Adoption de la loi NOME : un pas supplémentaire vers la précarité énergétique des ménages français

29 novembre 2010 | Actualités / Sénat

[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy du 29/11/10 ]

Adoption de la loi NOME : un pas supplémentaire vers la précarité énergétique des ménages français

Nouvelle Organisation du Marché de l'ÉlectricitéLe Parlement a définitivement adopté, le 24 novembre, le projet de loi portant Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité, dit loi « NOME ». Durant les débats, les sénateurs et députés socialistes ont fortement exprimé leur opposition à cette réforme qui ouvre la voie vers la privatisation de notre marché de l’électricité.

La loi NOME est, très clairement, une nouvelle étape dans la libéralisation de notre politique énergétique. En obligeant EDF à céder le quart de sa production nucléaire à ses concurrents à prix coûtant, elle opère un véritable transfert de la rente nucléaire au profit d’une poignée d’opérateurs privés.

Les conséquences sont évidentes et bien connues de tous, à savoir : une nouvelle augmentation du tarif de l’électricité dans les prochaines années. En effet, pour permettre à la concurrence de se développer sur le marché résidentiel, le projet de loi prévoit que les tarifs de l’électricité devront, à terme, être alignés sur le prix de gros auquel EDF va céder son électricité à ses concurrents. De ce fait, selon les hypothèses de travail de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), les ménages vont subir une hausse des tarifs de l’électricité de 25% d’ici à 2015 !

Pourtant, la situation est déjà des plus critiques aujourd’hui. Le prix de l’énergie ne cesse d’augmenter, pénalisant, encore et toujours, les plus modestes.

Ainsi, le 15 aout dernier, les ménages ont déjà du faire face à une augmentation des tarifs de l’électricité de 3,4% en moyenne. Le 25 octobre, le Gouvernement a confirmé sa volonté d’augmenter la « contribution au service public de l’électricité » (CSPE), qui pourrait ainsi passer de 4,50 à 7,50 euros par MWh. Ce relèvement se traduirait par une nouvelle hausse de la facture de nos concitoyens de près de 4%, soit un cumul de plus de 7% en 6 mois.

Le coût de l’électricité représente, actuellement, 15 % du budget d’un ménage modeste, contre 6 % pour les catégories aisées. Selon certaines études, certains ménages consacreraient près d’un quart de leur budget total dans l’énergie !

De plus, ces différentes hausses se sont conjuguées aux augmentations substantielles du prix du gaz, pour un total de 15% cette année et le Gouvernement a déjà programmé une augmentation de ce tarif de 3% par an, entre 2011 et 2015.

Les conséquences sont donc dramatiques pour les français, comme le démontrent les dernières projections en Charente dont j’ai pris connaissance récemment. Selon le directeur du groupement d’intérêt public (GIP) Charente Solidarités, entre 2 000 et 4 000 familles charentaises vont devoir couper leur chauffage pour faire face à l’augmentation actuelle des tarifs. Le directeur du service urbanisme, habitat et logement à la Direction départements des territoires, a précisé que 26 000 ménages en Charente seraient incapables de payer leurs factures de fuel, gaz ou électricité dont, parmi eux, 12 800 vivant sous le seuil de pauvreté.

Cette situation ne peut pas perdurer et il est indispensable que le Gouvernement prenne conscience de la « précarité énergétique » dans laquelle se trouvent nos concitoyens. Ces hausses successives des tarifs touchent plus de 28 millions de personnes et 4 millions d’entreprises, soit près de 94% des consommateurs français !

L’adoption de la NOME va aussi avoir des conséquences pour les entreprises basées sur notre territoire. En effet, cette réforme prévoit la suppression des tarifs jaune et vert, destinés aux moyennes et grandes entreprises, à partir du 31 décembre 2015.
Actuellement, ces tarifs sont fixés par l’État à un taux inférieur aux prix des marchés de gros. Or, la Commission européenne considère que ce dispositif constitue une distorsion à la concurrence. De ce fait, le Gouvernement a décidé de revenir sur ce système. Nous pouvons donc être très inquiets sur les conséquences de ce choix. En effet, le prix de l’électricité est un facteur important dans le choix de localisation des entreprises. Si les tarifs venaient à augmenter significativement, beaucoup d’entreprises auraient une raison supplémentaire de délocaliser ou de cesser leurs activités. Et ce sont bien, une fois de plus, les plus petites structures (PME et artisanat) qui en seront les premières victimes.

Dans ce contexte général, je déplore l’adoption du projet de loi NOME qui ne fait qu’aggraver des situations déjà critiques. Dans une période où il aurait fallu apporter une attention et une aide particulière aux français, le Gouvernement a fait le choix de libéraliser notre marché de l’électricité, ouvrant la voie à une explosion des prix, comme ce fut le cas dans tous les pays européens ayant fait ce même choix.

Nous ne pouvons donc pas tolérer cette orientation libérale. D’après les premières projections, ce sont entre 3 à 4 millions de français, en 2011, qui ne seront plus en mesure de payer leur facture d’électricité. Cette situation est d’autant plus scandaleuse à l’heure où les grands groupes énergétiques font des profits indécents et où les plus aisés continuent de bénéficier de mesures fiscales très avantageuses.

Je constate que les réformes se suivent et se ressemblent depuis 2007.
Nous assistons vraiment à la mise en place d’une France à deux vitesses et à deux visages, qui profite, encore et toujours, à une poignée d’individus au détriment d’une majorité de français.

En savoir + :

Question écrite : précarité énergétique des ménages français
Le dossier législatif du sénat