Accueil des gens du voyage et lutte contre les installations illicites

14 novembre 2018 | Tribune libre

gens-voyage-install14/11/18 | Tribune libre de Nicole Bonnefoy

Accueil des gens du voyage et lutte contre les installations illicites

La loi n° 2018-957 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites vient tout juste d’être promulguée le 7 novembre dernier. Dans le droit fil de la loi « Besson », elle contient un certain nombre de mesures visant à répondre efficacement aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales en matière d’accueil des gens du voyage.

Pour le Groupe socialiste et républicain du Sénat, l’action et l’engagement des élus locaux sont précieux et indispensables au bon fonctionnement de notre République décentralisée. Autant nous savons qu’il est nécessaire que l’ensemble des collectivités se conforment à leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage, autant nous devons veiller à donner aux élus locaux les moyens d’agir, en leur fournissant les outils adéquats pour pouvoir non seulement accueillir toutes les populations dans de bonnes conditions, mais également remédier aux situations d’occupations illicites et réprimer l’ensemble des comportements contraires à la loi.

1°) Cette loi clarifie la compétence des EPCI à fiscalité propre. Depuis les dernières lois de réforme territoriale, les EPCI à fiscalité propre de toutes catégories sont devenus obligatoirement compétents en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires et terrains d’accueil des gens du voyage. Afin de dissiper une incertitude sur la portée de cette compétence, il convenait d’y inclure explicitement la création de ces aires et terrains.
Par ailleurs, le transfert obligatoire de cette compétence au niveau intercommunal justifiait de revoir la répartition des rôles entre les communes et leurs groupements dans la mise en œuvre du schéma départemental. Nous avons souhaité tenir compte de l’existence de communes isolées et nous avons prévu de cantonner strictement les obligations des communes. Leur seule obligation est d’accueillir ces aires sur leur territoire, en y prêtant le cas échéant le concours de leurs propres compétences, notamment en matière d’urbanisme. Ces communes ne sauraient apporter aucune contribution directe à la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion de ces aires.

2°) Cette loi met en place une obligation légale d’information préalable des autorités publiques lors des grands passages et grands rassemblements de gens du voyage. Cette nouvelle disposition de la loi permettra de mieux organiser l’accueil des gens du voyage sur des aires adaptées et d’éviter la multiplication des campements illicites qui accompagnent fréquemment ces déplacements importants.
Cette information préalable est destinée au préfet de région, au préfet du département et au président du conseil départemental trois mois avant l’arrivée sur les lieux, donc bien en amont des grands passages et des grands rassemblements réunissant au moins 150 résidences mobiles. Elle permettra l’identification d’une aire correspondant aux besoins exprimés.
Cette obligation d’information incombe aux représentants des groupes de personnes concernés de manière à les inciter à mieux se structurer par la désignation en leur sein d’un interlocuteur vis-à-vis des pouvoirs publics.
Le préfet du département devra alors informer le maire de la commune sur le territoire de laquelle se situe l’aire identifiée au moins deux mois avant son occupation ainsi que le président de l’EPCI dont la commune est membre.
Enfin, il convient de noter que la présente loi ne modifie pas le pouvoir de police du maire de manière à assurer sa capacité à intervenir légalement en cas d’inaction du préfet.

3°) Cette loi vise également à moderniser les procédures d’évacuation des stationnements au regard du pouvoir de police spéciale dont disposent les maires ou, le cas échéant, les présidents d’EPCI à fiscalité propre pour interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil et terrains prévus à cet effet. Elle a pour principal objet d’étendre cette faculté au maire de toute commune dotée d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, même dans le cas où l’EPCI à fiscalité propre auquel elle appartient n’a pas rempli toutes ses obligations en la matière. Cette mesure correspond à une attente ancienne des maires, qui ne comprennent pas d’être privés de ce pouvoir de police alors qu’une aire existe sur le territoire de leur commune – souvent construite aux frais de celle-ci avant le transfert de compétence à un EPCI à fiscalité propre – et qu’ils ne sont en rien responsables des manquements constatés sur le reste du territoire intercommunal.

4°) Enfin, cette loi renforce et facilite les sanctions pénales en cas d’occupation d’un terrain en réunion et sans titre afin de renforcer l’effet dissuasif des sanctions. En premier lieu, l’article 322-4-1 du code pénal a été modifié afin de réprimer d’une peine d’un an (au lieu de six mois) d’emprisonnement et de 7 500 euros (au lieu de 3 750 euros) d’amende l’occupation d’un terrain en réunion et sans titre. En outre, cet article fait toujours encourir plusieurs peines complémentaires, telles que l’interdiction des droits civiques et de famille, l’interdiction de détenir ou de porter une arme pour une durée de cinq ans au plus, la suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus et la confiscation des véhicules automobiles utilisés pour commettre l’infraction, à l’exception des véhicules destinés à l’habitation.
En second lieu, la loi prévoit l’application de la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle au délit d’occupation d’un terrain en réunion et sans titre. Au regard du montant moyen des amendes prononcées, le montant de l’amende forfaitaire avait été fixé à 500 euros, 400 euros lorsqu’elle est minorée, 1 000 euros lorsqu’elle est majorée.

Les membres du Groupe socialiste et républicain du Sénat estiment que cette loi préserve l’équilibre entre les droits et devoirs réciproques des gens du voyage et des collectivités territoriales concernées. Nous ne sommes ici ni dans l’angélisme ni dans le tout-répressif. La question de l’accueil des gens du voyage ne se réglera pas par la seule inflation des sanctions mais par la prise en considération d’un principe simple : le respect des droits et des devoirs de chacun. Il s’agit, en somme, de faire confiance aux élus locaux, en leur donnant les moyens juridiques d’agir si nécessaire tout en défendant un accueil digne des gens du voyage.