Proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants

1 mars 2010 | Tribune libre

Violences conjugales26/02/10 | Tribune libre de Nicole Bonnefoy

Proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants

Dans cette tribune libre, je tiens à attirer votre attention sur l’examen, le 10 février 2010 au Sénat, d’une proposition de loi de M. Roland COURTEAU (Sénateur socialiste de l’Aube ) relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Mon collègue avait été le premier législateur à se pencher, en 2006, sur ce problème social majeur, trop longtemps occulté dans notre législation. Cette proposition a pour objectif de renforcer le cadre juridique protégeant les victimes de violences conjugales, en l’occurrence les femmes, dans 90% des cas. Il aborde aussi et c’est un point très important, les incidences de ces violences sur les enfants, qu’ils en soient les témoins ou les victimes.

J’ai souhaité intervenir à la tribune le 10 février dernier, lors de la discussion générale de ce texte, afin de défendre cette nouvelle étape indispensable dans la lutte contre ce fléau de société.

Je tenais à vous en faire part, afin de sensibiliser le plus de personnes possibles sur ce sujet.

1| Un constat alarmant

Les données officielles dont nous disposons au sujet des violences conjugales sont alarmantes. Depuis quelques années, le nombre de plaintes enregistrées a augmenté de façon inquiétante, signe que la violence au sein des couples est dangereusement répandue. Cette hausse est cependant l’une des conséquences des avancées législatives opérées depuis quelques années. Celles-ci ont débouché à une prise de conscience par de nombreuses femmes, de la nécessité de ne plus se taire et de ne plus subir ces violences.

C’est un progrès incontestable que nous devons porter et encourager !

Malheureusement, le chemin à parcourir reste conséquent et les chiffres dont nous disposons sont profondément choquants :

– En 2004, 36.231 faits constatés de violences volontaires sur les femmes majeures par leur conjoint ont été enregistrés. Ce chiffre n’a cessé d’augmenter régulièrement pour atteindre 59.427 en 2008. En cinq ans, nous avons donc pu observer une augmentation de plus de  64% de faits constatés !

– En 2008, 157 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint, soit 20% des meurtres commis dans l’hexagone.

Sur la période 2007-2008, d’après une étude de l’INSEE intitulée « Cadre de vie et de sécurité », plus de 800.000 personnes, de 18 à 75 ans, ont déclaré avoir subi des violences physiques ou sexuelles dans le cadre de leur vie familiale, dont plus de 50% par leur conjoint actuel.

– D’après l’Observatoire National de la Délinquance (OND), le nombre de plaintes déposées par les victimes de telles violences représenterait moins de 9% des violences conjugales réellement subies.

Une femme sur dix serait victime de violences conjugales en France. C’est à dire que nous en connaissons tous, nous les côtoyons chaque jour, sans le savoir. Ces femmes sont de tous âges, elles appartiennent à toutes les catégories socioprofessionnelles. Bien souvent, elles n’en parlent pas et se replient sur elles-mêmes, ce qui a des répercutions dramatiques sur leur vie familiale,  professionnelle, sociale, économique… La difficulté à en parler est due, bien souvent, à un renversement de la culpabilité et à une honte, infondée, de se manifester. Les psychiatres parlent d’un phénomène de conditionnement, qui conduit la victime à accepter l’inacceptable.

Il est donc nécessaire d’enrayer cette spirale du silence. Il apparaît indispensable de mener des campagnes et des actions de sensibilisation auprès du grand public, femmes, hommes et enfants. Il faut mettre en place des formations adaptées, auprès des professionnels en contact avec les victimes de telles violences, afin qu’ils puissent être en moyen de leur apporter une aide adéquate.

2| Des avancées législatives à poursuivre

Depuis quelques années et nous pouvons nous en féliciter, nous avons pu observer la mobilisation des pouvoirs publics nationaux, mais aussi européens et internationaux, pour lutter contre ce type de violences.

Voici un aperçu des évolutions législatives qui se sont opérées dans ce domaine, en France :

– Le nouveau code de procédure pénale prévoit, depuis le 1er mars 1994, que les peines encourues par les auteurs de violences soient aggravées lorsqu’elles sont infligées par le conjoint ou par le concubin de la victime.

– La loi du 4 avril 2006, votée sur l’initiative de mes collègues Roland COURTEAU et Nicole BORVO COHEN-SEAT, a été la première légiférant dans ce domaine. Elle a renforcé la prévention et la répression des violences au sein du couple ou celles commises contre les mineurs. Elle a reconnu explicitement la notion de viol et d’agression sexuelle au sein du couple, ainsi que celle du vol entre époux lorsque celui-ci porte sur des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime. Elle a renforcé, aussi bien dans le code de procédure pénale que dans le code pénal, les mesures d’éloignement du domicile commun de l’auteur des violences, qu’il soit conjoint, concubin, partenaire pacsé ou ancien conjoint, ancien concubin, ancien partenaire pacsé.

– La loi du 26 mai 2004, relative au divorce, a permis au Juge aux Affaires Familiales, lorsque les violences exercées par l’un des époux mettent en danger son conjoint, comme un ou plusieurs enfants, de statuer sur la résidence séparée des époux. Le juge se prononce également, s’il y a lieu, sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, les mesures prises étant caduques si, à l’expiration d’un délai de quatre mois, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n’a été déposée.

– La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a prévu que les personnes reconnues coupables de violences conjugales pouvaient être également condamnées à un suivi socio-judiciaire.

– En 2008, une mission d’évaluation de la politique de prévention contre les violences faites aux femmes a été créée à l’Assemblée nationale à l’initiative de Mme Danièle BOUSQUET ( Députée socialiste des Côtes-d’Armor).

– Les travaux de cette mission ont débouché, toujours à l’initiative de Mme Bousquet, au dépôt d’une proposition de loi le 27 novembre 2009 à l’Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes ainsi que la prévention et la répression des violences faites aux femmes. Cette loi a été adoptée le 25 février dernier.

3| Les propositions de M. COURTEAU

C’est dans la poursuite de ces avancées législatives et dans la poursuite de ses propres travaux, que s’inscrit la proposition de loi de M. COURTEAU. Cependant cette dernière étant similaire à celle de Mme Bousquet, le Sénat a décidé de la renvoyer en commission, afin de joindre ultérieurement son examen à celui de celle transmise par l’Assemblée nationale, qui porte sur un cadre plus large.

Etant donné que les préconisations de M. COURTEAU sont reprises dans la proposition de loi de Mme BOUSQUET, je tiens à vous les présenter :

• L’article 1 propose d’insérer dans le code pénal la notion de violence psychologique, oubliée jusqu’alors dans notre législation. Celle-ci représente les ¾ des violences recensées en France et elle a la particularité d’être encore plus difficile à détecter que les violences physiques. Il n’y a pas de trace physique visible, seulement des impacts psychologiques, impalpables et parfois irrémédiables. Depuis de nombreuses années, des associations se battent pour que la notion de violence psychologique soit introduite dans le code pénal. M. Fillon s’était lui-même prononcé en faveur d’une telle évolution en 2009. Il était donc nécessaire d’apporter une réponse à toutes les victimes de ces violences.
Lors de mon intervention dans l’hémicycle, j’ai insisté sur l’impact de ces violences au sein des couples sur les enfants, qu’elles soient directes ou indirectes, manifestes ou impalpables. Les répercutions de tels actes sont bien souvent dramatiques pour le développement personnel et pour l’avenir de l’enfant.

• L’article 2 propose d’étendre la possibilité donnée au Juge aux affaires familiales, de statuer sur la résidence séparée des concubins ou des partenaires pacsés, en précisant lequel des deux continuera à résider dans le domicile familial.

• Les articles 3 et 4 proposent de renforcer la prévention de ces violences à l’école, afin d’enrayer une spirale de banalisation de la violence, bien souvent matérialisée par un rapport spécifique aux femmes, dès l’enfance, dans nos écoles. Il est donc nécessaire que la législation française se penche sur cet aspect car « Tout commence sur les bancs de l’école». Il s’agit aussi de renforcer la formation des professionnels en contact avec des victimes, dans la mesure où ils ne sont pas toujours sensibilisés à la problématique des violences conjugales.

L’article 5 propose que les victimes de violences conjugales bénéficient de l’aide juridictionnelle sans condition de ressources, afin de faciliter leurs démarches dans ces moments terribles à vivre.

Lors de l’examen de ce texte, les parlementaires de tous bords politiques ont reconnu unanimement le travail mené par M. Courteau dans le domaine des violences au sein des couples et se sont félicités de cette nouvelle initiative. Il est agréable de constater que certains sujets dépassent les clivages politiques et d’espérer, c‘est mon cas, qu’ils seront défendus par les parlementaires de droite comme de gauche, au Sénat et à l’Assemblée nationale. M. Fillon ayant déclaré qu’il faisait des violences conjugales une grande cause pour 2010, nous pourrions commencer cette année sous de bonnes augures. Cette volonté du Gouvernement a été confirmée le 25 février par Nadine Morano, Secrétaire d’Etat à la Famille, qui a indiqué qu’elle saluait les initiatives parlementaires faites dans ce domaine et qu’elle souhaitait que le harcèlement moral dans le domaine de la vie privée soit inscrit au code pénal.

La proposition de loi de Mme BOUSQUET a été adoptée lors de son examen à l’Assemblée nationale, il y a quelques jours. Les préconisations que nous avions faites au Sénat sont, pour la plupart, présentes dans cette proposition. Les débats ont rencontré un consensus et je m’en félicite. Je souhaite que cette dynamique se concrétise, lorsque le texte viendra en discussion au Sénat et que nous pourrons être fiers, en tant qu’élus et citoyens, d’avoir apporté une nouvelle dimension à la lutte contre les violences conjugales.

En savoir + :

Tribune libre : Après un an de mise en œuvre, un premier bilan du 4e plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes
Intervention en séance publique : Délai de prescription des agressions sexuelles
Tribune libre : Une avancée majeure mais encore fragile dans la lutte contre les violences conjugales
Vidéo : Intervention en séance publique : Proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (2e lecture)
Tribune libre : Proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants
Vidéo : Intervention en séance publique : Proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (1ère lecture)
Proposition de loi n°118 relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants
Proposition de loi n°502 de l’Assemblée nationale (texte définitif)
Dossier législatif : Violences au sein des couples
Dossier législatif : Délai de prescription des agressions sexuelles

Revue de presse :

Stopper les violences faites aux femmes

Communiqués de presse :

Lutte contre les violences au sein des couples