Pesticides : L’échec accablant de la « ferme France »

9 mars 2016 | Non classé

09/03/16 | Article Le Monde

Pesticides : L’échec accablant de la « ferme France »

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Epandage de pesticide à Godewaersvelde (Nord) en 2012.

C’est un échec si patent et prévisible qu’il en devient presque risible. Depuis 2008 et les engagements du « Grenelle de l’environnement », non seulement les gouvernements successifs n’ont pas réussi à faire baisser l’usage des pesticides en France, mais ils ont aussi échoué, avec une égale constance, à tirer la leçon de leurs échecs. L’inflexion de cette courbe-là semble, elle aussi, impossible.

Les dernières statistiques, publiées mardi 8 mars par le ministère de l’agriculture, sont accablantes. Elles témoignent d’une nouvelle hausse de l’usage des phytosanitaires – les pesticides – sur le territoire national : l’année 2014 apparaît comme la plus noire jamais enregistrée, avec une hausse de 9,4 % par rapport à l’année précédente, ayant elle-même connu une augmentation de 9 % par rapport à la précédente…

Le plan Ecophyto, mis en place en 2009, prévoyait une baisse de moitié du recours aux produits phytosanitaires en dix ans. Or, non seulement l’usage de ces substances n’a pas baissé de moitié, ni baissé du tout, mais il ne s’est même pas stabilisé : il a continué à grimper. La procrastination étant la norme politique en vigueur dans la gestion des questions environnementales, il a été décidé fin 2015 qu’un plan Ecophyto-II suivrait le premier, réaffirmant fièrement les mêmes ambitions, mais à l’horizon… 2025.

Dix ans d’inefficacité

Le tout, sans rien changer ou presque à une recette qui démontre, depuis près d’une décennie, son inefficacité : aucune contrainte, mais des mesures de pédagogie qui misent sur la bonne volonté des acteurs de l’agrochimie et de l’agriculture. C’est ignorer volontairement les causes profondes de l’inflation chimique de la « ferme France ».

Elles tiennent en partie au poids des habitudes bien enracinées de traiter ses parcelles de façon préventive, alors que l’esprit de l’agroécologie voudrait que l’exploitant descende de son tracteur et redevienne attentif aux besoins du sol. Elles résultent aussi, bien sûr, du talent commercial des démarcheurs de l’industrie agrochimique, qui savent promettre – à tort – des rendements toujours accrus. Elles répondent enfin aux pressions des coopératives, qui exigent de leurs adhérents un certain nombre de traitements et leur fournissent les produits adéquats.

La donne est en train de changer

Mais c’est en réalité le système tout entier qui pose problème. Ainsi, moins de tourteaux de soja OGM importés d’Amérique du Sud pour nourrir le bétail conduirait l’agriculture française à produire plus de luzerne, de pois, de féveroles, autrement dit apporterait plus de diversité dans les champs, alors qu’aujourd’hui les ravageurs se régalent des monocultures à perte de vue. Voilà pourquoi la pédagogie ne suffit pas et pourquoi les gouvernements successifs reculent.

Or, la donne est en train de changer, car la société s’immisce de plus en plus dans le dialogue entre l’Etat et les représentants du secteur agricole. La demande pour des types de production plus respectueux de l’environnement et de la santé n’a jamais été aussi forte. D’autant que les dégâts environnementaux et sanitaires des pollutions diffuses, en particulier issues de l’agriculture intensive, sont désormais bien documentés.

Enfin, l’expérience des fermes pilotes Dephy, vrai succès du plan Ecophyto, montre qu’il est possible de s’y prendre autrement. C’est même la leçon paradoxale de l’affaire : s’il est possible de produire avec moins de chimie sans perdre ses revenus, pourquoi ne pas s’y mettre tout de suite ? (…) Article Le Monde

Dossier :

Dossier : Pesticides et impact sur la santé et l’environnement
Rapport : « Pesticides : Vers le risque zéro »

En savoir + :

Sénat : Mission commune d’information portant sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement
Plan Ecophyto
Association Phyto-victimes