La notion de préjudice écologique bientôt intégrée dans le code civil

21 mai 2013 | Actualités / Sénat

[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy  du 21/05/13 ]

La notion de préjudice écologique bientôt intégrée dans le code civil

En décembre 1999, l’Erika faisait naufrage aux larges des côtes bretonnes, libérant ainsi 18 tonnes de fioul et 8 tonnes de produits cancérigènes dans l’océan. Après 11 années de procès, et une décision de justice historique le 25 septembre 2012, la Cour de cassation a condamné la société Total à une amende de 375.000 euros et à 200 millions d’euros de dommages et intérêts à verser à l’État, aux collectivités territoriales et aux associations agrées de l’environnement.

Au cours de ce procès, différents jugements sont venu reconnaître le principe du préjudice écologique et, en conséquence, la nécessité de réparer une faute commise à l’encontre de l’environnement.

Pourtant, cette notion de « préjudice écologique » ne trouve aujourd’hui aucun fondement juridique clair. C’est pourquoi, de nombreuses voix s’élèvent depuis plusieurs années pour que ce vide juridique soit comblé et que cette jurisprudence soit inscrite dans le code civil.

C’est ainsi que le 16 mai 2013, le Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de loi visant inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil.

Ce texte prévoit que :

• toute personne qui cause un dommage à l’environnement est tenue de le réparer ;
• cette réparation doit se faire prioritairement en nature mais, lorsque cela n’est pas possible, elle peut se traduire par une compensation financière ;
• les dépenses utilement engagées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, en éviter l’aggravation, ou en réduire les conséquences, peuvent donner lieu au versement de dommages et intérêts.

Responsable du suivi de cette proposition de loi pour le groupe socialiste, j’ai défendu dans l’hémicycle son bien-fondé et sa nécessité. Il est en effet inacceptable de constater que lorsqu’il est question de notre bien commun le plus cher, à savoir notre environnement, une certaine impunité existe.

Lors de mon intervention à la tribune du Sénat, j’ai illustré l’intérêt de la portée de ce texte à travers les observations que j’ai pu faire dans le cadre de mon rapport d’information sénatorial sur les pesticides.

En effet, la dangerosité des produits phytosanitaires est très loin d’être reconnue à sa juste hauteur et leurs impacts sur l’environnement commencent seulement à être reconnus et considérés. Mon engagement sur ce sujet me pousse donc à être particulièrement attachée à la reconnaissance d’un régime de responsabilité visant à sanctionner les auteurs d’infractions, d’erreurs ou d’imprudences ayant eu des conséquences néfastes sur les hommes mais aussi, sur la nature.

Lors des débats, un consensus est très vite apparu sur la légitimité d’une telle proposition de loi. Les parlementaires de tous les bords politiques ont souligné sa pertinence et son adoption à l’unanimité est un message fort. Il faut désormais attendre l’examen de ce texte par les députés pour qu’il entre en vigueur.

Cependant, le Gouvernement, par la voix de Madame la Garde des Sceaux, a déjà annoncé qu’il souhaitait intégrer le préjudice écologique dans le code civil. Un groupe de travail a été constitué à cet effet, et une grande réforme viendra l’intégrer.

Ces volontés communes nous assurent donc de la reconnaissance juridique prochaine de cette notion de préjudice écologique. Ce serait un grand pas en avant dans la responsabilisation des personnes, morales comme physiques, et la lutte contre les comportements dangereux, irresponsables et irréfléchis.

En savoir + :

Compte-rendu : Intervention en séance publique : Préjudice écologique
Proposition de loi visant à inscrire la notion de dommage causé à l’environnement dans le code civil
Dossier législatif : Préjudice écologique