Lettre aux Maires de la Charente concernant le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique

28 octobre 2019 | Actualités / Charente

28/10/19 | Courrier de Nicole Bonnefoy

Lettre aux Maires de la Charente concernant le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique

Madame le Maire, Monsieur le Maire,

Le Sénat a achevé, après deux semaines d’examen, la discussion du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Je souhaite par ce courrier vous faire connaitre mon analyse de ce texte, ainsi que les propositions que mes collègues et moi-même avons formulées au cours des débats.

Après un début de quinquennat marqué par de l’indifférence, et parfois même de la défiance à l’endroit des élus locaux, le gouvernement a décidé de se saisir des enjeux liés à la démocratie locale.

Je me réjouis qu’il ait compris que ceux qui font aujourd’hui tenir la République et assurent la cohésion sociale, ce sont les maires, leurs équipes et les politiques de proximité qu’ils mettent en œuvre.

Ce projet de loi était attendu. Les annonces qui l’ont précédé étaient particulièrement ambitieuses.

Le texte présenté par le gouvernement propose des améliorations des conditions d’exercice du mandat local. Il a quelques vertus, j’y reviendrai, mais il s’agit avant tout d’un texte correctif à défaut d’être structurant. Il mettra certes fin à des difficultés du quotidien pour les élus de la République, mais il est loin de résoudre toutes les difficultés.

Le projet de loi du gouvernement comptait 33 articles. A l’issue de son examen au Sénat, il en compte désormais plus de 120.
La multiplication par quatre du volume du texte dit bien les manques du texte du gouvernement.

De nombreux sujets n’étaient pas traités ou alors imparfaitement, notamment sur son volet « engagement », dont on nous avait pourtant dit qu’il était la première priorité.

Dans sa version initiale, le texte se limitait à quelques mesures pratiques que j’ai soutenues : sur l’information des conseillers municipaux non conseillers communautaires, la prise en charge des frais de garde ou de déplacement, ou encore la protection fonctionnelle.

Ces quelques mesures positives ne peuvent néanmoins masquer l’absence d’ambition globale pour lever les freins qui brident l’engagement, permettre une meilleure conciliation du mandat avec la vie professionnelle, et faciliter le retour dans la vie active ou l’accès à la retraite à l’issue du mandat.

Chaque mesure utile à améliorer la gouvernance des communes et des intercommunalités, à simplifier le quotidien des élus, à renforcer leurs droits, je l’ai soutenue.

Mais surtout, sur la base de mon expérience d’élue locale, et des échanges que j’ai eus avec les maires, adjoints, conseillers municipaux ou intercommunaux de notre territoire, j’ai déposé avec mon groupe un grand nombre d’amendements pour enrichir ce texte. Nombre d’entre eux ont été adoptés par le Sénat.

C’est notamment le cas des conférences des maires, pour lesquelles le Sénat a décidé, sur la proposition de mon groupe, qu’elles soient la règle commune dans toutes les intercommunalités dès lors que tous les maires ne siègent pas au bureau. La place des maires au sein des intercommunalités, est pour nous un enjeu démocratique majeur. Une meilleure association de chacun d’entre eux est la condition essentielle de la réussite du projet communautaire.

Dans la même idée, nous avons proposé d’assouplir le régime de l’accord local de répartition des sièges au sein des conseils communautaires, ce que le Sénat a adopté. Malheureusement, notre amendement visant à renforcer la place des petites et moyennes communes au sein des conseils communautaires a été rejeté par les sénateurs de droite et le gouvernement, ce que je regrette vivement.

Concernant le périmètre des intercommunalités, le texte du gouvernement proposait la suppression de l’obligation de réviser tous les six ans les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI). Nous avons soutenu cette suppression, d’autant qu’elle reprenait une proposition du Sénat. Mais il nous a semblé qu’il fallait aller plus loin, en confiant aux élus locaux, via la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), un pouvoir d’initiative de révision du schéma. Cette mesure a été adoptée le Sénat.

En matière de compétences, nous avons soutenu la proposition du gouvernement visant à permettre une délégation partielle de compétences entre collectivités territoriales. En revanche, nous nous sommes opposés à ce qu’un EPCI puisse transférer au département ou à la région tout ou partie d’une compétence qui lui aura été transférée par ses communes. Cette mesure, proposée par le groupe des sénateurs de droite, pourrait demain autoriser que des compétences du bloc communal soit transférées au département ou à la région sans l’accord préalable des communes.

Enfin, je me réjouis que le Sénat ait adopté notre proposition de généraliser la tarification sociale de l’eau. Si le gouvernement a soutenu notre amendement, il lui appartient désormais de clarifier sa participation au financement de cette mesure.

Concernant les pouvoirs de police du maire, nous sommes rentrés dans les débats sans préjugé. Nous avons des doutes sur le fait de donner toujours plus de responsabilités aux maires car ceux-ci se trouvent alors en première ligne, parfois seuls, et sans les moyens nécessaires. Nous avons néanmoins soutenu les mesures proposées qui permettront aux maires de faire fermer un débit de boisson en cas de troubles à l’ordre public ou de mettre en demeure, sous astreinte, un maitre d’ouvrage de régulariser la réalisation irrégulière de travaux de construction ou d’aménagement.

Le Sénat a adopté plusieurs de nos propositions en matière de pouvoir de police du maire. Par notre action, la lutte contre l’affichage sauvage sera rendue plus efficace par l’abaissement à 5 jours contre 15 aujourd’hui des délais d’exécution des arrêtés des maires. La lutte contre les locations qui vident les centres-villes de leurs habitants sera renforcée en permettant aux communes de délibérer pour encadrer, dans une fourchette entre 60 et 120, le nombre de nuitées autorisées à la location pour les meublés de tourisme type Airbnb.

Enfin, au-delà de ces mesures sectorielles, nous avons proposé, et obtenu, que le chef de la circonscription de sécurité publique vienne rendre compte chaque année, devant le conseil municipal, de l’action de l’État en matière de sécurité et de prévention de la délinquance.

En matière d’engagement, je suis fière que les enjeux de parité et d’inclusion des personnes en situation de handicap dans la vie locale, absents du texte du gouvernement, aient été mis au débat à l’initiative des sénatrices et sénateurs socialistes.

Les deux mesures qui renforcent l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats sont issues de nos propositions. Elles prévoient que dans les communes de plus de 1.000 habitants, les listes de candidats aux fonctions d’adjoints seront composées alternativement de femmes et d’hommes et que, dans les EPCI, la proportion de femmes et d’hommes parmi les vice-présidents sera égale à celle qui est constatée au sein du conseil communautaire.

Concernant les élus en situation de handicap, les conseillers communautaires pourront désormais se faire rembourser leurs frais spécifiques de déplacement et d’accompagnement, comme cela est déjà prévu pour les conseillers municipaux. Dans le même esprit, le Sénat a proposé que les personnes en situation de handicap puissent cumuler leurs indemnités de fonction avec l’AAH (Allocation adulte handicapé), ce que nous avons évidemment soutenu.

Pour simplifier le fonctionnement des communes, consolider la démocratie locale et renforcer les droits des élus, nous avons formulé de nombreuses propositions que le Sénat a adoptées :
• L’élection du maire sera désormais possible en dépit d’une incomplétude du conseil jusqu’à 10% de ses membres et l’obligation d’un effectif complet du conseil municipal pour élire le maire dans l’année qui précède un renouvellement général est assouplie.
• Tous les adjoints qui sont salariés, sans restriction quant à la taille de la commune, pourront désormais bénéficier des dispositions du code du travail concernant le droit à la suspension du contrat de travail et du droit à réintégration dans leur emploi à l’issue du mandat.
• Les élus ayant reçu délégation, quelle que soit la taille de la commune, bénéficieront d’une formation au cours de la première année de mandat.
• Les droits des élus minoritaires seront renforcés avec une séance de questions orales au moins tous les six mois.

Enfin, s’agissant de la revalorisation des indemnités, si l’objectif fait consensus, il nous a semblé que la proposition du gouvernement était mal pensée. La revalorisation s’appliquait aux seules communes de moins de 1.000 habitants et dans une proportion sans rapport avec leurs capacités budgétaires.

Pour un coût identique, le groupe socialiste a proposé un dispositif alternatif à la fois plus large et plus progressif : +50% pour les communes jusqu’à 1.000 habitants et +20% pour les communes jusqu’à 100.000 habitants.

Le Sénat a opté pour une solution intermédiaire en étendant la revalorisation aux communes jusqu’à 3.500 habitants. Nous avons soutenu cette option qui améliore le texte initial, même si comme tout compromis, elle ne répond qu’imparfaitement à la problématique car elle ne règle pas la question dans les villes moyennes.

Toujours sur notre proposition, le Sénat a adopté deux mesures complémentaires en matière indemnitaire. D’une part pour prévoir que les élus qui cessent totalement ou partiellement leur activité professionnelle pour exercer leur mandat pourront bénéficier d’une majoration de leur indemnité dans la limite de l’enveloppe. D’autre part, pour maintenir les indemnités des présidents et vice-présidents des syndicats dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI.

Toutes ces mesures n’épuisent évidemment pas le champ des améliorations nécessaires pour renforcer la démocratie locale. Mais elles ont à l’évidence permis d’enrichir un texte dont le contenu nous apparaissait trop faible.

Dès lors, afin de soutenir les élus de nos territoires à la hauteur de l’investissement qu’ils consacrent à nos concitoyens et à leurs mandats, j’ai logiquement voté en faveur de ce texte, certes imparfait, mais qui a le mérite d’améliorer leur quotidien.

Je forme le vœu que l’Assemblée nationale, qui examinera à son tour de ce texte dans les prochaines semaines, saura conforter ces avancées.

Pour ce qui me concerne, je ne manquerai pas de vous tenir informé(e) de l’avancée des travaux parlementaires.

Restant à votre disposition, je vous prie de croire, Madame le Maire, Monsieur le Maire, à l’assurance de mes sentiments distingués.

Nicole BONNEFOY

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