Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2023

29 décembre 2022 | Actualités / Sénat

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2023 a été considéré comme adopté, sans vote, en dernière lecture à l’Assemblée nationale le 2 décembre 2022, le recours pour la cinquième fois à l’article 49.3 de la Constitution par le Gouvernement. Il a été déféré devant le Conseil Constitutionnel, du fait notamment de ses modalités d’examen parlementaire.

Notre groupe a rappelé au gouvernement que les comptes de la sécurité sociale sont durablement impactés par la prise en charge indue de la dette covid, dont la charge annuelle est de l’ordre de 17 milliards. Il faut rappeler qu’avant la pandémie le budget de la sécurité sociale était excédentaire. Ainsi, sans le transfert à la protection sociale de 136 milliards € de dette covid remboursables jusqu’en 2033, celle-ci pourrait redevenir excédentaire et ainsi dégager des marges de manœuvres financières pour éviter l’effondrement de notre système de santé, et en premier lieu de nos établissements de santé et médico-sociaux publics. 

Ajoutons à ce constat des exonérations de cotisations sociales qui n’ont cessé de croître ces dernières années. Avec 71 milliards € d’exonérations pour les employeurs en 2023 contre moins de 40 milliards en 2018, le déséquilibre s’aggrave au détriment de la capacité d’investissement de l’État dans notre système de santé. C’est pourquoi nous avons porté le débat sur la hausse des recettes et la suppression des exonérations inefficaces et favorisant les plus aisés, en plus de la prise en charge par l’État de la dette covid, qui seraient fort utile pour financer des investissements structurels.

Nous avons aussi dès le début de l’examen de ce projet de loi de financement dénoncé un ONDAM (Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie) sous-évalué, notamment en vue des surcoûts déjà observés et à venir liés à l’inflation, ainsi qu’à une possible recrudescence du COVID déjà attestée par l’amorce de la neuvième vague avec de nouveau un franchissement de la barre des 100 000 contaminations par jour. Le gouvernement est venu confirmer notre première analyse avec deux rallonges budgétaires au cours de la navette parlementaire.

Si nous avons été en partie entendus sur ce point fondamental pour nos établissements de santé, nous regrettons la quasi-totale disparition des apports de notre groupe.

Nous avions notamment fait adopter des amendements pour :

  • Étendre aux coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) l’exonération dédiée à l’embauche de travail saisonnier dite “TO-DE”. Cette exclusion des CUMA est d’autant plus contestable qu’elles sont des employeurs agricoles, embauchent des saisonniers et constituent le prolongement de l’exploitation de leurs adhérents. Cette exclusion des Cuma est un obstacle au développement de l’emploi partagé en agriculture. Elle constitue enfin une rupture d’égalité avec les groupements d’employeurs associatifs en agriculture qui bénéficient de cette mesure, alors que les groupements d’employeurs coopératifs via les Cuma, en sont exclues.
  • Faire bénéficier les entreprises du BTP de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion du barème de compétitivité renforcée du régime d’exonérations de charges sociales patronales applicables aux entreprises ultramarines pour le paiement de leurs cotisations dues sur les années 2024 et 2025. Confrontées à une baisse régulière de leurs moyens financiers, les collectivités locales ulrtramarines, principales donneuses d’ordre du BTP, raréfient leurs commandes, même si elles continuent de représenter 86 % de l’activité du secteur. Raréfaction également de la commande pour les bailleurs sociaux en proie, notamment, à un manque de foncier face à une demande croissante. Le ralentissement des constructions de logements intermédiaires, dû à la remise en cause de la loi de défiscalisation et du PINEL DOM, achève de perturber le secteur du bâtiment outre-mer. Sans compter la flambée des prix des matériaux de construction, les surcoûts liés à l’augmentation des délais d’approvisionnement ainsi que le contexte spécifique au bâti tropical qui ont une incidence considérable sur le coût de construction localement.
  • Rétablir la taxation du tabac à chauffer au même niveau que les cigarettes, dans un objectif de santé publique, le tabac ayant été à l’origine de 75 000 décès dans notre pays en 2019.

Aucun de nos amendements adoptés au Sénat n’a été maintenu dans le texte final.

Le Gouvernement voulait amorcer un virage préventif à l’occasion de ce texte, nous avons pointé son insuffisance. Les consultations médicales de prévention aux trois âges de la vie vont dans le bon sens, mais elles ne tiennent pas compte du milieu social des patients. Une réelle politique de la prévention doit s’attaquer à bras le corps aux inégalités sociales de santé dont les addictions et la santé mentale sont un déterminant majeur. Or, les dispositions issues du texte du 49.3 du Gouvernement ne tiennent pas compte de ces enjeux. Investir dans une politique de prévention ambitieuse, c’est pourtant faire des économies sur les dépenses de santé de demain.

L’an dernier, nous regrettions un budget de fin de quinquennat sans grande nouveauté. Cette année, nous espérions un PLFSS à la hauteur d’un Président de la République réélu. Or, le Gouvernement revendique d’inscrire ce budget dans la continuité de ceux qui précédaient le PLFSS 2019 en termes de trajectoire de réduction des déficits. Cette mise à l’équilibre s’était faite au détriment de l’hôpital public. À l’époque, ce choix était déjà discutable ; aujourd’hui, il n’est pas supportable. Nous considérons qu’il nous faut partir des besoins des territoires pour ensuite procéder aux arbitrages budgétaires et non l’inverse. C’est pourquoi nous avons voté contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.