Nicole Bonnefoy : Au Sénat, avec audace

31 décembre 2014 | Actualités / Sénat

31/12/14 | Article Sud Ouest

Au Sénat, avec audace

Réélue sénatrice sans coup férir dès le premier tour, l’élue socialiste du canton de Mansle a imposé son style. Nicole Bonnefoy croit à la valeur du travail et veut bousculer les habitudes.

Le 28 septembre, Nicole Bonnefoy est réélue sénatrice de la Charente dès le premier tour. Photo : A. Lacaud
Le 28 septembre, Nicole Bonnefoy est réélue sénatrice de la Charente dès le premier tour. Photo : A. Lacaud

Nicole Bonnefoy déteste l’immobilisme. Pour l’élue socialiste charentaise, ce n’est pas parce que la crise douche le moral des Français et incite à la prudence maladive que les politiques doivent mettre leur capacité d’action en berne. Audace et travail… Les mots reviennent sans cesse tout au long de l’entretien accordé dans la permanence de Mansle, entre deux dossiers à gérer.

En six ans, Nicole Bonnefoy a imposé son style. En septembre, déjouant les mauvais augures, elle est réélue sénatrice dès le premier tour, quand le président du Conseil général Michel Boutant doit attendre le second… Une mini-secousse politique qui conforte l’élue mansloise. Pour Nicole Bonnefoy, les habitudes existent pour être bousculées. Elle n’hésite d’ailleurs pas à évoquer illico la question taboue de la succession de Michel Boutant à la présidence du Conseil général, quitte à chagriner son propre camp. Heureuse de voir les femmes débouler en force au Département, candidate à sa succession en mars, la sénatrice attaque 2015 avec l’envie de garder la Charente à gauche. Et le combat ne l’effraie pas…

« Sud Ouest ». En 2014, qu’est devenu votre rapport sénatorial sur les risques des pesticides pour la santé ?

Nicole Bonnefoy. J’ai remis ce rapport en 2012. Pendant deux ans, il a fallu se battre pour qu’il ne devienne pas un document sans lendemain. Et, en 2014, j’ai profité de projets de loi gouvernementaux pour faire adopter des amendements inspirés des recommandations du rapport. Par exemple, la loi de finances donne à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) des moyens pour assumer de nouvelles missions. Nous avons créé une ressource pour cela, une taxation sur les volumes de phytosanitaires produits. Le projet de loi agricole, adopté à l’automne, contient d’autres recommandations du rapport qui changent la donne.

Doit-on aller plus loin en matière de limitation des produits phytosanitaires ?

Évidemment. Les firmes doivent proposer des alternatives moins polluantes. Elles en ont les moyens, elles engrangent des milliards de bénéfices. Il nous faut sortir de ce cercle vicieux dont les agriculteurs sont les principales victimes. Maladies professionnelles, pollution des eaux et des sols… Au final, le prix à payer est lourd !

Je suis consciente que l’on ne va pas passer d’un modèle agricole à l’autre en cinq minutes, mais j’observe que des pratiques intelligentes naissent sur le terrain. Comme, ici, en Charente, avec le regroupement d’éleveurs et viticulteurs au sein d’une entente (l’AEVE 16) pour une agriculture raisonnée… Il faut encourager ce genre d’initiative.

En 2014, les grands électeurs vous reconduisent au Sénat dès le premier tour…

En 2008, je n’avais rien à perdre. En 2014, j’ai intégré le fait que je pouvais perdre, mais j’étais en accord avec moi-même. Parce que pendant six ans, je pense avoir fourni le maximum. J’ai beaucoup travaillé, j’ai été réactive et active, j’ai installé une relation simple et vraie avec les élus charentais… Au fond, j’avais confiance mais je me protégeais en me préparant à la défaite.

La droite avait repris du poil de la bête aux municipales de 2013. Cela aurait pu vous nuire…

Certains me disaient que je serais battue… Enfin, ils disaient plutôt : « ça va être difficile ». Bref, les maths étaient contre moi [rires]. On se basait sur un vieux schéma selon lequel il est plus facile d’être élu sénateur quand on est un homme et que l’on préside le Conseil général ou l’association des maires du département.

Mon élection est atypique de ce point de vue. Pourquoi ? Parce que je crois sincèrement que les choses ont changé. Les grands électeurs ont fait mentir la logique et dépassé les clivages, ce qui est une preuve d’intelligence. Le poids du travail et de la confiance a pris le pas sur le poids de la notabilité.

2015, c’est l’année du grand renouvellement au département…

Oui, ne serait-ce que parce que les femmes occuperont la moitié des sièges. En 2008, quand j’ai été élue, nous n’étions que trois. Aujourd’hui, nous sommes cinq sur trente-cinq. L’institution souffre de ce déséquilibre. Les femmes peuvent apporter leur savoir, leur sensibilité propre et leur capacité de travail…

Le mode de scrutin induit un autre changement : même s’ils sont rattachés à un territoire, les conseillers départementaux seront d’abord les représentants du département dans sa globalité. Pour moi, c’est la fin des baronnies locales. Et je sais de quoi je parle puisqu’en 2008, j’ai battu Michel Harmand qui cumulait, depuis trois décennies mairie, présidence de syndicat, vice-présidence du Conseil général, etc. Ce temps est aujourd’hui révolu : les citoyens veulent des élus qui bossent, disent la vérité, en restant dynamiques, volontaires et ambitieux.

En demandant du changement dans l’exécutif du département, vous avez créé quelques remous…

D’abord, j’espère qu’aux lendemains des élections de mars, nous aurons une majorité de gauche. Nous n’avons pas à rougir de ce qui a été fait depuis 2004, en matière d’investissement, de maîtrise de la dette, etc. De son côté, l’opposition a passé son temps à dénigrer et je crains qu’elle base sa campagne uniquement sur cela alors que les Charentais ont besoin de hauteur.

Ensuite, je crois effectivement que le renouvellement passera par un nouvel exécutif… Pour ce qui est du président, si nous sommes élus et que nous avons la majorité, on verra bien si Michel Boutant se représente. Il le peut, il n’a pas démérité et la loi le lui permet jusqu’en 2017. Je remarque simplement que diriger un Département, une Agglomération ou une Ville, cela demande du travail au quotidien et toujours plus de disponibilité… C’est encore plus vrai quand, à l’heure de la réforme régionale, on a l’ambition de mener une politique audacieuse. […] Article Sud Ouest