Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux dite « TRACE »
Suite aux difficultés qui persistent encore dans la mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), le Sénat a repris ses travaux de suivi. Les sénatrices et sénateurs du groupe socialiste, écologiste et républicain (SER) ont contribué pleinement à ce travail. Un rapport a été présenté en octobre 2024, l’occasion pour mon groupe de défendre la nécessité d’une approche plus qualitative, différenciée et concertée dans la fixation des objectifs de sobriété foncière.
La proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite « TRACE », adoptée au Sénat le 18 mars, ne reflète cependant pas l’exhaustivité des constats réalisés et des préconisations émises dans le cadre des travaux qui embrassaient toutes les facettes du ZAN, de ses limites comme de ses opportunités. L’enjeu aujourd’hui c’est bien de trouver les solutions qui vous permettront de mieux programmer votre stratégie de sobriété foncière et d’offrir aux habitants des perspectives nouvelles d’aménagement et de développement.
Mais la proposition de loi « Trace » passe à côté de deux préoccupations majeures que sont l’accompagnement et le financement de la mise en œuvre de l’objectif ZAN. Le Gouvernement aurait déjà dû prendre les mesures nécessaires pour développer une ingénierie technique en soutien des élus locaux et mettre en place les financements adaptés.
Je regrette d’ailleurs qu’à l’occasion des examens budgétaires successifs, les propositions formulées par mon groupe aient été rejetées, aussi bien par le gouvernement que par la majorité sénatoriale. J’ai en effet défendu une réforme de la taxation des plus-values de cession de terrains nus rendus constructibles, l’augmentation de la taxe d’aménagement pour permettre aux CAUE de renforcer leur mission d’ingénierie, la mise en place d’un fond dédié à la réhabilitation du bâti rural, l’accompagnement des communes notamment pour identifier leurs friches… Je souhaite que le Gouvernement s’empare rapidement de ses propositions.
Pour ne pas compromettre l’atteinte effective de l’objectif ZAN en 2050, j’ai défendu une trajectoire nationale équitable avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers en 2034 (article 2). La trajectoire « à la carte » instaurée par la proposition de loi risque d’ajouter de la complexité et place les élus dans une situation d’insécurité juridique majeure, notamment au regard des documents d’urbanisme. Sans objectif chiffré et mesurable, comment en évaluer l’atteinte ? C’est la porte ouverte, je le crains, à des conflits d’interprétation et des recours juridictionnels.
Et rebattre les cartes une nouvelle fois sur les questions de gouvernance apparait contreproductif quand les textes actuels permettent déjà aux conférences régionales de décider de leur organisation (article 5). Je souhaite que les régions qui ont fait des efforts dès 2021 ne soient pas pénalisées par le nouveau texte.
Ce texte apporte néanmoins quelques avancées importantes qui apportent de la souplesse :
- Un calendrier d’adaptation des documents d’urbanisme assoupli : 2027 pour le SRADDET, 2028 pour les SCoT et 2029 pour les PLU/PLUi (article 3).
- Un retour à la notion d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) (article 1).
Je souhaite aussi qu’il y ait une meilleure coordination de l’objectif « ZAN » avec les priorités politiques de notre pays. Sur ce point, la rédaction de l’article 4 devra encore être retravaillé mais un point d’attention a été porté au Sénat sur les projets de réindustrialisation. Des ouvertures ont d’ailleurs été faites par le Gouvernement qui propose une réserve de 10 000 hectares supplémentaires pour ces projets. Sur la garantie de développement communal (article 6), la mutualisation au niveau des SCoT, voire de la région, sera possible, si le maire en fait la demande, l’objectif étant de ne pas bloquer du foncier disponible.
La contribution de mon groupe a permis l’adoption de plusieurs amendements :
- Expérimenter un diagnostic de la qualité et de la santé des sols préalablement à la révision ou modification des PLU/PLUi dans la ligne des travaux du groupe SER sur la préservation des sols vivants. C’est un outil de diagnostic à la main des élus qui voudront fonder leurs choix urbanistiques sur des paramètres pédologiques et éviter de consommer les sols rendant le plus de services écosystémiques ou à haut potentiel agronomique (article 1 ter).
- Prendre en compte, dans les critères de territorialisation lors de la détermination des enveloppes foncières, des projets favorables à la transition écologique ou aux circuits courts (article 1 bis).
- Adapter la comptabilisation de la consommation d’espaces des zones d’aménagement concerté (ZAC) dont l’acte de création est intervenu avant le 22 août 2021 (article 4 bis).
- Améliorer la lisibilité de l’ensemble des données relatives à la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et des sources de financement. C’est essentiel si on veut faire face aux enjeux de densification et de réappropriation du bâti existant, et pour identifier et mobiliser les friches (article 1).
Tout au long des débats, j’ai défendu une trajectoire de sobriété foncière ambitieuse et équitable tout en laissant plus de souplesse pour les élus dans le calendrier. Lisibilité, différenciation et accompagnement sont les principes qui doivent guider la mise en œuvre de cette politique nationale. Le débat se poursuivra à l’Assemblée nationale pour un texte définitif annoncé avant l’été.
Je peux vous assurer que je poursuivrai mon combat pour faire entendre la voix des territoires et obtenir les adaptations et moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de sobriété foncière.
- Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux dite « TRACE » – Amendement Nicole BONNEFOY
- Journée mondiale des sols – Tribune parue dans Libération
- Tribune dans Le Monde : « L’artificialisation des sols détruit les moyens d’agir sur le climat »
- Point d’étape sur les adaptations de la mise en œuvre de l’objectif ZAN
- Proposition de loi visant à préserver des sols vivants – Intervention de Nicole BONNEFOY lors de la discussion générale
- Proposition de loi visant à préserver des sols vivants déposée au Sénat