Poids et enjeux de la restauration collective en France : quelles perspectives pour la filière bio ?

23 mai 2011 | Actualités / Sénat

[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy du 23.05.11 ]

Poids et enjeux de la restauration collective en France : quelles perspectives pour la filière Bio ?

Dans cet article, je souhaite attirer votre attention sur le poids que pourrait représenter la restauration collective dans le développement de la filière Bio en France.

Restauration collectiveComme vous le savez, je m’engage depuis plusieurs années à promouvoir les circuits courts et l’introduction des produits « bio » dans la restauration collective, plus particulière dans la restauration scolaire. Ainsi, dans le cadre de mes différents mandats, j’ai initié et accompagné plusieurs programmes dans notre région et dans notre département (lycées, collèges, écoles). En tant que Sénateur, je me suis également mobilisée à maintes reprises sur ce sujet au travers de différents textes, en proposant de changer la législation en vigueur. J’ai malheureusement peu de fois été entendue mais je ne désespère pas !

À travers toutes ces actions, j’ai pris la mesure des nombreux obstacles auxquels doit faire face la filière Bio aujourd’hui et qui rendent, malgré quelques exceptions, son essor très difficile. Ces difficultés sont autant d’ordres réglementaire et juridique, qu’économiques. Les pouvoirs publics peinent à mettre en place un système favorisant réellement une alimentation de qualité à destination d’un public le plus large possible.

Pourtant de réelles opportunités existent pour franchir ces obstacles et, à ce titre, la restauration collective pourrait jouer un rôle central.

En effet, avec 3 milliards de repas servis par an, dont plus d’un tiers dans la restauration scolaire, et 7 milliards d’euros d’achat alimentaire annuels, la restauration collective représente un marché conséquent et attractif qui a la particularité de s’adresser à un public très large et varié. Elle pourrait donc être une vitrine de choix au développement de l’agriculture biologique et de l’agriculture de proximité.

À travers ce dossier, je souhaite que chacun puisse en prendre conscience. Si demain, les décideurs politiques tant locaux que nationaux, mettaient en place des mesures incitatives dans ce secteur, l’agriculture biologique pourrait réellement émerger pour devenir, je l’espère, la norme en matière d’alimentation.

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Chiffres clés :
( Les chiffres évoqués dans cet article sont à manipuler avec précaution même si leur véracité n’a jamais été remise en cause)

Restauration collective : 3 milliards de repas / an, soit 8 Millions de repas chaque jour
Restauration scolaire et universitaire : environ 1,2 Milliards de repas / an, soit plus de 3 Millions par jour
• Ce secteur représente 7 Milliards d’euros HT d’achats alimentaires / an
• En 2010, 40% des restaurants collectifs déclarent proposer du bio. Ce pourcentage s’élève à 51% pour les restaurants scolaires (contre 46% en 2009)
Les achats de produits bio en restauration collective atteindraient 92 Millions d’Euros pour 2009, dont 50% concernant la restauration scolaire.
Le surcoût de l’introduction du bio est de 23% en moyenne mais il se réduit à 16% quand cela s’accompagne d’une meilleure gestion des établissements.
• Les perspectives d’évolution du bio dans la restauration collective sont conséquentes. En 2012, les produits bio pourraient être présents dans 8 restaurants collectifs sur 10.
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I | La restauration collective, en chiffres :
( Source : Gira Foodservice 2010 )

15 Millions de Français prennent chaque jour un repas hors de leur domicile, dont la moitié en restauration collective. Ils consomment en moyenne 48 repas par an en collectivité.
Chiffre d’affaire annuel : 20, 500 Milliards €
• Il existe 73 000 structures de restauration collective, publiques ou privées, qui distribuent environ 3 Milliards de repas, soit 8 Millions de repas chaque jour, dans les trois secteurs principaux suivants :
– l’enseignement (restauration scolaire et universitaire) : 47% des restaurants et 38% des repas servis, soit environ 1,2 Milliards de repas par an et 3 Millions par jour
la santé et le social (restauration hospitalière, maisons de retraite…) : 26% des restaurants et 38% des repas servis
le travail (restauration d’entreprises et d’administrations) : 16% des restaurants et 15% des repas servis
– les autres collectivités (centres de vacances, armées, établissements pénitentiaires…) représentent 11% des restaurants et 8% des repas servis
Ces secteurs totalisent environ 7 Milliards d’euros HT d’achats alimentaires, dont 2,7 Milliards de produits frais, 2,2 Milliards de produits surgelés et 2,1 Milliards de produits d’épicerie.

II | La part du bio dans la restauration collective

1. La place du bio en 2010

L’introduction des produits bio dans la restauration collective constitue un des axes d’actions de la loi « Grenelle 1 » visant à favoriser le développement de l’agriculture biologique. Une circulaire de mai 2008 a fixé un objectif de 20% de produits issus de l’agriculture biologique dans les commandes de la restauration collective publique dépendant de l’État, en 2012(¹).

Il faut noter que l’introduction des produits biologiques dans la restauration collective est très récente. Elle a pris un réel essor en 2006 et il a fallu attendre 2008 pour que plus du tiers des établissements propose des produits biologiques dans leurs menus.

Selon les estimations issues des études « Gressard/ CSA/Agence Bio de 2009 » :
• Les achats de produits bio en restauration collective atteindraient 92 Millions d’Euros pour 2009 pour l’ensemble des familles de produits (frais, surgelés, épicerie, hors pain), soit un doublement du marché depuis 2008 (44 Millions). Cependant, ces achats représentent seulement 1,3% du marché de la restauration collective (contre 0,6% en 2008)
• 36 % des établissements de la restauration collective (soit 26 000 établissements environ) proposaient, début 2009, des produits bio, ne serait-ce que ponctuellement. Selon une étude d’avril 2010, ce taux atteindrait 40% en 2010
• Cette introduction concerne davantage le secteur public (41 % des établissements) que privé (26 % des établissements)
L’enseignement est directement impliqué, avec 46 % des écoles qui déclarent proposer des produits bio

Estimation des achats de produits bio. Source : Etude Gressard CSA | Agence BIO | 2010

Part des acheteurs de produits bio dans les differents secteurs de la restauration.

Selon l’étude menée en Avril 2010 par l’Agence Bio, à la question « Proposez-vous des produits biologiques dans vos menus, ne serait-ce que de temps en temps ? », 51% des restaurants scolaires ont déclaré le faire. Ce sondage a fait ressortir que plus le nombre de repas servis est élevé et plus le Bio est présent. Ainsi, 62% ont répondu positivement lorsqu’il y avait plus de 500 repas servis, contre 25% lorsque ce nombre n’excédait pas 200.

Les acheteurs de produits bio

2. Quel impact en matière de coût ?

Lorsqu’ils sont introduits, la part des produits biologiques dans le montant total des achats des établissements est passée de 5% en 2008 à 10% en 2009 en moyenne.

Une étude de l’Agence Bio en avril 2010 sur « les mesures de l’introduction des produits bio en restauration collective », a donné les résultats suivants :
• 14% des établissements ayant introduit des produits bio n’ont déclaré aucun surcoût.
86% ont déclaré un surcoût de 23% en moyenne ; ce pourcentage s’élevant à 30% lorsque les menus étaient entièrement bio.
Cependant, 60% des établissements ont cherché à réduire ce surcoût, limitant ainsi son montant à 16% en moyenne(²). Pour ce faire, différents moyens ont été utilisés :
– Mise en concurrence les fournisseurs (83%)
– Limitation du gaspillage (83%)
– Travail sur l’éducation alimentaire (74%)
– Groupement des achats (71%)
– Remplacement de certains produits par d’autres moins coûteux (68%)
– Contractualisation de l’approvisionnement avec les fournisseurs (65%)

Il existe donc de multiples façons de limiter le surcoût de l’introduction des produits bio dans la restauration collective. Cependant, il faut reconnaître que le prix actuel des produits issus de l’agriculture bio peut constituer un frein à leur introduction. Sans un effort global de la société, tant au niveau de la législation que de la prise de conscience individuelle et collective, le chemin risque d’être long à parcourir. C’est pour ces raisons que les décideurs locaux et nationaux doivent œuvrer, dès maintenant, pour que cette transition se fasse dans les plus brefs délais.

3. Projection du marché bio en 2012 :

Les perspectives d’évolution des produits issus de l’agriculture biologique en restauration collective sont très importantes. En effet, 37% des restaurateurs, non acheteurs de produits bio au début de l’année 2010, ont déclaré avoir l’intention d’en introduire dans leurs menus d’ici 2012.

Les produits bio pourraient ainsi être présents dans près de 8 restaurants collectifs sur 10 en 2012, dont :
– 83% des établissements de restauration du secteur public
– 69% des établissements de restauration du secteur privé
– 84% des établissements de restauration scolaire
– 74% des établissements de restauration privés
– 69% des établissements de restauration du secteur santé/social

Il est évident que ce développement doit nécessairement s’accompagner d’un renforcement de l’information et de l’accompagnement des établissements de restauration. En effet, un sondage en avril 2010, a révélé que près d’un quart des établissements de restauration estiment avoir besoin d’information ou de formation sur les produits bio (ils étaient 43% en 2009). Ces besoins concernent essentiellement un complément d’information (65% d’entre eux), des besoins en formation (38%) et en communication (17%).

Les attentes en matière d’information se concentrent essentiellement sur une meilleure connaissance des produits bio (l’origine des produits, la variété des produits, l’apport et les bienfaits de ces produits) et dans une moindre mesure, sur les filières d’approvisionnement. Les besoins en formation sont quant à eux, plus axés sur la formation du personnel de cuisine, notamment sur la manière dont on peut travailler et préparer ces produits.

III | Conclusion

Au vu de ces éléments, il ne fait aucun doute que la restauration collective pourrait constituer une vitrine et un tremplin de choix, aux développements des circuits courts et de l’agriculture biologique.

Pour ce faire, une réforme du code des marchés publics favorisant « la production de proximité », ouvrirait des opportunités économiques colossales pour les agriculteurs locaux, d’autant plus si ces derniers pratiquent une agriculture biologique. Elle devra s’accompagner d’un effort d’information et de formation à destination des services de restauration scolaire et d’une sensibilisation accrue auprès du public, notamment par le biais de l’éducation nutritionnelle à l’école pour les plus jeunes.

Ce secteur pourrait ainsi se développer rapidement et, dans quelques années, pratiquer lui aussi des économies d’échelle, rendant la filière bio plus accessible pour les consommateurs et plus attractive pour les agriculteurs. En somme, l’essor de la filière bio doit être le corolaire d’une agriculture de proximité forte qui se situe, d’ores et déjà, au carrefour d’enjeux multiples tant économiques, sociaux, qu’environnementaux.

Le Ministre de l’agriculture annonce depuis plusieurs mois une réforme du code des marchés publics visant à favoriser le développement des circuits courts. Or, celle-ci, initialement prévue pour la fin de l’année 2010, ne cesse d’être repoussée. De plus, nous n’avons, pour l’heure, aucune information sur son contenu.

(1) Circulaire du 2 mai 2008 relative à l’exemplarité de l’État en matière d’utilisation de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective
(2) Sources : Agence Bio – Mesure de l’introduction des produits Bio en restauration collective – Étude Avril 2010

En savoir + :

Tribune libre : Réforme du code des marchés publics : un pas en avant pour la restauration scolaire
Question écrite : Circuits courts et restauration scolaire
Tribune libre : Alimentation, circuits courts et produits bio
Dossier : L’éducation nutritionnelle dans le pays ruffécois