Le Sénat s’engage en faveur d’un aménagement numérique du territoire adapté et cohérent
[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy du 14/02/12 ]
Le Sénat s’engage en faveur d’un aménagement numérique du territoire adapté et cohérent
Le 14 février dernier, le Sénat a adopté, contre l’avis du Gouvernement, une proposition de loi visant à assurer un aménagement numérique du territoire. Ce texte reprend les préconisations d’un rapport d’information présenté par M. Hervé Maurey, sénateur centriste de l’Eure, le 6 juillet 2011 devant la commission de l’économie du Sénat.
Adopté à l’unanimité des membres de cette commission, ce rapport tirait la « sonnette d’alarme » sur la situation actuelle de la France en matière de haut débit et de téléphonie mobile. Il en arrivait au constat alarmant que la France était en passe de manquer le virage du numérique, tout en indiquant que le retard accumulé dans ce domaine pourrait vite s’avérer irréversible. Il se montrait également très critique à l’égard du programme national très haut débit (PNTHD) mis en place par le Gouvernement à partir de 2010, qui donnait bien trop de latitude aux opérateurs privés dans leur projet de déploiement, les poussant naturellement à investir dans les territoires les plus rentables.
Pour ma part, j’avais totalement souscrit à l’époque aux conclusions de ce rapport dont je fais chaque jour, comme beaucoup d’entre vous, l’amère expérience en Charente. La France doit aujourd’hui faire face à une véritable « fracture numérique » qui accroît les inégalités territoriales et économiques. Alors même que notre pays peine à achever sa couverture en téléphonie mobile et en Internet haut débit, il doit déjà répondre à une forte demande pour les réseaux à très haut débit. Les territoires ruraux sont bien évidemment les plus touchés par cette situation. Les investissements privés y sont les moins rentables et les grands opérateurs ont tendance à délaisser ces zones, laissant bien souvent les collectivités territoriales comme les seuls investisseurs en matière de développement numérique.
Cette situation ne doit plus perdurer et il est plus que temps que notre pays prenne véritablement le virage du numérique. La mise en place d’une couverture très haut débit sur notre territoire est capitale si nous voulons garder une attractivité économique et une qualité de vie conforme aux attentes de nos concitoyens. A l’instar de l’impérieuse nécessité de disposer d’un réseau de transport moderne et adapté aux besoins, nous devons disposer d’un accès à un réseau national de nouvelles technologies d’information et de communication efficace et adapté à son temps. C’est seulement ainsi que nous pourrons attirer les entreprises dans nos territoires et créer des emplois et de la richesse.
Sans cela, la France à deux vitesses contre laquelle nous devons lutter, a de beaux jours devant elle.
C’est en ce sens que je me félicite de l’adoption de cette proposition de loi au Sénat qui prend des engagements forts tels que : • Inscrire dans la loi le principe selon lequel « L’aménagement numérique du territoire relève de l’intérêt général de la Nation. Il implique la création d’un réseau d’infrastructures permettant la fourniture d’un service de communications électroniques à haut et très haut débits aux entreprises, aux services publics comme aux particuliers. » [article 1] • Rendre obligatoire les SDTAN (Schéma directeur territorial d’aménagement numérique) et de les renforcer. Ces schémas serviront désormais de support à une contractualisation, sous l’autorité de l’État, entre les collectivités territoriales et les opérateurs privés qui seront désormais contraints, sous peines de sanctions, de respecter leurs engagements [article 2 et 3] • Mettre en place une obligation de couverture des zones dites « grises » ou « blanches » de téléphonie mobile, par l’interopérabilité des réseaux existants et la mutualisation des infrastructures [article 6] • Reconnaître le principe d’un droit d’accès, pour tout abonné à un réseau fixe de communications électroniques, à un débit minimum de 2 Mbit/s avant le 31 décembre 2013 et 8 Mbit/s avant le 31 décembre 2015 [article 8] • Ajouter parmi les axes de la politique d’aménagement rural, le déploiement prioritaire du très haut débit dans les zones rurales en commençant par les zones d’activité et les services publics [article 20] |
Bien évidemment, cette proposition de loi ne résout pas tous les problèmes et de nombreuses questions restent en suspend, notamment au niveau du financement. Néanmoins, nous pouvons nous féliciter de la volonté commune des sénateurs d’œuvrer en faveur d’un aménagement numérique cohérent et adapté aux besoins de nos territoires et de nos concitoyens. En outre, ce texte exprime clairement la volonté de rééquilibrer les rapports entre les collectivités et les opérateurs privés, tout en renvoyant ces derniers face à leurs responsabilités et leurs engagements. Je déplore cependant l’attitude du Gouvernement qui, souhaitant laisser au secteur privé toute la liberté possible, s’est opposé à ce texte.
Cette proposition de loi doit désormais être examinée par les députés à l’Assemblée nationale. Elle a cependant très peu de chance d’être adoptée avant la fin de la session parlementaire en mars prochain.