Dépôt d’une proposition de loi visant à instaurer un nouveau pacte territorial

1 juin 2011 | Actualités / Sénat

[ Tribune libre de Nicole Bonnefoy du 01/06/11 ]

Dépôt d’une proposition de loi visant à instaurer un nouveau pacte territorial

Le 19 mai dernier, le groupe socialiste a déposé une proposition de loi visant à instaurer un nouveau pacte territorial. Ce texte est l’aboutissement de plusieurs mois de travail. Pour l’élaborer, nous avons rencontré des élus, des acteurs locaux et des associations afin d’enrichir notre réflexion et d’être le plus en phase avec les besoins de nos territoires.

Réforme des collectivités territorialesA l’heure où les inégalités sociales et économiques s’accroissent et où l’égalité de traitement des citoyens sur l’ensemble du territoire sont remises en cause, cette proposition de loi vise à apporter une réponse aux différentes attaques subies par les territoires et les français ces dernières années.

Depuis 2007 et le lancement de la fameuse révision générale des politiques publiques (RGPP), nous avons tous pu prendre conscience de l’éloignement qui existait entre les prises de décision gouvernementales et les réalités locales : fermetures d’écoles et d’hôpitaux, réduction drastique des effectifs dans la fonction publique, mise à mal de notre système de solidarité nationale et, de manière générale, remise en cause de l’ensemble des services publics de proximité.

Derrière la volonté affichée de réduire les déficits et de limiter les dépenses, nous subissons surtout l’application d’une idéologie qui tend à livrer les biens publics au secteur marchand et donc à des logiques de court terme où seul le rendement compte. Cela se fait bien évidement au détriment de la qualité des services rendus aux concitoyens. L’intérêt général ne guide plus l’action publique et met réellement à mal notre modèle Républicain auquel nous sommes tant attachés.

La suppression de la taxe professionnelle en 2009 et la réforme des collectivités territoriales en 2010, sont venues accentuer ce phénomène. Après avoir mis sous tutelle financière les collectivités locales, le Gouvernement s’est attaqué aux élus locaux en remettant en cause leurs actions, leurs compétences et mêmes leur existence. La création du conseiller territorial en est une illustration et ne fera qu’éloigner les élus de leurs administrés. Pourtant, la crise de confiance actuelle des français avec leurs dirigeants nous rappelle chaque jour que la proximité entre élus et citoyens est la clé d’une république apaisée.

Le constat que nous pouvons faire aujourd’hui est donc bien amer. Par les politiques menées ces dernières années, nous assistons à une véritable crise du dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, et entre les élus et les français, fortement dommageable pour la cohésion de notre pays.

Il nous apparaissait donc nécessaire et urgent de proposer une autre voie qui mettrait en œuvre un aménagement équilibré et durable de notre territoire, en prenant véritablement en compte la multitude d’atouts et de richesses dont il recèle.

C’est ainsi que le groupe socialiste a déposé cette proposition de loi, le 19 mai dernier au Sénat. Elle sera examinée le jeudi 30 juin en séance publique. J’espère qu’elle donnera lieu à de vrais débats, ouverts et constructifs, et ne sera pas sous le joug de postures idéologiques stériles !

Dans cette tribune libre, je tenais à vous présenter les mesures phares de ce texte. Les éléments que vous trouverez ci-dessous ne sont pas exhaustifs, je vous invite donc à consulter directement la proposition de loi sur le site du Sénat.  Proposition de loi n°541

Titre I : Une nouvelle gouvernance des politiques publiques afin de restaurer le dialogue et la confiance

Ce titre vise à institutionnaliser un mode de dialogue régulier entre les autorités publiques avec :

La création d’une « Conférence nationale des exécutifs », instance de concertation entre l’État et les collectivités territoriales. Elle est composée du Premier ministre, des ministres en charge du budget et des collectivités territoriales et des représentants des différentes catégories de collectivités. Elle se réunit trois fois par an et peut examiner tout sujet jugé utile par ses membres. Elle est obligatoirement saisie de tout projet de loi et d’actes législatifs de l’Union européenne relatifs à l’organisation et aux compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements et examinera la mise en œuvre des politiques publiques déconcentrées et décentralisées (article 1)

La création d’une « Conférence régionale des exécutifs » et d’une « Conférence départementale des exécutifs » qui, dans le même esprit, seront des lieux de dialogue entre les différents échelons de collectivités (article 2)

La pérennisation de contrats de projet État-Région (article 4)

La mise en place d’un contrat rural de cohésion territoriale afin de créer le cadre d’une véritable recomposition de l’action publique au service des territoires ruraux délaissés. Ce dispositif contractuel vise notamment à lutter contre les processus de dévalorisation et de relégation de certains territoires ruraux (article 5)

Titre II : Une organisation de l’offre de services publics réalisée dans le respect d’un principe d’équité territoriale et de proximité

Ce titre vise à rappeler le principe essentiel d’égal accès de tous les citoyens, sur l’ensemble du territoire, aux services publics essentiels. Pour ce faire, la proposition de loi instaure un moratoire sur la Révision Générale des Politiques Publiques (article 8 ) et propose des mesures concrètes pour garantir ce principe d’égal accès.

Santé (article 9)

Les populations doivent avoir un accès :
– à 20 minutes maximum d’un service de médecine générale
– à 30 minutes d’un service d’urgence
– à 45 minutes d’une maternité

Le texte garantit l’implantation des professionnels de santé libéraux nouvellement diplômés dans les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins est particulièrement bas, tout en encadrant leur installation dans les zones sur-denses.

Éducation (article 10 et 11)

Rétablissement de l’éducation au rang de première priorité nationale en instaurant un nouveau pacte éducatif. Les suppressions de postes d’enseignants ne seront plus possibles et l’État devra de nouveau soutenir les contrats éducatifs locaux.

Les élèves devront avoir accès :
– à 10 minutes de trajet individuel d’une école primaire (école maternelle et élémentaire)
– 25 minutes d’un établissement d’enseignement secondaire ne disposant pas d’un internat

Le texte instaure l’école obligatoire dès 3 ans.

Sport (article 12)

Institutionnalisation des missions du Centre national pour le développement du sport.

Emploi (article 13)

Les populations doivent avoir accès à moins de 30 minutes d’un lieu d’accueil et d’information relatif à l’emploi et à la formation.

Titre III : Promouvoir un aménagement équilibré de l’espace, faciliter la mobilité et encourager le développement économique

Transport (article 16) :

Mise en place d’un plan national de financement et de développement des infrastructures de transport visant à lutter contre l’enclavement de certains territoires. Ce plan est défini par l’État en concertation avec les collectivités locales.

TIC (article 17)

Assurer l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) avec la mise en place d’un plan national de réalisation de la couverture numérique universelle du territoire dans un délai de dix ans.

Dans ce cadre, j’ai spécialement tenu à inscrire dans la proposition de loi le fait qu’une commune est réputée couverte en téléphonie mobile lorsqu’elle l’est sur l’ensemble de son territoire.

Investissement local (article 18)

Améliorer la transparence des établissements bancaires sur les données relatives à l’épargne et au crédit, et imposer une quote-part minimale de retour de l’épargne collectée sur son territoire d’origine.

Mise en place d’une Banque publique d’investissement déclinée au niveau régional dans des fonds régionaux d’investissement, afin de favoriser la constitution d’entreprises de taille intermédiaire, de permettre la conversion écologique de l’industrie et de prévenir ou atténuer les conséquences humaines et territoriales de la désindustrialisation

Développement des circuits courts (article 19)

Afin de poursuivre mon action engagée pour développer les circuits courts, j’ai tenu à réintroduire dans ce texte des mesures que j’avais déjà proposées dans le passé sans succès, qui visent à réformer le code des marchés publics afin de favoriser les circuits courts. Ainsi :

Le seuil des marchés publics pouvant être passés sans publicité ni mise en concurrence est fixé à 20.000 euros.

Les marchés de denrées alimentaires périssables peuvent être passés dans les conditions les plus avantageuses, sur les marchés, ou sur les lieux de production sans publicité préalable et sans mise en concurrence, en deçà de certains seuils.

FISAC

Possibilité d’utiliser le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) pour soutenir la petite hôtellerie rurale, de plein air et d’hébergement au même titre que les activités artisanales et commerciales

Commerce

Création d’une caisse de mutualisation pour le chômage des artisans, commerçants et professions indépendantes qui peut délivrer une « allocation rebond » après le constat d’échec de l’entreprise.

Création de conventions de commerce et d’artisanat rural afin de reconnaître le rôle multifonctionnel joué par les commerçants et artisans dans l’attractivité des territoires.

À ma demande, nous avons réintroduit l’un des amendements déposé par le groupe socialiste lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’urbanisme commercial, visant à mettre en place une véritable réglementation des autorisations d’exploitation commerciale s’appliquant dès 300 m2, afin de lutter contre la prolifération des grandes surfaces et du hard discount (article 23)

Agriculture

Possibilité pour les agriculteurs de souscrire avec l’autorité administrative des contrats territoriaux d’exploitation afin de pérenniser leur activité plus que jamais menacée aujourd’hui et de reconnaître leur rôle multifonctionnel (article 24)

Création d’une caisse de mutualisation publique contre le chômage des agriculteurs et de leurs conjoints collaborateurs, qui pourra également délivrer une « allocation rebond » en cas d’échec de l’activité.

Péréquation (article 27)

Cet article précise que les mécanismes de péréquation mis en œuvre par l’État doivent permettre, dans un délai de 10 ans, de porter à hauteur de 25 % la part des dotations de péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement. Ils doivent conduire à ce qu’aucune collectivité n’ait un potentiel financier par habitant inférieure à 80 % et supérieure à 120 % du potentiel financier moyen par habitant de la même catégorie de collectivité.

En savoir + :

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Dossier : Réforme des collectivités territoriales