Courrier aux Maires de Charente – Proposition de loi Statut de l’élu local

29 octobre 2025 | Actualités / Sénat

Madame le Maire, Monsieur le Maire,

L’examen de la proposition de loi visant à créer un statut de l’élu local vient de franchir une étape décisive avec son adoption par le Sénat en seconde lecture.

Cette proposition de loi, fruit d’un travail transpartisan, a été améliorée et enrichie au cours de son examen avec le souci constant de mieux reconnaître, mieux protéger, mieux accompagner l’engagement local et d’assurer aux maires et plus largement aux élus locaux un cadre plus adapté aux enjeux et contraintes de leur mandat.

Ce texte a vocation à apporter des réponses concrètes et immédiatement opérationnelles pour encourager l’engagement local, faciliter la conciliation entre le mandat d’élu et la vie professionnelle ou personnelle, améliorer les conditions d’exercice du mandat, sans oublier la sortie du mandat, étape souvent marquante, parfois subie, dans la vie d’un élu. Certes, il ne réglera pas toutes les difficultés que vous rencontrez mais c’est une étape importante.

Nous ne sommes pas encore arrivés au terme de l’examen de ce texte puisqu’il faut encore que l’Assemblée nationale l’adopte à son tour en seconde lecture. Pour autant, sans attendre son adoption définitive, ce texte comprend de nombreuses mesures sur lesquelles le Sénat et l’Assemblée nationale se sont mis d’accord et que je souhaite vous présenter dès à présent.

1. Une revalorisation des indemnités de fonction des maires et des adjoints.

Les indemnités de fonction seront rehaussées pour les communes jusqu’à 20.000 habitants. Il a été prévu une revalorisation dégressive qui bénéficie prioritairement aux plus petites communes : +10 % pour les communes de moins de 1.000 habitants, +8 % pour les communes entre 1.000 et 3.500 habitants, +6 % pour celles entre 3.500 et 10.000 habitants et enfin +4 % pour les communes entre 10.000 et 20.000 habitants. Je n’ignore pas que ce sujet des indemnités peut être mal compris ou mal vécu par certains de nos concitoyens, mais j’assume de dire que la démocratie locale a un coût et que l’indemnité n’est pas un privilège mais la juste reconnaissance de l’engagement des élus locaux et la condition d’un accès pour tous à l’exercice d’un mandat.

2. Le remboursement obligatoire des frais engagés par les élus locaux pour l’exercice de leur mandat.

Le remboursement des frais de transport et de séjour que les élus locaux engagent lorsqu’ils représentent leur collectivité ès qualités sera désormais automatique. Pour les élus en situation de handicap, les frais de déplacement, d’accompagnement et d’aide de toute nature qui sont liés à l’exercice de leur mandat leur seront également remboursés.

3. L’extension de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux (DPEL) aux communes jusqu’à 3.500 habitants.

Que ce soit la revalorisation des indemnités ou l’amélioration de la prise en charge des frais engagés pour l’exercice du mandat, nous avons prévu que les communes jusqu’à 3.500 habitants seront compensées du coût de ces mesures par le biais de la dotation particulière « élu local » (DPEL). Cette compensation devra être traduite financièrement dans le projet de loi de finances pour 2026. Avec mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, nous y veillerons quand nous serons saisis du projet de budget pour 2026.

4. Une majoration de la durée d’assurance retraite.

Le texte prévoit d’accorder aux élus locaux exerçant des fonctions exécutives ou titulaires d’une délégation de fonctions une majoration de leur durée d’assurance retraite d’un trimestre pour chaque mandat complet effectué, dans la limite de trois trimestres supplémentaires.

Avec mon groupe, nous avons défendu un plafonnement de cette bonification à huit trimestres. De nombreux élus locaux se trouvent contraints de devoir choisir un temps partiel, avec les conséquences négatives que cela peut avoir dans le calcul de leur retraite. Octroyer une bonification pouvant aller jusqu’à huit trimestres me paraissait une juste compensation. Dans le cadre d’une négociation avec le gouvernement et la droite sénatoriale, nous sommes parvenus à ce compromis, moins ambitieux de toute évidence, mais qui n’en demeure pas moins une avancée puisque les élus ne bénéficient aujourd’hui d’aucune bonification.

5. Le possible cumul des indemnités journalières et des indemnités de fonction.

Le texte assouplit les conditions dans lesquelles les élus locaux pourront poursuivre l’exercice de leur mandat durant un arrêt maladie. Alors que les élus locaux doivent aujourd’hui obtenir l’accord formel de leur médecin, ils pourront désormais poursuivre leur mandat sauf avis contraire.

Par ailleurs, il sera désormais possible de poursuivre ses activités d’élu local le temps d’un congé maternité ou paternité et de cumuler pendant cette période les indemnités journalières et les indemnités de fonction. Dans la même logique, les élus locaux qui cesseront temporairement d’exercer leurs fonctions pour accueillir un enfant (congé maternité, paternité ou d’adoption) pourront continuer à percevoir leurs indemnités de fonction.

6. L’extension du champ des autorisations d’absence.

Pour les élus locaux qui cumulent leur mandat et une activité professionnelle, les autorisations d’absence couvriront un champ d’activités plus large.  En plus des réunions du conseil ou des réunions de commissions, tout employeur sera désormais tenu de laisser à son salarié membre d’un conseil municipal le temps nécessaire pour se rendre et participer aux réunions organisées par l’EPCI, le département et la région auxquelles l’élu représente la commune, mais aussi aux commémorations et journées nationales.

Dans le même esprit de mieux concilier l’exercice du mandat et la vie professionnelle, le texte prévoit la création d’un statut d’élu étudiant qui permettra des aménagements dans l’organisation et le déroulement de la scolarité des étudiants titulaires d’un mandat électif.

7. L’extension de l’allocation différentielle de fin de mandat.

Pour aider les élus locaux dans leur reconversion professionnelle une fois leur mandat achevé, l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) versée aux élus qui sont inscrits à France Travail, ou ont repris une activité professionnelle qui leur procure des revenus inférieurs aux indemnités de fonction qu’ils percevaient au titre de leur mandat, sera désormais ouverte à l’ensemble des maires et des adjoints.  Surtout, l’ADFM pourra être versée pendant deux ans, contre un an aujourd’hui, et son montant couvrira 100% de la différence de revenu la première année et 80% de la différence la seconde année.

8. Une clarification de l’infraction de la prise illégale d’intérêts et des conditions dans lesquelles les élus représentant leur collectivité au sein d’organismes extérieurs sont considérés, ou non, comme placés dans une situation de conflits d’intérêts.

L’un des objectifs de ce texte est aussi de sécuriser juridiquement les élus et de faire en sorte qu’ils ne soient pas pénalement ennuyés lorsqu’ils agissent dans l’intérêt public c’est-à-dire dans l’intérêt général. C’est la raison pour laquelle nous avons révisé l’infraction de la prise illégale d’intérêts pour que ce délit soit mieux défini en droit et qu’il serve à la répression des cas avérés d’atteinte à la probité, en évitant que soient mis en cause les élus locaux qui ont agi de bonne foi pour l’intérêt public.

Dans le même objectif, nous avons limité les cas dans lesquels les élus désignés pour représenter une collectivité ou un groupement de collectivités peuvent se trouver en situation de conflit d’intérêts et ce faisant, nous avons assoupli les règles de déport, qui posent régulièrement des difficultés aux élus locaux. Il n’y aura désormais plus d’exigence de déport ni pour les délibérations relatives à l’octroi d’une aide ou d’une garantie financière ni pour celles relatives à la désignation de l’élu en tant que représentant. Seuls seront maintenus les déports pour les délibérations liées à la commande publique. Je crois que sur cette question aussi attendue que complexe un équilibre satisfaisant a été trouvé afin de sécuriser sans déresponsabiliser.

Je vous indique enfin que, toujours dans le souci de garantir la sécurité des élus, le bénéfice de la protection fonctionnelle en cas de violences, de menaces ou d’outrages ne sera plus réservé aux seuls élus locaux exerçant des fonctions exécutives, mais élargi à l’ensemble des élus locaux.

9. La suppression de l’obligation de prestation de serment des maires aux valeurs de la République.

Je terminerai par une mesure que nous avons, fort heureusement, supprimé, qui visait à obliger les maires, au début de chaque mandat, à prendre publiquement l’engagement de respecter les valeurs de la République. Cette mesure qui s’apparentait à une prestation de serment, à laquelle ni les parlementaires, ni les membres du gouvernement, ni même le Président de la République ne sont soumis, était inutilement vexatoire. Elle introduisait une forme de suspicion vis-à-vis des élus en laissant entendre qu’ils ne seraient pas dignes de confiance, alors qu’ils sont – que vous êtes – les premiers garants du lien républicain dans nos communes.

Je me félicite que nous soyons parvenus à retirer cet irritant qui aurait entaché le travail collectif et je crois utile que nous menons depuis le printemps 2024.

Il est incontestable que l’examen de ce texte a été impacté par d’importants retards résultant notamment de la dissolution de juin 2024, mais ce temps n’a pas été du temps perdu. Il a été mis à profit pour bâtir un texte qui répond aux aspirations et aux besoins exprimés par les élus locaux.

Certes ce texte ne crée toujours pas ce que l’on pourrait appeler un véritable statut de l’élu local, comme je l’appelle de mes vœux, mais il pose néanmoins des jalons solides et nécessaires pour y parvenir.

Dans l’immédiat, l’essentiel est qu’il soit rapidement adopté par l’Assemblée nationale – ce sera sans doute après l’examen du budget que nous devons adopter pour le pays – pour qu’il entre en vigueur avant les élections municipales de mars 2026, qui constitueront un rendez-vous démocratique majeur pour nos communes.

Je vous prie de croire, Madame le Maire, Monsieur le Maire, en l’assurance de ma sincère considération.