La règle d’Or ou le bal des hypocrites

14 septembre 2011 | Actualités / Sénat

[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy du 14/09/11 ]

La règle d’Or ou le bal des hypocrites

Règle d'OrL’été 2011 aura été marqué par le nouveau tube politique du Gouvernement : la Règle d’Or. Pas un jour ne s’est écoulé sans qu’il vienne alimenter les débats ou susciter des réactions politiques. Nicolas Sarkozy a ainsi clairement signifié son entrée dans la campagne présidentielle en se présentant comme le candidat de la crise, capable d’équilibrer les finances de l’Etat. Pourtant, cette fameuse Règle d’Or n’est pas aussi vertueuse qu’il n’y paraît et sa portée, bien plus limitée que ce que l’on veut bien nous faire entendre.

A travers cette tribune libre, je tenais à vous en expliquer les raisons afin que vous compreniez la position actuelle de la gauche française qui refuse de voter une règle en apparence si simple et si consensuelle. Je sais que ce choix en a surpris plus d’un. Le Gouvernement n’a d’ailleurs pas manqué de taxer les dirigeants socialistes d’irresponsables. Pourtant, les raisons de notre refus sont tout à fait justifiées et sont très loin des logiques politiciennes que certains veulent bien nous prêter. Car, il ne faut pas s’y tromper : avec cette règle d’Or, nous sommes en plein bal des hypocrites !

Dans un premier temps, en écrivant à l’ensemble des parlementaires français le 25 juillet dernier, Nicolas Sarkozy a fait preuve d’un culot incroyable. Celui de nous appeler, nous, parlementaires de gauche qui n’avons plus la main sur le budget de l’Etat depuis 10 ans, à la raison et au « sens des responsabilités » ! « La France doit être exemplaire dans la remise en ordre de ses comptes publics et de son économie (…) Nous avons besoin de nous rassembler sur ces questions essentielles, au-delà des intérêts partisans », pouvions-nous lire dans ce courrier. Or, il faut bien avoir à l’esprit que la Règle d’Or n’a rien de novateur et ne sera en aucun cas un remède à la crise structurelle que nous traversons. Faire croire aux français qu’il suffit d’inscrire dans notre Constitution un principe d’équilibre pour sortir de la crise est une supercherie. Notre pays est déjà soumis à des règles budgétaires strictes à travers les critères de Maastricht et pourtant il ne les respecte pas ! De plus, depuis 2008, l’article 34 de notre Constitution fixe déjà «  un objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».

La France n’avait donc aucun besoin d’inscrire une nouvelle règle si ce n’est pour rassurer les marchés financiers dont nous sommes aujourd’hui les otages, et pour tenter de dissimuler aux français 5 années d’une politique fiscale et budgétaire désastreuse.

Dans un second temps, présenter la Règle d’Or comme une règle rigoureuse et stricte, d’équilibre des finances publiques est mensonger. Il suffit pour s’en convaincre de lire l’article de loi adopté par le Parlement les 11 et 13 juillet dernier : « Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d’évolutions et les règles de gestion des finances publiques, en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes (…) ». Nous sommes ici bien loin de la règle rigoureuse initialement évoquée : aucun objectif chiffré, aucune règle contraignante. De plus, et le Gouvernement reste extrêmement discret à ce sujet, si cette Règle d’Or venait à être adoptée en Congrès, elle ne sera effective qu’en 2013 !

Dans un dernier temps, cette Règle d’Or est un véritable jeu de dupes. Le Gouvernement, en se cachant derrière la crise, tente de dissimuler les effets désastreux d’une politique fiscale et budgétaire inique et inefficace. Il se permet de donner des leçons de finances publiques alors même qu’il est le principal responsable de la dette. Et ce n’est pas le groupe socialiste qui le dit, mais la Cour des comptes dans un rapport du mois de juin, où elle précise que la crise « explique au plus, 38 % du déficit, qui est surtout de nature structurelle et résulte largement de mesures discrétionnaires ». Il est bien évidemment fait référence ici à la multiplication des cadeaux fiscaux et des niches fiscales accordés ces dernières années, notamment à l’attention des plus aisés. Du bouclier fiscal (600 millions d’euros par an pendant 3 ans), à la « Niche Copé » (20 milliards en trois ans), en passant par la baisse de la TVA dans la restauration (2,5 milliards) jusqu’à la récente réforme de l’ISF (1,8 milliards d’euros), le Gouvernement peut difficilement se défausser de sa responsabilité dans l’état de nos finances publiques. Il est largement responsable des 500 milliards d’euros de dette supplémentaire contractés ces 5 dernières années. Le Gouvernement de Monsieur Sarkozy est donc extrêmement mal placé pour nous parler d’équilibre des finances publiques, de Règle d’Or ou de « sens des responsabilités » !

Dans ce contexte, le plan de Rigueur présenté par François Fillon le 24 août dernier, est proprement scandaleux. Le Gouvernement s’est attaqué une nouvelle fois aux français les plus modestes, tout en se gardant bien de proposer de réguler le secteur bancaire et financier ! La Taxation des complémentaires santé en est une illustration. En taxant la santé, le Gouvernement s’attaque à tous les français. Cette mesure va inévitablement se traduire par un relèvement du niveau de cotisations des adhérents mutualistes au détriment des foyers les plus modestes ! Comment le Gouvernement peut-il demander un tel effort à la majorité des français alors qu’il a fait voter, il y a quelques mois, sa réforme de l’ISF au profit des plus aisés !

C’est pour l’ensemble de ces raisons que le groupe socialiste n’a pas souhaité voter cette Règle d’Or dans l’immédiat. Pourtant, nous avons tous conscience que des réformes vont devoir être menées dans les années à venir. Maitriser la dette publique est une priorité absolue, d’autant plus dans un tel contexte d’instabilité financière. Seulement, ces réformes ne doivent pas peser systématiquement sur les mêmes, de surcroît quand ce sont les plus modestes. Il est plus que temps de procéder à un changement profond de notre politique budgétaire et fiscale dans le sens de l’intérêt général et non dans celui d’une poignée de privilégiés.

Il apparaît donc normal et logique que cette Règle d’Or fasse l’objet d’un véritable débat de fond dans le cadre de la campagne des présidentielles, afin qu’elle s’accompagne d’une vraie réforme de la fiscalité dans son ensemble !