réglementation européenne. Mais l’intérêt est avant tout économique, au détriment des investissements engagés par les collectivités territoriales pour le recyclage du plastique.

En effet, les premiers défenseurs de cette consigne pour recyclage sont les industriels de la Boisson, à commencer par Coca-Cola, qui a écrit à chaque sénateur pour expliquer le bien-fondé de cette réforme. Les industriels ont bien compris que le plastique rencontrait une baisse de popularité importante et qu’il fallait donc apporter des réponses aux consommateurs. Comment ? En les déculpabilisant de consommer du plastique.

Cette consigne induirait ainsi clairement le consommateur en erreur en lui donnant le sentiment qu’il fait un geste écologique en ramenant sa bouteille dans des automates prévus à cet effet. Elle n’enrayerait donc en rien la progression de la consommation de bouteilles plastiques à usage unique qui ne pourront jamais être intégralement recyclées.

De plus, cette consigne complexifierait énormément le geste de tri – qui est pourtant bien ancré chez les français – en distinguant des produits allant aujourd’hui dans le « bac jaune » et d’autres qui, demain, devraient être ramenés en magasin contre une monétisation. Elle déstabiliserait ainsi notre service public des déchets qui est très efficace et dont la montée en puissance avec les investissements actuels dans l’extension des consignes de tri permettra d’atteindre les objectifs européens de 90% de collecte et ce, bien avant 2029. Ce travail exemplaire des collectivités serait battu en brèche par le projet de consigne du Gouvernement.

Au final, et c’est bien là le pire, cette consigne permettrait de faire perdurer le système « tout plastique ». Les exemples ne sont pas loin à aller chercher : en Allemagne, la mise en place de la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique est corrélée depuis 2003 à une augmentation de 60 % des ventes de contenants à usage unique, et une baisse équivalente de 60 % pour les contenants réutilisables.

Il n’est donc pas étonnant que ce projet fasse aujourd’hui l’unanimité contre lui – associations environnementales, acteurs du recyclage ou de l’économie sociale et solidaire, collectivités territoriales – et que seuls les industriels de la Boisson ou de la Plasturgie le défendent.

C’est pourquoi, au Sénat, nous avons souhaité encadrer clairement la possibilité de mettre en œuvre ce type de dispositif en France en le réservant à la consigne pour réemploi ou pour réutilisation. Seul ce type de consigne s’intègre dans une logique d’économie circulaire et de consommation sobre de nos ressources. La priorité doit être à la réduction de notre production de plastique et à l’encouragement d’un autre système de production et de consommation.

Ce projet de loi sera prochainement examiné à l’Assemblée nationale. Nous espérons sincèrement que les nombreuses avancées obtenues au Sénat en matière de lutte contre la pollution plastique, de renforcement du droit des consommateurs ou encore de promotion d’un modèle de production et de consommation plus respectueux de l’environnement ne soient pas sacrifiées sur l’autel d’intérêts économiques portés par les grands industriels.

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