Loi « Bien Vieillir »

4 avril 2024 | Actualités / Sénat

En ce début d’année 2024, les seniors de plus de 75 ans représentent 10 % de la population française. Dans les vingt prochaines années, leur nombre est appelé à croître pour atteindre près de 11 millions d’individus. La première conséquence du vieillissement démographique est inévitablement l’augmentation du nombre de seniors en perte d’autonomie, dont le nombre est estimé à plus de quatre millions en 2050 selon l’INSEE.

Face au désistement de l’État, les EHPAD publics et les collectivités locales en première ligne résistent avec difficulté et abnégation aux hausses de coûts liées à l’inflation et aux tensions sur les recrutements. Entre 2019 et 2022, le déficit des EHPAD publics a été multiplié par 20. Dans le même temps, l’enquête de Victor Castanet « Les Fossoyeurs » mettait en évidence la maltraitance institutionnalisée des résidents d’EHPAD appartenant au groupe privé ORPEA.

C’est donc dans ce contexte, particulièrement révélateur de la crise traversée par le secteur de l’autonomie, que le Sénat a examiné en séance publique la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie. Si le texte finalement adopté contient quelques avancées, son manque d’ambition, de vision politique et stratégique de la question de l’autonomie et l’absence de moyens accordés sont tant d’éléments ne permettant pas de répondre à la crise que traverse ce secteur, ni de poser les bases nécessaires permettant l’adaptation de notre société au vieillissement de la population.

L’action de l’exécutif sur le sujet ne se révèle être qu’une suite sans fin de promesses non tenues de mise à l’ordre du jour d’un projet de loi sur le « grand-âge ». Souhaitant pousser le Gouvernement à agir et ne voulant pas se contenter d’un texte faible, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’est abstenu lors du vote, tout en demandant que soit inscrit à l’ordre du jour parlementaire, et avant la fin de l’année 2024, un projet de loi sur le « grand âge ».

Pourtant enrichie de plus d’une vingtaine d’articles par les parlementaires, cette proposition de loi n’est pas à la hauteur. Elle permet tout juste de venir colmater quelques brèches sans cibler ni les problèmes structurels liés au « grand-âge », ni les besoins de financement des politiques publiques d’autonomie. Afin de pallier ce manque d’ambition, un article est adopté prévoyant l’examen avant le 31 décembre 2024, puis tous les cinq ans, d’une loi de programmation pluriannuelle pour le « grand-âge ».

Convaincus de la nécessité d’un projet de loi sur le « grand-âge », les sénateurs et sénatrices du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ont exhorté la nouvelle ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, à préciser le calendrier de ce projet de loi. À ce jour, aucune réponse n’a été apportée par la ministre quant à sa volonté de respecter l’engagement du précédent Gouvernement. Le texte n’est plus à l’ordre du jour, et semble, une nouvelle fois, reporté sine die.

L’incapacité du Gouvernement à tenir ses engagements pris face à la représentation nationale est regrettable. Les personnes âgées en perte d’autonomie, les résidents des EHPAD et les professionnels du secteur en pâtissent. Il y a une véritable urgence à ce que l’exécutif passe des paroles aux actes et mobilise de vrais moyens pour les EHPADs et pour le maintien à domicile.

Tout au long des débats, les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont défendu une augmentation des moyens alloués au « grand-âge ». Ils ont insisté sur la nécessité de généraliser la prévention de la perte d’autonomie et d’anticiper le virage domiciliaire dans les politiques publiques relatives à l’autonomie. Ils ont défendu des dispositions permettant de mieux signaler et de prendre en charge la question de la maltraitance envers les populations vulnérables. Dans cet objectif, le groupe a soutenu la mise en place, dans chaque département, d’une cellule chargée, sous l’autorité du président du conseil départemental et du directeur général de l’agence régionale de santé, de recueillir et de traiter les signalements de maltraitance, en collaboration avec les partenaires institutionnels et associatifs concernés. Cette cellule centralise les signalements adressés au moyen d’un numéro d’appel national unique, le 3977 du réseau ALMA. Le groupe socialiste regrette la rédaction finale retenue en CMP, qui laisse la responsabilité de cette cellule aux seules ARS, sans se référer aux associations qui assurent aujourd’hui le service.  Comme bien trop souvent, le Gouvernement et la droite sénatoriale se sont donc opposés à la majorité de nos propositions d’amendements. Notre groupe a tout de même réussi à modifier l’article six de ce texte, en ouvrant l’éligibilité de la carte professionnelle à l’ensemble des professionnels intervenants à domicile, quel que soit leur statut.

Le texte de cette proposition de loi sur lequel la Commission mixte paritaire a trouvé un accord le mardi 13 mars 2024 contient tout de même quelques avancées. La création du service public départemental de l’autonomie (SPDA) qui poursuit le double objectif de décloisonnement des politiques sanitaires et médico-sociales est un progrès. La généralisation du dépistage précoce, systématique et multidimensionnel de la perte d’autonomie est la bienvenue. Nous estimons positif l’allongement du délai permettant la mise en place de la réforme de la fusion des Saad (Services d’aide et d’accompagnement à domicile) et des Ssiad (Services de soins infirmiers à domicile). La Commission mixte paritaire a confirmé la création d’un droit pour les résidents d’EHPAD de voir leur animal domestique accueilli au sein des établissements en prenant en compte la volonté du Sénat d’encadrer ce droit afin de garantir la santé et la sécurité des résidents et du personnel, ainsi que le bien-être des animaux. Enfin, la Commission mixte paritaire a maintenu les dispositions tendant à créer un droit de visite en établissements, en particulier un droit inconditionnel de recevoir de la visite est reconnu pour les personnes en fin de vie ou en soins palliatifs, même en cas de crise sanitaire.

Face au délabrement de notre service public de l’autonomie et aux défis à venir, il est primordial de déployer des politiques de prévention à la perte de l’autonomie, de renforcer les services de santé et de soins à domicile permettant le maintien chez eux des séniors. Le développement du soutien aux proches aidants ainsi que la valorisation des travailleurs sociaux et médicaux sont également des priorités. Puisque toute la société est concernée, ce sont aussi les problématiques liées à l’accessibilité qu’il est nécessaire d’anticiper, tant dans les transports que dans l’accès à des logements adaptés. Pour mettre en œuvre l’ensemble de ces évolutions, le rapport Libault de 2019 estime à 9,2 milliards d’euros le besoin de financement supplémentaire d’ici à 2030.

La portée des dispositions de cette loi sur le « bien-vieillir » est trop limitée. Notre mobilisation reste totale pour l’inscription à l’ordre du jour parlementaire d’ici la fin de l’année 2024 d’un véritable projet de loi sur le « grand-âge ».