Bilan : Pour un meilleur encadrement sanitaire et environnemental des produits pesticides

21 juillet 2016 | Actualités / Sénat

21/07/16 | Bilan du travail parlementaire de Nicole Bonnefoy

Pour un meilleur encadrement sanitaire et environnemental des produits pesticides

Le 13 juillet 2016, j’ai déposé au Sénat une proposition de loi visant à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides. Ce texte, dont j’espère l’adoption par le Parlement d’ici la fin du quinquennat, est issu d’un riche travail de réflexion et d’une importante mobilisation législatif qui ont constitué un fil rouge de mon activité parlementaire depuis mon rapport de 2012 consacré aux problématiques sanitaires et environnementales des produits pesticides. J’ai tenu à vous proposer un bilan de ce travail sur plusieurs années consacré à la réduction des risques sanitaires et environnementaux.

Le rapport « Pesticides : vers le risque zéro »

En 2012, alertée par des agriculteurs et des riverains de mon département charentais sur les dangers que faisaient peser sur leur santé et l’environnement l’usage intensif de produits pesticides, je demandais la création d’une mission d’information sénatoriale visant à dresser un état des lieux de la situation et à formuler des recommandations. Nommée rapporteur de cette mission d’information, je dressais dans mon rapport, publié en octobre 2012 au terme de sept mois de travail et d’une centaine d’auditions, un tableau assez alarmant de la situation sanitaire liée en France aux pesticides. Ce rapport, intitulé « Pesticides : vers le risque zéro », dressait cinq constats majeurs :

– Les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont encore sous-évalués ;

– Le suivi des produits pesticides après leur mise sur le marché n’est qu’imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels ;

– Les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques qu’ils font peser, sur leurs utilisateurs comme sur le reste de la population ;Les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles ne prennent pas suffisamment en compte la problématique de santé ;

– Le plan Ecophyto, lancé dans le cadre du Grenelle de l’environnement, qui établissait pour objectif la réduction de 50% d’ici à 2018 de la quantité de pesticides utilisés dans le pays, ne serait vraisemblablement pas respecté. Il apparaissait lors de la publication du rapport que l’usage des pesticides avait au contraire continué d’augmenter depuis son lancement. Cette tendance globale n’a pas été infirmée depuis.

Au terme de ces constats, nous formulions à l’unanimité, avec mes collègues membres de la mission d’information, issus de l’ensemble des groupes politiques représentés au Sénat, une centaine de recommandations visant à y répondre par des mesures à prendre aux niveaux législatif, réglementaire, mais aussi européen.

La proposition de loi visant à encadrer le recours des produits pesticides présentant un risque pour la santé

Ainsi, la proposition de loi que j’ai déposée le 15 juillet 2013 « visant à encadrer le recours à des produits pesticides présentant un risque pour la santé » avait pour but de rassembler les principales mesures d’ordre législatif qu’il était possible et souhaitable de faire voter rapidement, pour remédier aux dangers sanitaires posés envers les agriculteurs et le reste de la population par l’usage insuffisamment contrôlé des pesticides.

Peu après le dépôt de ma proposition de loi, le Gouvernement a annoncé la préparation d’un projet de loi global sur l’agriculture. A cette occasion, il a notamment fait part de sa volonté de prendre en compte la problématique des produits pesticides et de reprendre un grand nombre des recommandations de la mission d’information, parmi lesquelles un certain nombre des dispositions que je proposai dans cette proposition de loi.

Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture

Aussi, ma proposition de loi n’a pas poursuivi son parcours législatif, mais a été traduite en grande partie dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, adoptée en 2014.

Elle comprend une série de mesures importantes visant à permettre une meilleure prise en compte des risques sanitaires posés par les pesticides, diminuer progressivement leur consommation, favoriser le développement des produits de culture alternatifs, et plus généralement faire basculer notre modèle agricole vers l’agro-écologie :

• Information et prévention

Interdiction de la publicité pour les produits phytosanitaires destinée au grand public.

– Le texte instaure le principe prévoyant que la vente de pesticides doit être accompagnée de conseils personnalisés d’utilisation, de précaution et de sensibilisation aux méthodes alternatives, délivrés aux acheteurs par des professionnels formés. Il eût cependant été préférable de séparer ce conseil de la vente.

• Santé et contrôle

Mise en place d’un dispositif de « phytopharmacovigilance » permettant une surveillance précise sur tout le territoire des effets indésirables des pesticides sur la santé, l’environnement, l’alimentation, la qualité de l’air, et la santé des abeilles.

Création d’un « suivi post-AMM » des produits autorisés : jusqu’à présent les produits faisaient l’objet d’une évaluation sur dossier par l’ANSES ; s’ils étaient autorisés par le ministre de l’agriculture, ils ne faisaient plus l’objet de contrôles après leur mise sur le marché (AMM). L’ANSES, l’autorité administrative indépendante, délivre désormais les AMM à la place de l’autorité politique, sur la base de son expertise scientifique, et a le pouvoir de procéder au retrait du marché des produits si elle constate des effets négatifs après leur mise sur le marché. Le texte donne en outre aux inspecteurs de l’ANSES le pouvoir de procéder à des inspections sur la fabrication des produits.

– En vue d’améliorer le contrôle des produits utilisés, les obligations de traçabilité sont accrues pour les distributeurs, les agents de douanes sont habilités à mener des contrôles et les sanctions pénales pour fraudes sont fortement renforcées.

L’utilisation de produits pesticides à proximité des écoles et autres lieux pouvant accueillir des personnes sensibles (hôpitaux, maisons de retraite…) est subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées (dispositifs techniques permettant de diminuer la dissémination des produits hors des parcelles, respect d’horaires de traitement permettant d’éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement).

• Réduction de la consommation et développement du biocontrôle
– Les produits de bio-contrôle font désormais l’objet d’une définition dans la loi, permettant la mise en place de dispositifs légaux visant leur développement.

Les produits de bio-contrôle font l’objet d’une procédure d’évaluation par l’ANSES accélérée et prioritaire sur les autres produits, en vue de leur commercialisation plus rapide.

Les contraintes réglementaires sont spécifiquement allégées pour les produits de bio-contrôle, par exemple pour leur circulation entre Etats membres de l’UE.

• Les GIEE

Le texte crée les groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Leur objectif est de favoriser le développement de pratiques répondant aux enjeux de compétitivité et de durabilité de notre agriculture, en permettant le travail en commun d’agriculteurs ayant pour but la modification durable, vers l’agro-écologie, de leurs systèmes de production. Reposant sur une démarche volontaire et collective, les GIEE peuvent bénéficier d’une majoration de leurs aides publiques, notamment par le ciblage d’une partie des aides du second pilier de la PAC.

• Mes amendements à la loi d’avenir pour l’agriculture

Outre ces avancées qui reprennent pour la plupart les recommandations de mon rapport, j’ai fait adopter plusieurs amendements qui permettent d’aller plus loin :

– Afin de lutter contre la contrefaçon, la fraude et les importations illégales de produits phytopharmaceutiques, est mis en place un dispositif de sanctions, alignées sur celles applicables aux médicaments vétérinaires.

– Afin d’assurer la protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable, il est possible aux préfets d’interdire l’usage de substances dangereuses pour la santé ou l’environnement dans ces zones.

Les publicités pour les produits phytopharmaceutiques, encore autorisées pour les professionnels, doivent désormais mettre en avant les dangers potentiels pour la santé et l’environnement que leur utilisation comporte.

L’ANSES doit prendre en compte les adjuvants dans ses évaluations et décisions. Les adjuvants, produits ajoutés aux produits phytopharmaceutiques pour renforcer leur action, peuvent en effet jouer un rôle non négligeable dans la toxicité du produit final.

– Afin de renforcer l’information et le contrôle du Parlement sur l’ANSES, l’agence doit établir chaque année un rapport, rendu public et adressé aux deux assemblées, rendant compte de ses activités relatives à l’évaluation, à la mise sur le marché et au suivi des effets sur la santé après leur mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

L’interdiction de la vente de pesticides aux particuliers et de leur utilisation par les personnes publiques

Le 24 janvier 2014 a été définitivement adoptée une proposition de loi importante, qui reprend deux des préconisations de mon rapport et de ma proposition de loi :

L’interdiction pour les personnes publiques (Etat, collectivités locales, établissements publics…), ainsi que les professionnels opérant pour elles, d’utiliser des produits phytosanitaires pour l’entretien de leurs espaces verts, forêts et promenades. Lors de l’examen du projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte, le Sénat a étendu cette interdiction à l’entretien des voiries. Les produits de bio-contrôle et à faibles risques ne seront pas concernés par cette interdiction. Initialement fixée à 2020, elle entrera en vigueur le 1er janvier 2017.

A partir du 1er janvier 2019, sera interdite la commercialisation des produits pesticides et leur détention pour un usage non professionnel.

L’interdiction des épandages aériens

En 2014, le ministère de l’environnement a pris un arrêté interdisant l’épandage aérien de pesticides pour l’ensemble des cultures qui jusqu’alors pouvaient continuer à bénéficier de dérogations. Il a permis de mettre un terme, dans la lignée d’une recommandation de mon rapport, aux dérogations à l’interdiction européenne de l’épandage de pesticides par aéronefs.

La création d’une taxe sur le chiffre d’affaires de la vente des produits pesticides

A l’automne 2014, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative, a été adoptée la création d’une taxe sur la vente des produits phytopharmaceutiques ayant reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM). Elle est la transposition directe d’une des recommandations que je formulais dans mon rapport.

Cette taxe est désormais acquittée par les metteurs sur le marché de produits phytopharmaceutiques dans la limite de 0,3% de leur chiffre d’affaires annuel, soit environ 6 millions d’euro. Son produit est affecté à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Il convient de préciser qu’elle ne met pas en péril l’économie de ces entreprises dont le chiffre d’affaires annuel en France approché les 2 milliards d’euros.

Ce nouveau dispositif permet de conforter les moyens de l’ANSES, dont les missions sont de renforcer notre politique en matière de sécurité sanitaire, pour mener à bien l’exercice des nouvelles missions qui lui ont été conférées dans la loi d’avenir pour l’agriculture : délivrance des AMM et coordination du dispositif de phytopharmacovigilance.

L’action de groupe en matière environnementale

En mai 2016, l’Assemblée Nationale a adopté dans le cadre du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle le principe de l’action de groupe en matière environnementale, tel que je l’avais proposé dès l’automne 2015 en première lecture du texte au Sénat.

Cette disposition majeure permet d’instituer dans le droit français la possibilité pour les citoyens d’engager collectivement une action en justice pour obtenir la réparation et la cessation de dommages subis suite à une atteinte causée par le non-respect du droit de l’environnement. Elle est la transposition d’une des recommandations que je formulais dans mon rapport sur les pesticides.

Après l’instauration des actions de groupe en matière de consommation, de santé et de lutte contre les discriminations, l’action de groupe environnementale peut s’appuyer sur un dispositif encadré par le juge judiciaire, qui statuera sur la recevabilité des actions avant d’autoriser les demandes de réparation émises par les personnes ayant subi un préjudice. Les actions engagées contre des personnes ayant respecté le droit et leurs engagements contractuels seront jugées irrecevables par la justice. L’activité économique ne s’en trouvera pas fragilisée.

Cet équilibre permettra de ne pas placer les acteurs économiques et les porteurs de projets de notre pays dans une situation d’incertitude juridique, tout en renforçant notre état de droit, au bénéfice des victimes de dommages illégalement causés à l’environnement, qui aujourd’hui se trouvent en la matière régulièrement dans l’incapacité d’agir en raison d’une situation d’isolement devant la justice. Seront ainsi couverts les préjudices personnels, patrimoniaux ou extrapatrimoniaux résultant des dommages environnementaux, comme les maladies ou les dégâts matériels résultant d’une pollution.

C’est pour moi une immense satisfaction de voir l’aboutissement de ce projet, amorcé en novembre 2015 par le dépôt d’un amendement lors du passage du projet de loi au Sénat, puis à l’occasion de l’examen d’un autre texte, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, en janvier et mai 2016.

La proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques

Le 13 juillet 2016, j’ai déposé au Sénat une proposition de loi visant à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides, suite à un travail mené conjointement avec Paul François, Président de l’Association Phytovictimes.

La proposition de loi vise à compléter le dispositif de réparation du préjudice subi par les personnes atteintes de maladies liées à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, que ces maladies soient ou non d’origine professionnelle, par la création d’un fonds d’indemnisation abondé par les fabricants de ces produits.

La prise en charge de la réparation intégrale des préjudices des victimes s’articule entre l’indemnisation des préjudices économiques (le préjudice professionnel, les frais de soins restant à la charge de la victime, les autres frais supplémentaires…) et l’indemnisation des préjudices personnels (le préjudice moral, le préjudice physique, le préjudice d’agrément…). Elle vient compléter la prise en charge des soins et l’indemnisation versées par les organismes de sécurité sociale.

Ce dispositif doit également permettre d’accompagner les victimes en facilitant leurs démarches, en leur offrant un cadre global permettant une plus grande égalité entre victimes, et en réduisant autant que possible les procédures judiciaires.

La proposition de loi a reçu le soutien du Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, Porte-parole du Gouvernement Stéphane Le Foll. J’espère parvenir à la faire aboutir par une adoption au Parlement d’ici à la fin du quinquennat.

L’interdiction progressive des pesticides néonicotinoïdes

Après plusieurs années de travail sur le dossier complexe des pesticides néonicotinoïdes, le Parlement est enfin parvenu à l’adoption d’un dispositif complet devant permettre le retrait progressif de ces produits sur le marché français, en vue de leur substitution par des produits alternatifs.

Suite au vote de la loi pour la reconquête de la biodiversité en juillet 2016, les produits dérivés des molécules de la famille des néonicotinoïdes seront interdits à partir du 1er septembre 2018 pour l’ensemble des cultures agricoles, quels que soient les usages (pulvérisations, traitement des sols ou enrobage de semences). Le texte prévoit néanmoins la possibilité de dérogations jusqu’au 1er juillet 2020, lesquelles seront décidées par un arrêté conjoint des ministres de l’agriculture, de l’environnement et de la santé, sur la base d’un bilan établi par l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses) recensant les produits de substitution disponibles présentant un meilleur bilan en termes sanitaires et environnementaux.

Dossier :

Dossier : Pesticides et impact sur la santé et l’environnement
Texte : La proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques
Rapport : « Pesticides : Vers le risque zéro »

En savoir + :

Sénat : Mission commune d’information portant sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement
Plan Ecophyto
Association Phyto-victimes