Projet de loi de finances pour 2023

13 janvier 2023 | Actualités / Sénat

Madame le Maire, Monsieur le Maire,

Je tenais à vous adresser un point d’ensemble sur le projet de loi de finances pour 2023, à l’issue de son examen par les deux chambres du Parlement et de la décision du Conseil constitutionnel.

Il m’est désormais possible de vous faire part du bilan que j’en retiens, avec le groupe socialiste, écologiste et républicain auquel j’appartiens comme vous le savez.

L’examen de ce budget est intervenu dans un contexte particulier : il est le premier budget examiné alors que le Président de la République ne dispose plus que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Cette situation oblige donc le Gouvernement à afficher une volonté de dialogue. C’est ainsi qu’ont été mis en place les dialogues de Bercy auxquels notre groupe a participé.

Nos représentants en ont tiré des enseignements clairs : la majorité présidentielle ne souhaitait pas remettre en cause sa politique fiscale, et n’envisageait les échanges relatifs aux dépenses que dans la perspective de nouvelles coupes budgétaires. Dès lors, nous avons indiqué dès le début que ces deux orientations ne nous semblaient pas conformes à l’intérêt du pays et de nos concitoyens, sans être entendus et pour être tout à fait honnête, sans même être sérieusement écoutés.

Comme vous le savez, le Gouvernement a également utilisé dès la première lecture du texte à l’Assemblée Nationale le « 49.3 » et a engagé sa responsabilité. En conséquence, une part importante de ce projet de loi n’a pas pu être examiné par nos collègues. Nous regrettons également que le Gouvernement ait fait le choix de supprimer du texte transmis au Sénat des dispositions pourtant votées par les députés. Certes, le Conseil constitutionnel a estimé que ce choix était conforme à la Constitution, mais nous considérons que la France ne peut pas être gouverner à coup de 49.3.

C’est donc dans ce contexte très particulier que le Sénat a examiné ce projet de loi de finances pour 2023. Le groupe socialiste, écologiste et républicain a déposé un nombre important d’amendements tant pour porter nos propositions que pour forcer le Gouvernement à débattre et à justifier ses choix.

Disons-le d’emblée, la plupart de nos recommandations ont été rejetées : la majorité sénatoriale et le Gouvernement étant largement en phase en matière budgétaire, puisant leurs idées dans une même logique libérale.

Je veux évoquer les recettes de l’État. Notre groupe considère que si la maîtrise de la dette publique et du déficit ne saurait être l’alpha et l’oméga d’une politique économique, il convient d’en mesurer l’impact. Aujourd’hui, le remboursement de la charge de la dette est redevenu le deuxième poste budgétaire de l’Etat et représente environ 40 milliards d’euros. Ce sont autant de crédits budgétaires qui ne peuvent de ce fait pas être dépensés au bénéfice de nos concitoyens et de nos territoires.

Face à ce constat, notre position est claire : alors que la situation économique et sociale ne permet pas de réduire la dépense publique, et en particulier le financement de notre protection sociale et de nos services publics, nous ne pouvons pas continuer le désarmement fiscal engagé par le Président de la République depuis 2017. Au contraire, la responsabilité voudrait que l’on accroisse, même éventuellement temporairement, les recettes de l’Etat. C’est pourquoi nous avons porté un mécanisme de taxation exceptionnelle des super-profits et nous avons plaider pour le rétablissement d’un impôt de solidarité sur la fortune, axé sur la transition écologique.

Nous avons également proposé plusieurs mécanismes de rééquilibrage des impôts existants sur les entreprises et sur les ménages. Enfin, nous nous sommes opposés à la suppression de la CVAE pour deux raisons. En premier lieu, ce projet témoigne, j’y reviendrai, d’une méconnaissance totale de la place des collectivités territoriales dans notre pays. Cette nouvelle baisse des ressources publiques est également tout à fait irresponsable dans la période actuelle.

À cet égard, il convient de revenir sur le sort réservé par le Gouvernement aux collectivités territoriales. Alors que la crise sanitaire a entrainé, fort heureusement, la suspension des contrats dits de Cahors, le Gouvernement a présenté cette année, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027 (LPFP) un mécanisme, le pacte « de confiance », qui se caractérise par une contrainte renforcée sur les finances des collectivités au travers de sanctions financières parfaitement injustes et disproportionnées. Alors que cette disposition a été rejetée par le Parlement lors de l’examen de la LPFP, le Gouvernement a réintroduit en catimini cette disposition dans le projet de loi de finances en 2023. Je suis cependant soulagé de pouvoir vous confirmer que nous avons réussi à obtenir la suppression de cette mesure inique qui a légitimement fait couler beaucoup d’encre.

Malheureusement, nous n’avons pas réussi à faire renoncer le Gouvernement en ce qui concerne la suppression en 2 ans de la CVAE. Si cette décision s’accompagne de mesures de compensation pour les collectivités (et nous serons extrêmement vigilants quant aux modalités de cette compensation), elle affaiblit encore un peu plus l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Cette décision est un non-sens sur le plan budgétaire et une erreur sur le plan politique : le Gouvernement doit cesser d’infantiliser des collectivités territoriales pourtant infiniment mieux gérées que l’Etat. Ainsi, nous regrettons que grâce au soutien unanime de la droite sénatoriale, en particulier du groupe Les Républicains, cette mesure ait été adoptée.

Nous avons affirmé tout au long des débats notre volonté de défendre une puissance publique ambitieuse dotées de moyens financiers adéquats (tant pour l’Etat que pour les Collectivités Territoriales) et qui ne soit pas réduite à procéder à des coupes budgétaires arbitraires et injustes. Face au désarmement fiscal appliqué par un Gouvernement qui aura privé la puissance publique de près de 400 milliards de recettes en dix ans, nous continuerons à porter ce discours car nous croyons qu’il s’agit de la condition de la crédibilité, de l’ambition et de l’efficacité de l’action publique face aux mutations profondes que traverse notre société.

Je veux également évoquer l’examen de la deuxième partie de ce projet de loi de finances. Sans évoquer l’intégralité des missions budgétaires qui composent le budget, j’insiste sur la philosophie qui a été celle de notre groupe à cette occasion.

Oui, nous croyons que les politiques publiques doivent être efficientes, et qu’il n’est plus ni possible ni souhaitable de dépenser sans compter un argent public qui se fait chaque jour un peu plus rare. Cependant, cela ne signifie pas que nous devons renoncer à intervenir pour réguler les désordres qui frappent le pays et affectent les Français, en particulier les plus précaires. Au contraire, nous devons porter des propositions audacieuses et financées pour changer le quotidien de nos concitoyens et renforcer quand cela est nécessaire nos services publics. C’est pour cela que nous avons proposé de nombreuses mesures visant à augmenter les moyens dont disposent les sapeurs-pompiers, à la suite d’une année 2022 témoignant de leurs difficultés. C’est également dans la même logique que nous avons porté des mesures visant à aider davantage le corps enseignant et à renforcer les moyens d’une Education nationale qui ne parvient plus aujourd’hui à recruter suffisamment de nouveaux professeurs. C’est également dans la même logique que nous avons voulu tirer les enseignements de la crise des transports qui frappe en particulier la région Île-de-France. Aucune de nos propositions n’a trouvé grâce aux yeux d’un Gouvernement qui gère le pays dans une logique purement comptable.

De la même manière, malgré une inflation forte, les budgets visant à préparer l’avenir de notre pays n’ont bien souvent pas été réévalués à la hauteur des enjeux, nous conduisant même parfois à les rejeter. Je pense en particulier au soutien au monde agricole, parfaitement insuffisant, à la dramatique fragilisation du secteur du logement mise en œuvre par le Gouvernement depuis désormais plus de cinq années, à l’absence de toute ambition réelle en faveur de la transition environnementale ou encore en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. A l’instar de ce qui a été fait en matière de prise en charge du cinquième risque (la perte d’autonomie), le Gouvernement demeure très performant pour proposer des slogans ou des numéros verts, mais beaucoup moins quand il s’agit de financer concrètement les politiques dont la France a cruellement besoin.

Au travers ces exemples non exhaustifs, vous comprendrez que le groupe socialiste, écologiste et républicain n’a pas été convaincu par ce projet de loi de finances libéral, insuffisant et fragilisant en particulier les plus précaires du fait d’une volonté politique forte de protéger les plus aisés. À aucun moment, le dialogue annoncé par le gouvernement n’a été ni sincère ni réel et en tout logique, nous nous sommes opposés à ce texte.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 décembre 2022, a validé l’intégralité de ce texte à l’exception de sept cavaliers budgétaires (dispositions n’ayant aucun lien avec les finances de l’Etat) portant sur des aspects très techniques et relativement secondaires qui ont été censurés. Nous prenons acte de cette décision qui renforce à nos yeux les prérogatives gouvernementales dans le cadre de l’engagement de sa responsabilité, au détriment du Parlement.

En 2023, nous continuerons de porter nos combats car nous sommes intimement convaincus qu’ils seraient positifs pour nos territoires et pour nos concitoyens, de plus en plus laissés pour compte voire abandonnés par un gouvernement guidé par de vielles recettes libérales qui ne correspondent plus aux besoins du pays et alimentent le sentiment profond d’injustice. Vous pouvez compter sur mon engagement sans faille, et je reste à votre entière disposition pour toute précision.