Des avancées pour notre modèle de sécurité civile

29 septembre 2021 | Actualités / Sénat

Le 23 septembre 2021, le Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

Ce texte s’inscrit dans la lignée des grandes lois de sécurité civile au même titre que celles de 1996 relative aux services d’incendie et de secours ou de 2004 portant modernisation de la sécurité civile.

Des avancées qui font l’unanimité

De nombreuses avancées ont reçu un soutien unanime, signe de l’importance des enjeux mais aussi témoignage de reconnaissance au dévouement de femmes et d’hommes qui donnent de leur temps, et parfois leur vie, pour porter secours à leurs concitoyens. C’est le cas de la clarification du cadre d’intervention des SDIS, notamment l’autorisation de la pratique par les sapeurs-pompiers de gestes de soins d’urgence. C’est également le cas de la promotion à titre exceptionnel pour les sapeurs-pompiers décédés lors de leur service ou ayant commis des actes de bravoure et la création d’une mention « mort pour le service de la République » au bénéfice de personnes appartenant à des corps ou entités habituellement exposées à des situations de danger. L’ouverture du nouveau statut de « pupille de la République » pour leurs orphelins a également été plébiscité même si nous aurions souhaité, mes collègues Sénateurs socialistes et moi-même, que la protection et le soutien matériel et moral apportés aux enfants des sapeurs-pompiers et des personnels de la Sécurité civile soient confiés à l’Œuvre des Pupilles Orphelins de Fonds d’Entraide des Sapeurs-Pompiers de France. Toutefois, l’attribution de l’accompagnement des pupilles de la République à tel ou tel organisme procède davantage d’une convention entre cet organisme et l’État, ce qui ne relève pas du domaine de la loi.

La sécurité des sapeurs-pompiers demeure une préoccupation constante. En dix ans, les agressions envers les sapeurs-pompiers ont augmenté de 213 %. De ce fait, l’alignement des peines encourues pour outrage envers les sapeurs-pompiers sur celles encourues en cas d’outrage adressé à une personne dépositaire de l’autorité́ publique a également été accueilli favorablement. La pérennisation de l’expérimentation des caméras mobiles, dès lors que toutes les garanties sont apportées, y participent également. Il en va de même du dispositif d’anonymat des témoins d’agressions de sapeurs-pompiers et marins-pompiers, reprise d’une proposition de loi de Patrick Kanner et des membres du groupe Socialiste, adoptée par le Sénat en 2019.

Toutes les mesures visant à développer le volontariat ont également été soutenues. Il en va ainsi de la clarification de la notion d’accident de service pour leur meilleure prise en charge par la sécurité́ sociale, de la possibilité ouverte aux sapeurs-pompiers volontaires de bénéficier de dons de jours de congés et de l’adoption d’un dispositif de réduction de cotisations sociales patronales pour les entreprises favorisant l’emploi et la disponibilité́ des sapeurs-pompiers volontaires.

Trois mesures phares demeurent en débat

Il s’agit d’abord du renforcement de l’expérimentation des plateformes communes de réception des appels d’urgence. Le texte initial prévoyait la mise en place du 112 comme numéro d’appel d’urgence unique ainsi que la mutualisation des plateformes de réception des appels d’urgence. Très attendu par les acteurs de la sécurité civile, ce dispositif a, toutefois, soulevé de vives protestations de la part des acteurs de la santé qui y ont vu une remise en cause possible du principe de la régulation médicale et du service d’accès aux soins récemment mis en place.

Le Sénat n’a pas remis en cause son souhait de voir aboutir, à terme, un numéro unique et des plateformes communes. Nous avons néanmoins considéré que les conditions n’étaient, pour l’heure, pas réunies pour la mise en place définitive d’un tel système sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, le principe d’une expérimentation a été conservé avec quelques modifications. La première concerne la prise en compte des associations agréées de sécurité civile dans le dispositif dont elles étaient exclues, et ce malgré le caractère incontournable de leurs actions. La deuxième tend à mettre les présidents des Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS) concernés sur le même plan que le représentant de l’État ou le directeur général de l’agence régionale de santé dans la mise en œuvre et l’évaluation des expérimentations. Enfin, la troisième prévoit que, en cas de succès de l’expérimentation, un référentiel national relatif au fonctionnement des plateformes serait élaboré par l’ensemble des acteurs concernés, dans le respect des prérogatives de chacun. Notons que le Gouvernement devra établir parallèlement le bilan des activités des plateformes communes déjà existantes. En effet, il existe actuellement des plateaux communs dans une vingtaine de départements, qui permettent de réunir SDIS et SAMU. Il serait dont utile que l’expérience de terrain soit bien prise en compte. Cette logique de dialogue et d’échange nous a semblé impérative pour mener à bien un tel projet de mutualisation.

Il s’agit ensuite de l’objectivation des carences ambulancières pour faire cesser les transferts de charges entre l’État et les collectivités. Les carences ambulancières recouvrent les cas où, à la demande des SAMU, les SDIS réalisent des transports sanitaires pour pallier l’absence d’autres moyens, dont ceux des ambulanciers privés. Ces carences sont dénoncées par les acteurs de la sécurité civile car, d’une part, la qualification d’une mission en carence relève principalement de l’appréciation du médecin régulateur du SAMU et, d’autre part, le montant de l’indemnisation des SDIS s’élève à 123 euros par carence alors que le coût moyen qu’ils supportent est estimé entre 450 et 500 euros. En outre, ces créances sont parfois difficilement recouvrées par les SDIS. Le développement de ces carences ajouté à leur mauvais remboursement conduit à un transfert de charges, de fait, entre l’État qui finance les SAMU et les collectivités, au premier rang desquelles les départements, qui financent les SDIS.

Mes collègues Sénateurs Socialistes et moi-même avons donc été très favorables à la définition objective de la carence ambulancière. Nous avons jugé utile d’y apporter deux précisions : la suppression de l’obligation de prescription médicale pour pouvoir qualifier une intervention de carence ambulancière et la possibilité de procéder à la requalification a posteriori d’une carence. Ces modifications introduites par le Sénat sont utiles. Elles figuraient dans le texte initial de la proposition de loi. Elles permettraient aux SDIS de réguler leurs interventions afin de garantir en tout temps leur capacité à répondre aux besoins opérationnels correspondant à leur cœur de métier. En particulier, la requalification a posteriori, permettrait aux SDIS d’être justement indemnisés lorsqu’ils ont réalisé une intervention à la demande du 15 dont il s’est avéré qu’elle relevait en pratique de la carence ambulancière. La rédaction sénatoriale qui clarifie la faculté de refuser ou différer la mise en œuvre d’une carence et qui rétablit la possibilité de procéder à la requalification a posteriori d’une intervention en carence ambulancière participe de l’objet de l’article 3 qui cherche à limiter les transferts de charges entre l’État, qui finance les SAMU, et les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les départements, qui financent les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS)

Il s’agit enfin de sortir de la jurisprudence « Matzak » pour préserver le modèle de sécurité́ civile français. Cet arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 21 février 2018 a attribué́ la qualification de travailleur aux sapeurs-pompiers volontaires, impliquant une application de la directive de 2003 relatives à la « durée du temps de travail » et aux « périodes de repos ». Or, près de 80 % de sapeurs-pompiers sont volontaires. Notre modèle de sécurité civile s’en trouve menacé.  C’est pourquoi nous sommes intervenus fermement afin de réaffirmer que l’activité de sapeur-pompier volontaire ne pouvait être assimilée à celle de travailleur. Sur ce point, le Gouvernement confirme qu’après un travail soutenu avec les services de la Commission européenne, la position de la France sur l’absence d’applicabilité de la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, dite DETT est confortée. Ainsi l’arrêt Matzak n’implique nullement que tout sapeur-pompier volontaire doive automatiquement être considéré comme un travailleur au sens de la DETT (« c’est très clair », pour le Gouvernement). Il n’en demeure pas moins que ces échanges ne lient en rien la Commission ou une juridiction nationale, alors que des contentieux en sont déjà au niveau de l’appel en France, que certains renvois préjudiciels pouvant avoir un impact sur les activités de sapeur-pompier sont en cours et qu’il nous faut encore agir pour traiter au mieux ces fragilités. A ce stade, le gouvernement a annoncé une première réponse en trois temps : 1°) mise en œuvre d’un état des lieux sur l’organisation du recours au volontariat dans les services d’incendie et de secours ; 2°) mise en place de groupes de travail constitués pour partager les constats et identifier les nouvelles actions correctrices à entreprendre ; 3°) définition d’ajustements qui auront vocation à poser des bornes acceptables et nécessaires au respect des exigences de l’Union européenne.

Enfin, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, le Sénat a demandé au Gouvernement d’assurer que la France prendra une initiative pour la valorisation de l’engagement citoyen. Si une telle démarche ne devait pas aboutir à l’entrée en vigueur d’une norme européenne compatible avec notre modèle national de sécurité́ civile, il serait demandé au Gouvernement d’en tirer toutes les conséquences et de retirer les moyens français mis à la disposition du mécanisme de protection civile européen.

La commission mixte paritaire se réunira le 7 octobre 2021 et je ne doute pas qu’elle aboutira positivement avec le même esprit consensuel et constructif qui a marqué son examen au Sénat.