Proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de l’État et à l’indemnisation des victimes du chlordécone

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, suivant la rapporteure Nadège Havet, a examiné, le 2 avril 2025, la proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l’État et à indemniser les victimes du chlordécone, présentée par Dominique Théophile et plusieurs de ses collègues.
Cette initiative s’inscrit dans la continuité d’une dizaine de travaux parlementaires1 (législatif et de contrôle) engagés depuis 2005 qui démontrent que cette pollution dévastatrice est un sujet de vive préoccupation pour le législateur.
Ce texte procède d’une louable intention de reconnaître le lourd préjudice sanitaire et écologique causé par le chlordécone, en admettant la responsabilité pour faute de l’État et en proposant d’indemniser largement les populations des Antilles françaises. La reconnaissance officielle et solennelle de l’insuffisante vigilance de l’État dans ses missions de police sanitaire, qui a permis l’utilisation du chlordécone entre 1972 et 1993 en Guadeloupe et Martinique, répond légitimement à une forte attente de la population.
Plusieurs fragilités juridiques du texte portant sur les critères proposés pour l’indemnisation des populations exposées au chlordécone expliquent cependant les réserves de la commission : ces critères ne correspondent pas au consensus scientifique international et divergent significativement du champ d’ouverture de la réparation des préjudices établi par la récente décision de la cour administrative d’appel de Paris. Élargir le champ de l’indemnisation, au-delà des certitudes scientifiques, reviendrait à légiférer à l’aveugle dans un domaine éminemment sensible.
Soucieux de la lisibilité des normes qu’il établit, le législateur s’est en effet toujours adossé, que ce soit pour les victimes de l’amiante ou des essais nucléaires, sur des données incontestables. Un élargissement des critères d’indemnisation, éloigné de la position d’équilibre dégagée par les juridictions qui reconnaissent la part de responsabilité de l’État, pourrait affaiblir la cohérence et l’efficacité de la réponse publique.
En outre, pour la commission, la création d’une autorité administrative indépendante — le comité d’indemnisation des victimes du chlordécone (Civic) — reviendrait à consacrer un exceptionnalisme concurrent du régime général d’indemnisation des victimes de pesticides mis en place par le législateur en 2020. Instaurer un mécanisme d’indemnisation sui generis, alors même que le fonds
d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) poursuit sa montée en puissance, porterait atteinte à l’objectif de simplification et de lisibilité de l’action publique.
Ces raisons justifient que la commission, à regret, n’ait pas adopté de texte. En conséquence, la discussion en séance publique portera sur le texte initial de la proposition.