Projet de loi pour le plein emploi : le Gouvernement s’attaque aux pauvres mais pas à la pauvreté !

Le 7 juin 2023, le ministre du Travail Olivier Dussopt a déposé devant le Sénat le projet de loi « Plein Emploi ». Loin d’une reforme claire et structurante, cette loi vient renforcer un système qui cherche à invisibiliser les personnes les plus éloignées de l’emploi.
Si je peux rejoindre le gouvernement sur le constat que les politiques d’insertion ne sont pas à la hauteur des attentes des Françaises et des Français, je veux rappeler que les droits à l’origine des prestations sociales ne doivent pas être remis en cause au risque de d’amoindrir notre République démocratique et sociale. À l’heure où plus de 10 millions de Français sont au-dessous du seuil de pauvreté, il est dangereux de fragiliser les plus vulnérables et d’amplifier les tensions de la société.
Sans surprise, la droite sénatoriale suivie par les centristes a adopté ce projet de loi gouvernemental validant ainsi une vision extrêmement réductrice de l’accompagnement vers l’emploi axée sur les devoirs et actant du même coup ce qu’il faut bien appeler une nouvelle chasse aux pauvres.
Seul apport que nous pouvons saluer, le texte projetait de changer le nom de Pôle emploi pour « France Travail » avant que le Sénat ne supprime cette modification cosmétique, floue et inutile.
Toutefois, le Sénat a maintenu l’inscription automatique de l’ensemble des allocataires du RSA et de leurs conjoints sans leur consentement sur la liste des demandeurs d’emploi, mais aussi celle des jeunes accompagnés par les missions locales et des personnes handicapées en insertion professionnelle.
En décalage complet avec les réalités que vivent tant les acteurs de l’insertion que les personnes accompagnées, les sénateurs de droite et du centre ont exaucé le souhait du Gouvernement en imposant à tous les demandeurs d’emploi une durée hebdomadaire d’activité d’au moins quinze heures sans autre forme de précision.
Cette nouvelle obligation s’inscrit dans le cadre d’un « contrat d’engagement » signé entre le demandeur d’emploi et l’organisme qui l’accompagne (Pôle emploi, Département, Missions locales, etc.). Sans mention de la liberté de négocier les clauses de ce contrat, les demandeurs d’emploi risquent d’être contraints par la machine administrative à être privés de leurs droits au chômage ou au RSA.
De plus, le texte adopté augmente davantage la pression faite sur les demandeurs d’emploi et sur les allocataires du RSA. Pour le Gouvernement, les logiques de gestion de flux priment sur l’accompagnement humain : il y a ceux qui cherchent un emploi et ceux qui en offrent, il suffirait de leur faire se rencontrer comme on « traverse la rue ». La prise en compte des aspirations des individus est réduite dans l’accompagnement vers l’emploi et de l’insertion sociale, et fait place au répressif. Les nouvelles sanctions prévues par ce projet de loi vont mécaniquement accroître le non-recours aux aides auxquelles ont droit nos concitoyens les plus précaires. En bref, tous les risques sociaux sont pris pour faire disparaître le maximum de personnes des statistiques du chômage. Cette loi sera donc celle de l’affichage.
Malgré un travail important de mon groupe parlementaire au Sénat et les amendements que j’ai déposés sur le texte, la stratégie de la droite et du centre du Sénat n’a pas laissé de place à l’opposition pour modifier en profondeur un texte qui s’annonce désastreux pour notre système de protection sociale.