Projet de loi de finances pour 2011 : seule l’austérité est au rendez-vous

22 décembre 2010 | Actualités / Sénat

[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy du 22/12/10 ]

Projet de loi de finances pour 2011 : seule l’austérité est au rendez-vous

Loi de finance 2011Le 7 décembre dernier, le projet de loi de finances pour 2011 a été adopté au Sénat à 177 voix pour et 153 contre. Plus de 1.000 amendements ont été déposés sur ce texte. Le 15 décembre, après 7 heures de discussion, la Commission Mixte Paritaire est arrivée à un accord, actant ainsi le budget pour l’année 2O11.

Comme chaque année, le mois de décembre est marqué au Sénat, par les débats budgétaires qui en ces temps de crise et face aux attentes légitimes de nombreux de nos concitoyens, revêtent une importance particulière. Le Gouvernement nous avait promis des « économies historiques », notamment par le lancement d’une véritable « chasse aux niches fiscales », qu’en est-il ?

Malheureusement, ces promesses sont restées vaines. Seule, l’austérité est au rendez-vous mais pas les économies. Cette loi de finances n’a rien d’exceptionnelle. Ainsi, le Gouvernement nous a enjoints de voter un budget d’austérité « indispensable du fait de la crise et de l’explosion des déficits ». Or, nous entendons ces mêmes arguments depuis plusieurs années, à chaque vote du budget, et pour autant notre déficit ne cesse de se creuser, devenant le premier poste de dépenses de l’État. Les écarts entre les plus riches et les plus pauvres se sont aggravés, les entreprises du CAC 40 ont continué d’engranger des profits recors, alors que dans le même temps, le pouvoir d’achat des français s’est dégradé et le chômage frôle les 10%.

Ce budget est donc la copie conforme des précédents. Il aggravera la situation sociale et économique de la grande majorité des français avec, notamment, 10 milliards d’Euros d’impôts supplémentaires qu’ils devront assumer en 2011.

La sincérité de ce budget est plus que discutable. En effet, le Gouvernement le fonde sur une hypothèse de croissance de 2% en 2011. Or, la majorité des experts et des instituts de croissance l’ont, d’ores et déjà, évalué à 1,5% pour les estimations les plus optimistes, et à 1,1% pour les plus pessimistes! De ce fait, avant même d’examiner le fond de ce budget, nous savons déjà qu’il est biaisé !

Les économies « historiques » avec la chasse aux niches fiscales les plus coûteuses n’ont pas eu lieu. Les plus aisés n’auront été qu’égratignés par quelques mesures, plus symboliques que réellement efficaces, comme sur les stocks options et les retraites chapeaux. Le bouclier fiscal quant à lui, n’a pas été remis en cause alors qu’il symbolise l’iniquité de notre système fiscal.

Les recettes ne progressent que très légèrement grâce à des économies de bouts de chandelles qui vont peser principalement sur les classes moyennes. En effet, près de 2/3 de l’amélioration du solde du budget de l’État en 2011 ne résultera que d’économies liées à la non reconduction du grand emprunt, du plan de relance ou du plan Campus. Parallèlement à cela, le Gouvernement a fait adopter des mesures scandaleuses et inappropriées, telles :
– la suppression de l’avantage fiscal aux personnes mariées, pacsées ou divorcées.
– la suppression de l’abattement sur les cotisations sociales des particuliers pour les emplois à domicile
– la remise en cause de l’Aide Médicale d’État
– la suppression de 1.800 postes d’ici à la fin 2011 pour le Pôle Emploi, alors même que certains agents doivent déjà gérer plus de 200 dossiers et que le chômage et la précarité progressent, …

En somme, le Gouvernement a fait des économies d’opérette en s’attaquant aux plus modestes, afin d’épargner ceux qui ont le plus ! Or, face à la crise que nous traversons, il aurait fallu prendre des mesures qui stimulent la consommation des ménages afin de relancer la croissance. Il aurait fallu aussi, réinjecter des fonds dans l’éducation, la santé, le logement, la recherche et l’industrie. Or, rien n’a été fait dans ce sens ! Les rares avancées que nous avons pu obtenir au Sénat ont, pour la majorité d’entre elles, été balayées d’un revers de main lors de secondes délibérations demandées par le Gouvernement.

Certes, la crise est passée par là, nous pouvons tous en convenir, mais personne ne peut nier que la politique menée par Nicolas Sarkozy depuis 2007 est la principale responsable du trou abyssal qui s’est creusé dans nos finances publiques. En effet, la crise n’explique qu’un tiers de notre déficit, soit 50 milliards d’Euros. Les 100 milliards d’Euros restants résultent des choix politiques de la majorité depuis 2007, et notamment des cadeaux fiscaux octroyés aux plus privilégiés. Ainsi, la Cour des comptes a estimé à 172 milliards d’Euros l’ensemble des niches et cadeaux fiscaux consentis à des entreprises, notamment les plus importantes, tout en démontrant que les trois quarts de ces exonérations ne servaient pas l’emploi.

Dans ce contexte, nous ne pouvons accepter un budget qui maintient des aides aux plus riches et qui, dans le même temps, rogne sur les dépenses publiques. Ainsi l’éducation nationale se voit, une nouvelle fois, supprimer 16.000 postes qui viennent s’ajouter aux 40.000 postes déjà détruits depuis 2008. Pourtant, à la rentrée scolaire dernière, la sonnette d’alarme avait été tirée. Aux classes surchargées et au manque de moyens des établissements publics, est venue s’ajouter une réforme inapte de la formation des enseignants. Les EVS ont aussi été menacés et il a fallu qu’une collègue socialiste à l’Assemblée nationale vienne demander le redéploiement de 20 millions d’euros en 2011 pour qu’ils soient maintenus. Mais, ne nous y trompons pas, cette mesure n’est qu’un sursis car, dans le même temps, le Gouvernement poursuit sa politique de suppression massive de contrats aidés à travers la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques).

L’agriculture, en pleine crise, voit ses crédits diminuer pour l’installation des jeunes agriculteurs ou le maintien des exploitations existantes malgré une apparente augmentation. Les coopératives agricoles ont échappé à la catastrophe après l’adoption d’un amendement du président de la Commission des finances du Sénat, remettant en cause leur fiscalité propre. Une fois de plus, il a fallu que les contestations locales et nationales s’amplifient pour que la majorité parlementaire, sous la demande expresse des sénateurs socialistes en Commission Mixte Paritaire, accepte de revenir sur cette disposition.

Quant aux collectivités territoriales, elles voient leurs dotations gelées par la mise en œuvre de la règle d’évolution « zéro valeur » des dotations de l’État aux collectivités territoriales sur la période 2011-2014. Cette mesure vient s’ajouter à la suppression de la taxe professionnelle et à la réforme territoriale qui ont déjà mis à mal leur finance et leur autonomie. Pourtant, elles réalisent 70% des investissements publics et sont donc, dans ces temps de crise, un instrument fondamental pour une relance de la croissance et une meilleure cohésion entre nos territoires.

Je suis donc déçue, une nouvelle fois, par ce budget qui ne s’attaque pas aux problèmes de fond. L’année 2011 risque de se dérouler sous les mêmes auspices, avec l’annonce de la suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF). La majorité présidentielle la présente comme une compensation de la prochaine suppression du bouclier fiscal. Or, celui-ci coûte 700 millions d’Euros à la société alors que l’ISF rapporte plus de 4 milliards d’Euros.

Durant cette année, il faudra que nous soyons tous très vigilants sur les promesses et les effets d’annonce qui ont de plus en plus de mal à cacher la volonté d’orienter notre société vers un libéralisme exacerbé.