Examen du budget 2025 : une situation sans précédent qui n’a pas empêché les masques de tomber

Madame, Monsieur,
Je souhaite par la présente vous adresser un point d’ensemble sur le projet de loi de finances pour l’année 2025, texte budgétaire dont l’examen par notre Haute Assemblée s’est vu, comme vous le savez, stoppé par un contexte politique national inédit.
Au terme de ce marathon budgétaire, qui s’est clôt dans la soirée du mercredi 4 décembre par la chute annoncée du gouvernement Barnier à la suite du dépôt d’une motion de censure, les travaux sénatoriaux relatifs à ce texte se sont donc arrêtés.
Nous avions d’emblée fait part avec le groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain, et je m’en étais d’ailleurs ouvert auprès des élus locaux du département, de notre préoccupation pour la cohésion sociale du pays, pour la transition environnementale, pour notre développement économique et pour nos services publics.
Vous le savez, j’avais également fait part de ma très forte inquiétude pour nos collectivités territoriales, avec des coupes budgétaires dépassant finalement les 11 milliards d’euros.
Ce budget, c’est tout d’abord celui témoignant de l’échec d’une politique de l’offre. Pensée par le Président Macron comme un prisme central, cette politique devenue un totem néolibéral n’a conduit qu’à une unique chose : l’enrichissement des plus privilégiés au détriment des Français et l’accroissement des inégalités dans notre pays.
Concrétisée par un désarmement fiscal au bénéfice en priorité des plus aisés et par une volonté de ne jamais remettre en cause les dispositifs libéraux existants, cette approche sans aucune pertinence sociale-économique est l’un des éléments à la source du mécontentement sociétal que connait notre pays et qui se traduit indubitablement par une résurgence de populismes qui trouvent un carburant puissant dans la crise sociale actuelle.
Ce qui me porte au second fondement de la crise plurielle actuelle : la fragilité institutionnelle latente révélée par la chute du gouvernement de Michel Barnier qui atteste d’une absence claire de majorité pour poursuivre la politique de l’offre jusque-là conduite. Il faut le dire avec solennité, les tentatives de séduction de l’extrême-droite engagées, si elles attestent incontestablement d’une forme de compromission politique que je condamne fermement, n’a pas suffi à dégager une majorité pour un gouvernement qui d’emblée a refusé de dialoguer avec la gauche.
Profitant d’une navette parlementaire le plaçant au cœur du jeu politique et décisionnel en première lecture, à la suite du rejet du texte par l’Assemblée nationale, le Sénat, et plus particulièrement le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain auquel j’appartiens, a été force de propositions et aurait pourtant pu permettre de faire évoluer le texte initial du gouvernement vers des horizons plus partagés. Notre groupe a déposé près de 350 amendements sur la partie recettes et sur la partie des missions budgétaires.
Notre démarche a été concrétisée par l’adoption en séance de plusieurs avancées notables, tant en matière de pouvoir d’achat et d’équité face à l’impôt, que de poursuite d’une transition écologique toujours plus urgente ou encore de remise en cause de la politique d’austérité budgétaire imposée à l’encontre de collectivités territoriales acculées injustement par le gouvernement.
Convaincus de la nécessité de rééquilibrer l’effort fiscal, nous avons défendu et obtenu une taxation minimale de 20 % sur les très hauts revenus. Cette mesure visait à garantir une plus grande équité fiscale en veillant à ce que les contribuables les plus aisés participent pleinement au financement de nos services publics. Cette contribution inclut un mécanisme de décote pour éviter les effets de seuils injustes.
Dans le cadre de notre engagement écologique et social, nous avons également renforcé les malus sur les véhicules polluants tout en ajustant les barèmes pour protéger les ménages modestes. Ces dispositions encourageaient des comportements plus respectueux de l’environnement sans alourdir excessivement le coût de la transition pour les plus fragiles.
Enfin, la taxe sur les rachats d’actions des grandes entreprises, adoptée avec notre soutien, a été augmentée. Elle aurait dû permettre de mobiliser près d’un milliard d’euros supplémentaires pour financer des politiques publiques ambitieuses et redistribuer les richesses là où elles sont le plus nécessaires.
Nous avons particulièrement œuvré pour protéger les moyens d’action des collectivités locales. Face à la réduction de 800 millions d’euros envisagée pour le Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), nous avons défendu son maintien intégral. Cette victoire garantissait que vos territoires pourront continuer à investir dans des projets essentiels au développement local.
De plus, le retour élargi du prêt à taux zéro (PTZ) à l’ensemble des territoires, obtenu grâce à notre mobilisation, devait favoriser l’accession à la propriété, notamment dans les zones rurales et périurbaines. Ce dispositif est un levier important pour dynamiser l’habitat et l’économie locale tout en offrant une réponse concrète aux besoins des primo-accédants.
Enfin, nous avons appuyé un report stratégique de la suppression totale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Ce délai aurait ouvert la possibilité pour les collectivités de maintenir des ressources stables, tout en se préparant à la transition fiscale prévue.
Face à ces avancées notables, profondément justes et surtout légitimes face à la réalité de la dégradation des conditions et écarts socio-économiques dans notre pays, le gouvernement dans un alliance idéologique avec la droite sénatoriale a finalement décidé d’y opposer une fin de non-recevoir.
Après avoir joué pendant plusieurs jours un simulacre de démocratie parlementaire en répétant sa soit-distante volonté de dialogue, de respect des institutions, ce dernier a, le dernier jour des débats, demandé à la Haute Assemblée vingt-sept secondes délibérations afin de revenir sur ces mêmes avancées en les effaçant purement et simplement. De la sorte, le gouvernement a mis en œuvre une sorte de « 49.3 sénatorial » qui a attesté d’une absence totale de volonté de dialogue et de compromis.
Cette forme de blocage institutionnel n’a néanmoins pas empêché notre groupe de poursuivre ses combats lors de l’examen des dépenses de l’État dont je veux ici parler malgré son interruption prématurée.
L’examen de la seconde partie de ce projet de loi de finances a été l’occasion pour notre groupe de conserver une ligne claire. Nous sommes convaincus que les politiques publiques doivent être efficaces et responsables. Dans un contexte où les ressources publiques se raréfient chaque jour davantage, d’effort budgétaire nécessaire et collectif, il est impératif de cesser de dépenser sans discernement.
Cependant, ce constat ne doit pas être le synonyme du renoncement à réguler les déséquilibres qui frappent notre pays et affectent particulièrement les Français les plus vulnérables. Bien au contraire, nous devons proposer des solutions ambitieuses, financées et concrètes pour améliorer le quotidien de nos concitoyens et renforcer nos services publics.
Soutien et simplification du secteur de l’enseignement avec la suppression du Conseil d’évaluation de l’École, prorogation du fonds « périsco », demande d’augmentation des moyens humains et financiers des services préfectoraux pour poursuivre le réarmement territorial des préfectures et sous-préfecture auquel le gouvernement tourne le dos, renforcement des moyens de la justice, consécration des dotations aux collectivités, renforcement du plan de lutte contre les violences faites aux élu.e.s… nous avons porté dans chaque mission budgétaire examinée des positions ambitieuses en phases avec vos attentes, avec les attentes exprimées dans nos territoires.
Nos travaux se sont achevés le 4 décembre à la suite de la censure du gouvernement par l’Assemblée nationale. Les apports que nous avons souhaité apporter au texte, qu’ils aient été rejetés par la majorité sénatoriale, effacés en seconde délibération ou votés, sont désormais caducs.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat auquel j’appartiens soutient cette censure car elle est le seul moyen qui nous reste de nous faire entendre et de sanctionner un gouvernement qui n’a jamais tenu compte de nos propositions, comme cela a été détaillé plus haut. Il me faut à cet égard rassurer : cette censure, si elle est un signal politique fort et ne doit pas être minimisée, n’aura pas les conséquences annoncées de manière mensongère par le gouvernement censuré : les collectivités locales seront financées, les impôts n’augmenteront pas automatiquement et les marchés financiers ne prolongeront pas la France dans la faillite.
Pour autant, cette censure doit être entendue par le Président de la République et les parlementaires qui soutiennent sa politique. Ils doivent désormais rechercher une solution politique permettant la stabilité, le changement de cap politique et l’apaisement.
Sinon, profitant cyniquement de cette réalité, les artisans de chaos de tous bords choisiront d’attiser les braises du mécontentement sans pour autant à aucun moment être producteurs de propositions alternatives réalistes et pérennes. Cela, nous le dénonçons avec force et détermination.
En réalité, il n’appartient qu’au Président de la République de nommer un Premier ministre qui gouvernera avec la gauche plutôt qu’avec l’extrême-droite pour bâtir ensemble des compromis au service des Françaises et des Français.
Au côté des parlementaires de ma famille politique, je souhaite porter des propositions faites en responsabilité comme celles évoquées plus haut. Avec les Français qui ont donné une préférence à la gauche, je souhaite défendre une politique de justice sociale et fiscale.
J’ai, soyez-en assurés, conscience de l’impératif qui est le mien, qui est le nôtre, qui est le vôtre, d’assurer à nos territoires un avenir aussi responsable qu’ambitieux, à la hauteur des espérances de nos concitoyens.
Vous pouvez compter dès lors sur notre engagement sans faille, et nous restons à votre entière disposition pour toute précision.