Nouvelle avancée au Sénat pour les victimes des pesticides
24/01/18 | Tribune libre de Nicole Bonnefoy
Nouvelle avancée au Sénat pour les victimes des pesticides
La Commission des affaires sociales du Sénat vient d’adopter ce matin une proposition de loi portée par le Groupe Socialiste et Républicain (SOCR) visant à créer un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques.
Cette proposition de loi dont je suis la dépositaire, vise à améliorer le dispositif de réparation des préjudices subis par les personnes victimes de maladies liées à l’exposition à des produits phytopharmaceutiques, qu’elles soient ou non d’origine professionnelle. Il est prévu que ce fonds soit notamment financé par une partie de la taxe existante sur le chiffre d’affaires des fabricants de pesticides.
Ce texte est la suite logique de la mission d’information du Sénat sur les pesticides et leurs conséquences sur la santé, dont le rapport a été adopté à l’unanimité en 2012. Il vise en premier lieu à protéger et défendre les malades des pesticides, au premier rang desquels les agriculteurs, trop souvent montrés du doigt pour l’utilisation de produits dont ils sont les plus nombreux à souffrir des effets nocifs. Il doit ainsi permettre de faciliter leur parcours de reconnaissance, pour mettre un terme à cette autre injustice faîte aux malades que constitue la longueur et la dureté des procédures judiciaires visant à faire reconnaître leur statut de victime et obtenir une indemnisation.
En Commission des Affaires sociales, le rapporteur de la loi, Bernard JOMIER (Sénateur de Paris apparenté au Groupe SOCR et médecin de profession), a proposé plusieurs amendements afin que la création de ce fonds se fasse le plus rapidement et dans les meilleures conditions possibles. Il a ainsi souhaité prendre en compte les remarques des acteurs de terrain qu’il a entendus lors des auditions organisées en amont du vote.
« Ces dernières années, un encadrement plus étroit des produits phytopharmaceutiques a progressivement été mis en place. C’est une bonne chose, mais cela ne règle ni la question des personnes malades aujourd’hui, ni celle de ceux qui seront malades demain. Les rapports scientifiques montrant les liens entre certaines pathologies et l’exposition aux pesticides se multiplient(1). Il est impossible d’ignorer cet enjeu sanitaire majeur pour les agriculteurs, mais également pour les riverains des sites où ces produits sont utilisés. La création de ce fonds serait une première étape essentielle » tient à souligner Bernard JOMIER.
Suite à son adoption en Commission des Affaires sociales, la proposition de loi sera examinée en séance plénière du Sénat le jeudi 1er février à partir de 16h.
(1) Rapport de l’INSERM, Pesticides : Effets sur la santé, une expertise collective de l’Inserm (2013), et rapport de l’Anses, Expositions professionnelles aux pesticides en agriculture, (2016).
ANNEXE – Les dispositions de la proposition de loi La réparation intégrale des divers préjudices subis par le plaignant La réparation intégrale du préjudice (art. 1) vient compléter la prise en charge des soins médicaux et l’indemnisation versées par les organismes de sécurité sociale sur la base de leur salaire aux personnes ayant contracté une maladie dans l’exercice de leur profession. Elle couvre l’indemnisation des préjudices économiques (préjudice professionnel, frais de soins restant à la charge de la victime, autres frais supplémentaires) et l’indemnisation des préjudices personnels (préjudices moral, physique, d’agrément), comme c’est le cas pour les victimes de l’amiante. Le dispositif d’indemnisation prend en compte les pathologies contractées par les travailleurs agricoles, les expositions en dehors d’une activité professionnelle ainsi que les effets transgénérationnels des atteintes à la santé (Art.1). Une procédure simplifiée, uniformisée et plus juste pour les malades Un guichet national unique pour déposer sa demande d’indemnisation est créé (Art. 2) pour remédier auxdisparités constatées entre les caisses locales de la Mutuelle Sociale Agricole (MSA) en matière d’indemnisation et de reconnaissance des maladies. Le parcours de reconnaissance est facilité et les procédures judiciaires sont réduites. L’acceptation de l’offre met un terme à toutes les procédures juridictionnelles menées par le demandeur (Art. 4). Le FIVP peut se substituer au demandeur dans son action en justice contre la personne responsable du dommage ainsi que contre toutes les personnes ou organismes tenus d’en assurer la réparation (Art. 6). L’amélioration de l’expertise pour déterminer les liens entre expositions et pathologies Le FIVP examine si les conditions d’indemnisation sont réunies. Il dispose pour cela d’un pouvoir d’investigation auquel ne peut lui être opposé le secret industriel ou professionnel. Cela constitue un progrès décisif dans la documentation des expositions et de la composition des produits, auquel n’ont aujourd’hui pas accès les malades dans leur tentative de faire reconnaître leurs maladies (Art. 2). Pour rendre sa décision, le FIVP s’appuie sur l’avis d’une commission médicale indépendante spécialisée dans les pathologies liées aux expositions aux produits pesticides. Les renseignements recueillis par le fonds ne peuvent être utilisés a d’autres fins que l’instruction de la demande et leur divulgation est interdite (Art. 2). Un abondement du fonds par les metteurs sur le marché de pesticides Les coûts que représentent aujourd’hui les maladies causées par l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sont aujourd’hui uniquement supportés par la collectivité. Il s’agit dès lors de faire participer les firmes mettant sur le marché des pesticides au financement des coûts de l’indemnisation, selon la logique « pollueur-payeur » (Art. 7). |