Les drones de Cognac dans le ciel afghan

14 janvier 2011 | Non classé

[ Article Charente Libre du 14/01/11 ]

Les drones de Cognac dans le ciel afghan

Les drones Harfang sont installés à la base aérienne de Cognac depuis l’an dernier. Ils assistent les forces terrestres de la coalition internationale en Afghanistan. Visite avec les élus charentais.

Le lieutenant-colonel Mazoyer a présenté hier la technologie du drone Harfang . Photo CL
Le lieutenant-colonel Mazoyer a présenté hier la technologie du drone Harfang . Photo CL

Deux hommes à Mobylette remontent un chemin de poussière quelque part en Afghanistan, à un jet de pierre d’une base polonaise. Ils stoppent leur machine, marchent quelques mètres. Sous l’oeil du drone qui ne manque rien de la scène. Enregistre chaque fait et geste. Traque la moindre attitude suspecte. «À ce moment-là, raconte le lieutenant-colonel Sébastien Mazoyer, de la base aérienne (BA) 709 de Cognac, les militaires tombent d’accord sur le fait que les insurgés préparent une roquette.» La suite des événements leur donnera raison. Quelques secondes plus tard, la vidéo suit un des «insurgés» qui s’écarte à grands pas. Une roquette s’allume et décolle.

Projeté à une poignée d’élus charentais hier matin à la BA 709 de Cognac, ce fragment de guerre en images satellites vaut tous les discours sur le rôle de précieux alliés que constituent les drones Male (comme moyenne altitude longue endurance). Des drones postés sur la base afghane de Bagram depuis vingt-trois mois et à demeure à la base cognaçaise depuis l’an passé autour d’un escadron de 90 hommes. «En Afghanistan, nous sommes au service de la coalition.»

À l’appui des forces terrestres, les drones mènent des opérations de surveillance approfondies pour déminer le terrain et déjouer les guets-apens tendus au hasard des routes. «On veut éviter aux militaires d’aller dans des villages où ils ne connaissent rien. On fait de la surveillance pour savoir qui fait quoi, qui rencontre qui. Les autochtones et les insurgés se ressemblent, sont habillés pareil. Il faut du temps pour les distinguer.»

Les engins escortent les convois armés à pied ou véhiculés. Pistent les auteurs des tirs. «Les bombes artisanales font là-bas 70 % des morts.» Dans l’extrait projeté aux élus, les «insurgés» seront suivis jusqu’à leur camp de base. Cinq seront neutralisés. «Nous sommes discrets. Les gens ignorent qu’on les a repérés.» L’oeil du drone est plus redoutable que celui de Moscou.

En vingt-trois mois sur place, les limiers des airs n’ont pas renâclé à la tâche. Quadrillant sans relâche le ciel ennemi: 3 400 heures de vol, 2 400 heures de vidéo, 3 900 objectifs. «Cela représente énormément de personnel pour analyser l’information et la transformer en renseignement utile, explique le lieutenant-colonel Mazoyer qui doit désormais gérer la relève des équipes. Nous avions du personnel expérimenté depuis deux ans. Nous le remplaçons par des gens plus jeunes, précise le militaire en soulignant les écueils rencontrés pour recomposer une équipe nouvelle et rajeunie. Pour un élève qui sort de l’école de pilotage, ce n’est évident de lui annoncer qu’il va piloter un engin à distance assis dans un fauteuil! Il faut arriver à motiver les hommes.»


Des drones dans le ciel de France?

Au-delà du théâtre afghan, le lieutenant-colonel Mazoyer et le colonel Laurent Camus, commandant de la base, pensent que le drone Harfang a toute sa place dans le ciel de France.

«Nous proposons des applications aux ministères.» Surveillance discrète par la police et la gendarmerie, protection de convois sensibles, encadrement de rassemblements humains d’envergure, coordination de l’aide aux victimes après une catastrophe naturelle: les deux militaires prônent des applications civiles à leurs drones. «On va faire des propositions au printemps ou cet été. Après, cela ne dépend pas de nous.»

7 500 mètres. C’est l’altitude à laquelle le drone Harfang peut enregistrer des images.


Des réservistes de choix

Sur le pied de guerre à 10 heures pour les plus ponctuels, à 11 heures pour les moins disciplinés, quelques élus charentais ont participé hier à une journée d’information à la base aérienne de Cognac. Récemment faits Collaborateurs bénévoles du service public (CBSP), soit volontaires intégrés dans la réserve citoyenne, Michel Boutant, Jean-Claude Viollet, Nicole Bonnefoy, Abel Migné, Jean Gombert et Sébastien Lotodé, principal du collège d’Aigre, ont eu droit à une présentation détaillée des missions de l’armée de l’air et du rôle important de la base de Cognac.

«On a fait 22 500 heures de vol l’an passé. Soit 10 % des vols de l’armée française», indique le colonel Laurent Camus, commandant de la base, qui en prévoit 23 000 cette année. Il a évoqué les enjeux de la BA 709 pour les années à venir, le rapprochement avec les bases de Rochefort et Saintes, la montée en puissance espérée de l’escadron de drones, ainsi que la politique des grands travaux autour de l’entretien de la piste. «Cela coûtera cher, mais c’est forcément primordial.» Comme ils s’y sont engagés, les CBSP sauront porter la bonne parole.


Un planeur de 16 mètres d’envergure

Les élus auront pu, hier matin, approcher de près les deux engins: l’un dédié à la formation, l’autre en réparation. Longues ailes effilées, un nez ramassé pour stocker le matériel, une envergure de 16 mètres, le drone affiche un profil de planeur de loisirs. «Il est équipé d’un petit moteur d’ULM et peut stocker 400 litres de carburant pour voler vingt-quatre heures.» Sa vitesse de 120 km/h lui interdit des déplacements rapides et le rend vulnérable. «Il n’est pas détectable à l’oeil, mais peut être attaqué au décollage ou à l’atterrissage par des tirs de roquettes.»

Le plus intéressé aura sans doute été le député Jean-Claude Viollet, spécialiste des questions de défense. Ce fut l’occasion d’un dialogue d’experts avec le lieutenant-colonel Mazoyer. Car si le drone Harfang offre des performances technologiques pointues, la question de sa survie, faute d’investissements suffisants, est d’actualité. «On ne trouvera plus certaines pièces d’ici quelques années», s’inquiète le militaire. Se pose la question d’un investissement européen dans la technologie du drone défendue par le député.  […] Tout l’article

En savoir + :

Photos : Les 50 ans de la base aérienne 709 de Cognac
Photos : Visite de la base aérienne 709 de Cognac
Site internet sur la base aérienne de Cognac