LGV : La colère des Charentais face aux nuisances sonores

25 août 2017 | Non classé

25/08/17 | Article Sud Ouest

LGV : La colère des Charentais face aux nuisances sonores

Fabrice Geoffroy est le maire de Courcôme, ville particulièrement affectée par l'arrivée de la LGV. Photo : A. Beneytou
Fabrice Geoffroy est le maire de Courcôme, ville particulièrement affectée par l'arrivée de la LGV. Photo : A. Beneytou

À Courcôme, dans le Nord-Charente, les habitants se plaignent du bruit causé par l’arrivée de la LGV, auquel ils ne s’attendaient pas.

À l’ouest, la ligne LGV. À l’est, l’ancien rail TGV, servant aussi au TER et aux trains de marchandises. Au milieu de ce corridor d’un peu plus d’un kilomètre, le bourg du village de Courcôme, en Nord-Charente, à une dizaine de kilomètres de Ruffec.

Là, un peu plus de 400 habitants vivent coincés entre deux rails. Aux premières loges pour voir passer les trains sur la ligne LGV, Jean Diogo. Il habite à 400 mètres du rail et entend à chaque passage  » un gros sifflement. Au début on croyait qu’un avion décollait, ou qu’un gros poids lourd passait », glisse-t-il en regardant au loin.

Sa voisine d’en face, Josiane Guyot corrobore : « Sur la terrasse, on s’arrête de parler quand il passe. » Une autre habitante décrit le bruit d’ »un Mirage. » Il faut dire qu’aucune végétation ne vient freiner les nuisances sonores entre la ligne et les premières habitations situées sur la petite route de Raix.

Jean Diogo déplore aussi le manque d’informations préalables. Comme d’autres, il ne s’attendait pas à autant de bruit. Selon lui, la ligne LGV devait être davantage encaissée. « Cinq mètres plus bas ! Y a pas photo, ça change tout ! » Un peu comme l’ancienne ligne TGV, qui de l’avis de beaucoup, a toujours été moins bruyante. C’était pourtant pour être assez loin de cette voie que Jean Diogo a fait bâtir sa maison ici il y a une dizaine d’années, sans se douter qu’un jour la LGV viendrait l’importuner.

La pendule bouge

À Courcôme, comme dans d’autres villes et villages charentais, de nombreux riverains se rendent à la mairie afin de faire remonter leurs plaintes. « Certains nous disent que cela fait bouger la pendule dans leur maison », témoigne Séverine Queron, qui travaille pour la municipalité de Courcôme.

À quelques hectomètres de la flambant neuve LGV, TER, TGV et trains de marchandises empruntent toujours l’ancienne ligne de chemin de fer. Ces derniers font « aussi du raffut », selon Josie qui vit dans le bourg, pile entre les deux rails.

Jean-Michel Couillaud, lui, habite depuis plus de 40 ans à deux pas de l’ancienne voie « qui date de 1900 et des poussières. C’est la ligne originale du Paris-Bordeaux ! » Ce riverain, qui a toujours connu un fort trafic ferroviaire sous ses fenêtres, se dit davantage gêné par la LGV. Question d’habitude.

« Quand on est dehors on entend surtout le nouveau train. Mais vous savez, quand on a vécu longtemps près d’une ligne de chemin de fer, on fait moins attention. » Ce n’est pas toujours l’avis des proches riverains de la LGV, qui craignent de ne jamais pouvoir s’habituer. « Si ça continue, on va vendre la maison et on ira vivre ailleurs », se désole Josiane Guyot.

« Aucune perspective »

Et que dit le maire, Fabrice Geoffroy de cette situation géographique particulière, avec un village coincé entre deux lignes de train ? « Je n’ai aucune perspective de développement », déplore-t-il. « On est bloqué naturellement. La seule partie de libre se situait où il y a maintenant la LGV. » Un lotissement devait voir le jour « mais aucun lot n’a été vendu », poursuit-il

L’édile évoque également la difficulté pour faire venir de nouveaux habitants. Sans parler des prix de l’immobilier qui dégringolent. « Pour nous, c’est la triple ou quadruple peine. Nous avons eu les travaux avec les désagréments, les nuisances sonores de la LGV et en plus, il n’y a plus d’arrêt de TGV à la gare de Ruffec. Cela va certainement accélérer la désertification. C’est une perte de chance de pouvoir se développer. »

« On a les nuisances et on est de plus en plus isolés, on ne profite plus de rien », résume en quelques mots Séverine Quéron. Et Josiane Guyot de conclure, amère : « Tout ça pour gagner vingt minutes entre Paris et Bordeaux… » (…) Article Sud Ouest

Suivi acoustique

En Charente, deux maires, membres de la coordination interrégionale Ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique et Bretagne-Pays de la Loire, ont centralisé les doléances liées à la LGV. Au nord, celui de Courcôme, Fabrice Geoffroy. Au Sud, Gérard Saumon, maire de Champagne-Vigny, ville traversée par la LGV. Il est aussi président de l’Adisc : l’Association pour la défense des intérêts du Sud-Charente. Face aux nombreuses plaintes, il a sollicité un rendez-vous avec Lisea, concessionnaire de la ligne. Début août élus, services de l’État et représentants de Lisea se sont réunis en Sud-Charente. Un suivi acoustique – confié au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement – dans les communes concernées par le passage du train a été acté, avec plus de points de mesures que prévu.

Entre septembre 2017 et mars 2018, il placera un micro à 1,50 m des habitations, dans chaque site, afin d’enregistrer le bruit pendant 24 heures. Le traitement des données prendra cinq semaines. Lisea indique que « si des écarts sont constatés et que les seuils réglementaires (60 décibels en journée, 50 la nuit) à certains niveaux ne sont pas respectés », il « mettra en place des mesures complémentaires », aux murs anti-bruits et merlons déjà existants, considérés comme peu efficaces par les proches riverains. S’il estime que cette réunion a été « pertinente », Gérard Saumon estime que « l’impact avait été minimisé ».

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Revue de presse :

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