Que retenir du Projet de loi de finances pour 2022 ?

1 décembre 2021 | Actualités / Sénat

L’examen du projet de loi de finances s’achèvera mi-décembre après la commission mixte paritaire, qui a été non-conclusive, et les nouvelles lectures traditionnelles.

D’ores et déjà, il est possible de dresser un bilan relativement complet des mesures introduites par ce texte et qui se révèlent extrêmement décevantes eu égard aux enjeux forts que notre pays connait aujourd’hui.

Un projet de loi de finances témoignant d’un mépris réel du Parlement

L’examen de ce projet de loi de finances a été marqué par la présentation en Conseil des ministres d’un véritable texte à trous, complété au cours de la discussion parlementaire, par voie d’amendement par le Gouvernement, ceci pour traduire d’une part les annonces du candidat Macron et d’autre part pour s’affranchir de l’obligation pour le gouvernement de fournir pour ces mesures des études d’impact.

Le plan « France 2030 » a ainsi donné lieu, avec un niveau de détail réduit à sa portion congrue, à « l’amendement le plus cher de l’histoire », pour reprendre l’expression de la Présidente Rabault à l’Assemblée Nationale.

Les conditions d’un examen parlementaire serein et sérieux du texte n’étaient ainsi par réunies dès le lancement du « marathon budgétaire ».

L’examen par le Sénat du volet « recettes » témoigne de l’absence totale d’effort du gouvernement pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens

Le volet du projet de loi de finances consacré aux recettes, et qui peut permettre notamment la mise en place de nombreux mécanismes de redistribution fiscale, est caractérisé cette année par son conservatisme.

Alors que le pouvoir d’achat des Françaises et des Français devrait être la priorité, notamment au vu de la progression de l’inflation, seules deux mesures abordent cette thématique et ne le font que de manière très limitée.

C’est tout d’abord la défiscalisation des pourboires, qui ne génèrera aucun gain réel de pouvoir d’achat dans la mesure où les pourboires qui seront défiscalisés demain n’étaient le plus souvent pas déclarés hier.

C’est aussi et surtout le bouclier tarifaire, qui n’entrainera aucun pouvoir d’achat réel supplémentaire pour les Françaises et les Français puisqu’il ne s’agit que d’un lissage dans le temps des tarifs du gaz et de l’électricité.

Notons également que la démarche d’écrêtement des reversements de taxes affectées à des organismes de service public se poursuit encore pour 2022, mais que les dotations aux collectivités territoriales seront globalement stables.

Le rejet de tout rééquilibrage de la fiscalité sur le plan des recettes

Le groupe socialiste a défendu deux principes fiscaux forts à l’occasion de ce projet de loi de finances.

En premier lieu, il s’agit d’un rééquilibrage structurel d’une fiscalité qui est désormais très favorable aux plus aisés, tant au niveau des particuliers que des entreprises. C’est pour cela que nous avons notamment proposé le rétablissement d’un ISF pour financer la transition environnementale, la réforme des droits de donation et succession, la suppression de la flat tax, le rétablissement des taxes et impôts sur les hauts salaires ou encore la mise en place d’une imposition progressive sur les entreprises. Toutes ces propositions ont été rejetées tant par la droite sénatoriale que par le gouvernement.

En second lieu, nous avons proposé la mise en place d’un principe de solidarité durant la crise, qui se manifestait par le report des baisses prévues d’impôt sur les sociétés et de taxe d’habitation pour les 20% de foyers les plus aisés et par la mise en place de prélèvements exceptionnels qui auraient permis de financer une véritable politique de la demande et d’assurer ainsi le maintien de pouvoir d’achat de nos concitoyens les plus modestes. Là encore, le gouvernement et la droite sénatoriale ont fait le choix de rejeter toutes ces pistes de financement, sans pour autant en proposer d’autres si ce n’est l’accroissement de la dette publique.

Le refus regrettable de la droite sénatoriale d’examiner le volet « dépenses »

Le Sénat a rejeté la première partie du budget présenté par le Gouvernement pour l’année 2022. En l’absence d’accord sur cette première partie, le débat sur le budget s’est achevé sans que le Sénat puisse examiner la seconde partie du texte, dédiée aux dépenses de l’Etat. Le groupe socialiste regrette cette position qui n’a pas permis de présenter nos propositions et de débattre des limites et des insuffisances des orientations gouvernementales.

Les propositions du groupe socialiste sur le volet « dépenses »

Parmi les nombreuses propositions qui auraient été portées par le groupe socialiste sur chaque mission budgétaire, une attention toute particulière aurait été apportée à neuf thématiques qui correspondent aujourd’hui aux préoccupations des Françaises et des Français et auxquelles le gouvernement n’apporte aujourd’hui pas de réponse satisfaisante.

Donner davantage de pouvoir d’achat aux Français

La flambée des prix de l’énergie est un énorme coup dur pour beaucoup de Français. Le « bouclier tarifaire » proposé par le Gouvernement coûte cher à l’Etat, ne protégera au final pas les consommateurs et favorisera les entreprises de l’énergie.

Nous proposons la mise en place d’un pacte énergétique, avec la montée en puissance du chèque énergie, le rétablissement d’une TICPE « flottante », la suppression en matière énergétique des taxes sur les taxes et la mise en place une TVA à 5,5 % sur l’énergie. C’est tout un ensemble de mesures qu’il faut prendre de toute urgence pour contenir l’inflation énergétique.

Mettre fin au désarmement de l’Etat par la réduction de ses interventions et de ses moyens

Dans de nombreux domaines, le Gouvernement impose une réduction drastique du nombre d’emplois dans les services de l’Etat. A titre d’exemple, le ministère de la Transition écologique a perdu plus de 8000 emplois en quatre ans. En se privant de tous ces moyens humains, l’État perd de sa capacité à pouvoir faire face aux défis et aux urgences qui s’imposent à lui et est conduit à réduire le champ de son intervention au détriment de nos concitoyens et de nos territoires.

Nous voulons mettre fin à l’hémorragie de la puissance publique et aux suppressions de postes systématiques dans la fonction publique. L’Etat doit se donner les moyens de ses ambitions et le recul de la puissance publique est une erreur stratégique comme la crise sanitaire l’a pourtant démontré.

Conduire une vraie politique en faveur de la jeunesse

Le bilan du quinquennat en direction des jeunes est désastreux (baisse des APL, réduction drastique des contrats aidés…). Le contrat engagement jeunes, proposé en toute fin de mandat, ne règle en rien la question de la précarité des jeunes comme en témoigne le niveau très faible du budget qui lui est octroyé.

Nous proposons de développer une garantie jeunes universelle et mettre en place un dispositif d’autonomisation financière des 18-25 ans, comme le groupe SER (mais aussi le Parti Socialiste et le groupe socialiste de l’Assemblée) le propose depuis désormais plus de deux années.

Renforcer les services publics sur tout le territoire

La fermeture sèche et la dématérialisation des services publics actuellement à l’œuvre sont un fléau pour nombre de Français. Faute de personnel qualifié, les Maisons France Services ne sont en aucun cas une solution suffisante pour améliorer l’accès des Français aux services publics sur tout le territoire.

Il faut se donner les moyens d’un meilleur maillage territorial des services publics avec un objectif concret : chaque Français doit disposer à moins de trente minutes de transports d’un bouquet de services publics.

Investir dans l’éducation de nos enfants

Alors que les effectifs d’élèves continuent d’augmenter, 7500 postes ont été supprimés dans l’Education nationale depuis le début du quinquennat dans le second degré. Les revalorisations de salaires du corps enseignant sont insuffisantes et les fermetures de classes sont dramatiques dans de nombreux territoires, en zone rurale notamment.

Il est nécessaire d’augmenter les effectifs et les salaires au sein de l’Education nationale.

Faire du conditionnement des aides publiques un réflexe obligatoire

Alors que l’argent public se fait rare, il n’est plus entendable que la puissance publique distribue les impôts de nos concitoyens sous forme d’aides à des entreprises qui parfois ont un comportement contraire à l’intérêt général. On ne peut par exemple pas décemment bénéficier d’aides d’Etat et engager des plans de licenciements, dégrader l’environnement ou encore distribuer des dividendes à ses actionnaires.

Nous proposons de conditionner l’octroi de toute aide d’Etat, mais aussi le bénéfice de toute niche fiscale économique, au respect d’un ensemble de standards sociaux et environnementaux.

Imaginer une fiscalité culturelle plus adaptée

Alors que le monde culturel est frappé de plein fouet par la crise sanitaire, le Gouvernement ne semble pas prendre la mesure des urgences de ce secteur. La faiblesse de l’ambition du Gouvernement en la matière est inquiétante alors que des années difficiles s’annoncent pour les structures et artistes lorsque les dispositifs d’aides liés à la crise arriveront à échéance.

C’est pourquoi nous souhaitons la mise en place une fiscalité plus adaptée aux spécificités du domaine de la culture.

Refonder une politique agricole ambitieuse

Si le budget est resté stable depuis 2017, le manque d’ambition du Gouvernement est criant en matière d’agroécologie. Ses renoncements (sur les pesticides ou encore le glyphosate) et ses échecs (rémunération des agriculteurs) mettent à mal un secteur en difficulté.

Après l’échec d’Egalim, il faut proposer une remise à plat du système de rémunérations et de cotisations des agriculteurs afin de leur permettre de vivre dignement de leur travail.

Relancer une politique volontariste en matière de logement

2,2 millions de Français sont en demande de logement social. Depuis 2017, le Gouvernement n’a fait preuve d’aucun volontarisme pour inciter les communes à se mettre rapidement en conformité avec la loi SRU.

Il est obligatoire de relancer l’effort de construction de logements et en particulier de logements sociaux en France. L’objectif est de répondre aux attendre de nombreux de nos concitoyens d’une part et de contribuer à réguler des prix du logement qui pèsent chaque année davantage dans les dépenses contraintes de nos concitoyens. Après la suppression de 10 milliards d’aides au logement durant le quinquennat, la solution est claire : il faut augmenter massivement la part du budget de l’Etat consacrée au logement. De plus, il est nécessaire de faire évoluer les standards de ces derniers, notamment en matière d’économies d’énergie, pour que le secteur du bâtiment contribue pleinement à l’effort de transition écologique.