Proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local – Courrier aux élus de la Charente

18 mars 2024 | Actualités / Sénat

Madame le Maire,
Monsieur le Maire,

Les travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales ont permis de bâtir une proposition de loi trans-partisane portant création d’un statut de l’élu local. Ce texte, dont je suis signataire, comme l’ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe socialiste, écologiste et républicain, a été adopté à l’unanimité, le jeudi 7 mars, au terme d’une semaine de débats.

Cette proposition de loi vise à répondre à la crise démocratique qui se traduit par des démissions de maires et conseillers municipaux : depuis 2020, en moyenne, un maire démissionne chaque jour. Cette crise des vocations menace le cœur même de notre système démocratique. C’est aussi une crise de représentativité. Permettre à quiconque, indépendamment de ses origines sociales, de sa profession et de son âge, de se porter candidat à une élection politique est une exigence démocratique.

Face à l’urgence d’agir, la proposition de loi couvre un large périmètre : reconnaître et encourager l’engagement local, améliorer les conditions d’exercice du mandat, faciliter la conciliation du mandat avec la vie professionnelle ou personnelle, sans oublier sécuriser la sortie du mandat, étape souvent marquante, parfois subie, dans la vie d’un élu.

Par ce courrier, je souhaite vous présenter les principales mesures adoptées, parmi la trentaine que compte ce texte. 

  1. Réévaluation du régime indemnitaire des maires et des adjoints

En premier lieu, le régime indemnitaire des maires et des adjoints est réévalué à hauteur de +10%, pour reconnaître leur engagement à sa juste valeur, mais aussi pour compenser l’accélération de l’inflation.
Entre le 1er juillet 2020 et le 1er juillet 2023, les indemnités des maires ont en moyenne progressé de 5,1 % – en raison du dégel du point d’indice de la fonction publique – alors que, sur la même période, l’inflation s’est élevée à 8 %.
Pour mieux indemniser les adjoints au maire et les membres de délégation spéciale faisant fonction d’adjoint au maire, le montant de l’indemnité est par principe fixé au maximum légal, sauf délibération contraire du conseil municipal. La généralisation de ce mécanisme à l’ensemble de l’exécutif permet d’écarter des débats polémiques injustes sur les indemnités des élus.
En outre, le mode de calcul de l’enveloppe indemnitaire globale est modifié : celle-ci sera désormais calculée sur la base du nombre maximal théorique d’adjoints que le conseil municipal peut désigner, et non plus sur le seul nombre d’adjoints exerçant effectivement ces fonctions. Cela accorde de la souplesse, tout en permettant de mieux rémunérer des conseillers municipaux exerçant plus de responsabilité.
Parce que ces mesures font peser des charges supplémentaires sur les communes, nous avons prévu d’étendre le bénéfice de la DPEL (dotation particulière « élu local ») à l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants. Je veillerai à ce que cette mesure soit traduite dans la loi de finances pour 2025.
Enfin, parce que l’engagement local n’est pas sans conséquence sur la vie professionnelle et donc sur les droits à la retraite, les élus locaux qui sont membres d’un exécutif et les conseillers avec délégation de fonction pourront bénéficient d’une bonification d’un trimestre supplémentaire par mandat complet.

  • 2. Conciliation entre le mandat et la vie professionnelle

En deuxième lieu, le texte prévoit une série de mesures destinées à faciliter l’engagement local. Aujourd’hui de nombreux citoyens renoncent à s’engager dans la vie locale, faute de compatibilité avec leur vie professionnelle.
Ainsi, les droits des salariés ont été renforcés :
> en portant à vingt le nombre maximum de jours d’autorisation d’absence dont peut bénéficier un candidat à une élection locale au titre du congé électif ;
> en élargissant le champ des autorisations d’absence aux réunions organisées par l’intercommunalité, le département ou la région lorsqu’un conseiller municipal a été désigné pour y représenter la commune, pour les missions accomplies dans le cadre d’un mandat spécial, et enfin pour les cérémonies publiques.
> en rehaussant le plafond de remboursement des pertes de revenus subies pour absences légales par les conseillers municipaux ne bénéficiant pas d’indemnités de fonction à deux fois le SMIC.
> en assimilant le temps d’absence des élus municipaux lorsqu’ils sont salariés à une durée de travail effective pour l’octroi des avantages sociaux.
Pour assurer une plus grande représentativité des élus locaux, un statut de l’élu étudiant est instauré comprenant des aménagements spécifiques dans l’organisation et le déroulement de la scolarité et dans le remboursement de leurs frais de déplacement.
Le mandat des élus locaux handicapés est facilité avec notamment l’obligation pour la collectivité de prendre en charge les frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique.

  • 3. Conciliation entre le mandat et la vie personnelle

En troisième lieu, dans la même optique que précédemment, plusieurs mesures visent à concilier mandat et vie personnelle :
> possibilité d’élargir le champ des réunions qui permettent le remboursement pour frais de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées ou handicapées. Ces coûts seront compensés par l’État pour les communes de moins de 10 000 habitants, contre celles de 3 500 actuellement.
> pour répondre aux difficultés rencontrées par les maires, qui ont fait le choix de cesser temporairement d’exercer leurs fonctions pendant un congé maternité, paternité ou d’adoption, il sera possible de cumuler des indemnités journalières et des indemnités de fonction ; ou de percevoir une indemnité de fonction différentielle pour l’élu sans activité professionnelle.

  • 4. Protection des élus

En quatrième lieu, des dispositions portent sur la protection des élus :
> pour limiter les risques pénaux et prendre en compte l’appréciation de la chambre criminelle de la cour de cassation, le texte clarifie la prise illégale d’intérêt. Les intérêts publics sont exclus des intérêts susceptibles de constituer une infraction.
> l’octroi automatique de la protection fonctionnelle est étendu à tous les élus locaux victimes de violences, d’outrages ou de menaces, et non pas aux seuls exécutifs locaux comme le prévoit la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux récemment votée.

  • 5. Sortie du mandat

En dernier lieu, des mesures sont destinées à faciliter et sécuriser la période de l’après-mandat. Des dispositifs existent déjà mais ils sont trop peu mobilisés par les élus locaux, notamment par méconnaissance.
Les élus doivent pouvoir valoriser les compétences acquises au cours de leur mandat pour faciliter leur retour à l’emploi. Dans cette optique, le texte prévoit plusieurs mesures :
> l’automaticité pour un maire ou un adjoint la démarche de validation des acquis de l’expérience (VAE) ou de bilan de compétences, y compris avant l’échéance du mandat.
> la création d’un système de certification des compétences.
Sur le volet financier, l’indemnité différentielle de fin de mandat (ADFM) est insuffisamment mobilisée. Désormais, obligation sera faite au préfet d’informer les élus concernés de leur droit de bénéficier de cette aide par ailleurs étendue à l’ensemble des maires et adjoints.


Sur l’ensemble de ces sujets, j’aurais souhaité que nous puissions aller plus loin, en faisant bénéficier les élus locaux qui exercent une activité professionnelle du statut de salarié protégé, ou encore en permettant aux conseillers municipaux qui ont accompli deux mandats complets, de bénéficier d’une voie d’accès simplifiée aux fonctions de secrétaire de mairie pour leur permettre de poursuivre leur engagement et répondre à la pénurie que connait ce métier.

Il n’en demeure pas moins que l’adoption de ce texte par le Sénat marque une étape utile et positive pour marquer la reconnaissance que nous devons aux élus locaux qui s’engagent au quotidien dans chacune de nos quelques 35 000 communes.

A court terme, je souhaite que ce texte poursuive sa route à l’Assemblée nationale dans les meilleurs délais.

A plus long terme, j’ai la conviction que ces travaux devront se prolonger, avec la création d’un véritable statut de l’élu local. La création d’un statut d’agent civique territorial pour les membres des exécutifs qui exercent leur mandat à temps plein est une idée qui fait aujourd’hui son chemin.

Je suis profondément convaincue qu’un tel statut serait de nature à répondre à beaucoup des enjeux et difficultés auxquels sont confrontés les maires et les adjoints dans le cadre de leur mandat. En tout état de cause, c’est un débat qu’il nous faudra mener, car il en va de la vitalité de notre démocratie et de la reconnaissance que nous devons à ceux qui la font vivre.

Je vous de croire, Madame le Maire, Monsieur le Maire, en l’assurance de ma sincère considération.

                                                            Nicole BONNEFOY